Comment expliquer la stagnation de la Bourse?

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Dans quelle mesure l’économie mondiale est-elle vulnérable à une hausse des taux, une guerre commerciale et un Brexit difficile? Voici les trois grands sujets de préoccupation des investisseurs.

Le BEL-20 a atteint son niveau record de l’année le 22 janvier. Cependant, à la date de rédaction de cet article, la cotation de l’indice phare de la Belgique est inférieure de 11% par rapport à ce pic. Et ce n’est pas seulement la bourse bruxelloise qui piétine, mais ce sont toutes les bourses européennes qui sont au point mort en 2018. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce ralentissement. Vincent Juvyns, stratège chez JPMorgan Asset Management, énumère les risques qui pèsent sur l’économie mondiale : la guerre commerciale, la crise turque, le possible dérapage du budget italien, les négociations sur le Brexit et le resserrement simultané des politiques budgétaires des banques centrales.

Les banques centrales renversent la vapeur

Le 16 décembre 2015, la Réserve fédérale américaine (Fed) décidait de procéder à un premier relèvement de ses taux directeurs. Depuis lors, elle a relevé ses taux sept fois d’un quart de point et la plupart des économistes s’attendent à une huitième hausse la semaine prochaine, de 2 à 2,25%. La Fed a été au demeurant la première des grandes banques centrales à fermer les vannes pour mettre un frein à l’octroi de crédits.

Jeudi prochain, ce sera probablement au tour de la banque centrale norvégienne (Norges Bank) de prendre la décision de rehausser ses taux pour la première fois depuis 2011. Elle a déjà une bonne longueur d’avance sur la Banque centrale européenne (BCE). Cette dernière a décidé la semaine dernière de réduire de moitié, de 30 à 15 milliards d’euros, ses rachats mensuels d’obligations à partir du mois d’octobre. Dans la foulée, la BCE a réitéré son intention d’arrêter son programme de rachats d’obligations d’ici la fin de l’année et de maintenir ses taux directeurs à leur plus bas niveau au moins jusqu’à l’été 2019. Une politique à contre-courant de la Fed que continue également d’appliquer la banque centrale japonaise.

Depuis octobre de l’année dernière, la banque centrale américaine s’est aussi attaquée à la réduction de son bilan. Au plus haut, celui-ci contenait 4.450 milliards de dollars d’obligations. La Fed a en effet racheté des obligations afin de maintenir les taux au plus bas et de faciliter l’accès au crédit pour les entreprises et les ménages. Conséquence : les obligations sont devenues plus chères et on a vu apparaître un effet d’entraînement qui a fait grimper les prix des actions, des biens immobiliers et des véhicules ancêtres. La hausse des actions a plus au moins suivi l’expansion du bilan des banques centrales depuis 2009.

Robin McDonald, gestionnaire de fonds chez Schroders, estime que les banques centrales ont trop tergiverser pour ajuster leur politique. “En attendant aussi longtemps, elles ont favorisé l’accumulation de dettes, de sorte que nous n’avons jamais autant dépendu de taux bas. Il reste à voir quels effets l’augmentation du coût du crédit entraînera à long terme. Les pouvoirs publics, les ménages et les entreprises sont plus endettés qu’avant la crise, ce qui rend le système potentiellement très vulnérable à une hausse des taux.”

L’échéance du Brexit approche

Sadiq Khan, le maire de Londres, a plaidé dimanche dernier en faveur d’un nouveau référendum sur le Brexit. En principe, la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est fixée au 29 mars 2019. Sauf que les négociations piétinent. Les négociateurs souhaitent obtenir un accord d’ici le sommet européen d’octobre et au plus tard pour le mois de novembre. Sadiq Khan est convaincu qu’un bon accord n’est plus possible. Il estime dès lors qu’il faudrait permettre aux Britanniques de s’exprimer une nouvelle fois sur la sortie de l’Union, maintenant qu’ils savent ce que le Brexit coûtera à leur économie.

Jeudi prochain seront publiés les chiffres sur les ventes en ligne et hors ligne des biens et services aux particuliers au Royaume-Uni. Ce secteur est un bon indicateur de la santé de l’économie au sens large et des dépenses de consommation. C’est donc non sans impatience que les économistes d’ING attendent ces chiffres. “Les dernières données étaient plutôt encourageantes et faisaient état d’une certaine résilience, malgré l’approche imminente de l’échéance du Brexit. Nous anticipons cependant un recul des ventes par rapport au mois dernier, en raison des pressions continues qui pèsent sur le pouvoir d’achat des Britanniques. Il se pourrait aussi que l’on constate une légère baisse de l’inflation. Nous ne nous attendons donc pas à voir la Banque d’Angleterre relever une nouvelle fois ses taux avant que le pays n’ait formellement quitté l’Union.”

Nouvelles taxes sur les importations chinoises

Au début de cette semaine, le président américain Donald Trump a annoncé qu’il imposerait de nouvelles taxes douanières de 10% sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises. Il s’agit essentiellement de biens liés aux technologies Internet, au domaine de l’électronique et à une série d’autres biens de consommation. Pour Vincent Juvyns, il est trop tôt pour parler de véritable guerre commerciale: “La guerre des mots entre les Américaines et leurs partenaires commerciaux a déjà entraîné des dommages économiques, qui pourraient éventuellement se répercuter sur les marchés financiers.”

Depuis le début de l’année, le dollar américain s’est renforcé par rapport aux principales devises. Il n’y a que face au peso mexicain, au yen japonais et au franc suisse que le dollar a cédé du terrain. Le rouble russe, le rand sud-africain et le réal brésilien se sont quant à eux dépréciés de 10 à 20%, même si les grands perdants restent le peso argentin (-52%) et la lire turque (-36%). Il faut dire que l’effet d’aspiration du dollar est énorme cette année. La hausse des taux américains rend les placements à taux fixe dans les pays émergents et européens moins attractifs. Par conséquent, les capitaux des investisseurs circulent surtout en direction des États-Unis.

Viraj Patel, stratège changes chez ING, fait observer que le dollar américain s’affaiblirait en cas de dissipation des tensions sur la scène du commerce international : “À l’exception du yen japonais, toutes les devises devraient se rétablir face au dollar lorsque le goût du risque des investisseurs reviendra. Même dans l’éventualité d’une escalade de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, je pense que les effets favorables dont bénéficie le dollar grâce à la conjoncture disparaîtront. Si les partenaires commerciaux des États-Unis venaient à appliquer des taxes plus agressives, nous pourrions nous rendre compte que l’économie et les marchés boursiers américains ne sont pas immunisés contre les guerres commerciales.”

Traduction : virginie·dupont·sprl

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