Gestion de fortune: enfin la transparence pour les investisseurs

© Juliette léveillé

Entrée en vigueur le 3 janvier dernier, la directive MiFiD 2 resserre les règles de la gestion de patrimoine. Place à la transparence sur les coûts et à la fin des rétrocessions, une évolution qui aura un impact à long terme sur l’offre de produits de gestion. Attention, bouleversements en vue.

Si vous êtes investisseur, peut-être avez-vous déjà été contacté ces dernières semaines par votre banquier gestionnaire de patrimoine pour réviser votre profil financier. Sinon, vous le serez bientôt. C’est une conséquence concrète de l’entrée en vigueur en Belgique de la directive MiFiD 2 relative aux marchés d’instruments financiers, adoptée par la Commission européenne dès 2014.

Cette réglementation a pour but d’améliorer la protection et la transparence pour les investisseurs. Les conséquences en sont multiples, à commencer par une remise au goût du jour du traditionnel profil d’investisseur, base de toute relation en matière de gestion de patrimoine entre le gestionnaire et son client. Ce questionnaire ” a été affiné afin de mieux appréhender la sensibilité aux risques du prospect “, précise Denis Costermans, directeur associé au sein du département advisory du cabinet d’audit EY Luxembourg.

” Nous avons opté pour une révision complète de notre questionnaire, désormais réalisé sur support numérique “, confirme Nicolas Nève, responsable de la succursale belge de la Banque de Luxembourg. ” Si le fait de devoir le remplir une nouvelle fois ne ravit pas tous nos clients, beaucoup sont satisfaits des nouveautés qui visent à tester leur réaction par rapport à des situations de marché très concrètes et à nous permettre de mieux appréhender leur patrimoine dans sa globalité. Les risques qu’un investisseur peut encourir pour son portefeuille dans notre institution seront en effet différents s’il possède également un important patrimoine en dehors de la banque. Cela dit, le questionnaire constitue toujours une photo instantanée de la situation d’un client, qui évolue au gré des événements de la vie. ”

Denis Costermans insiste aussi sur la nécessité, pour les banques offrant des services de gestion, de réellement suivre l’évolution de la situation de leur client. ” MiFiD 2 leur impose notamment d’enregistrer les communications avec leurs clients, y compris une retranscription écrite des réunions physiques. Ces enregistrements pourraient servir en cas de plainte d’un investisseur, s’il estime par exemple qu’un placement ne lui a pas été présenté comme il se doit. ”

Clarification des statuts

La nouvelle directive sur les marchés financiers impose également aux banques de remettre au client un rapport justifiant chaque recommandation de placement. ” Cela concerne tout particulièrement les clients en “gestion conseil”, précise Nicolas Nève. Ce type de gestion est désormais plus complexe d’un point de vue administratif. ”

” MiFiD 2 met fin à cette zone grise dans laquelle certaines banques relaient parfois des conseils à des clients considérés comme “execution only”, c’est-à-dire pour qui elles sont censées se contenter d’exécuter des ordres, poursuit Denis Costermans. Désormais, tout client recevant des conseils de placement devra être considéré comme étant en “gestion conseil” “, impliquant des frais de gestion.

Cette clarification des statuts figure clairement parmi les objectifs de MiFiD 2 qui entend rendre les marchés des instruments financiers plus transparents. ” Les banques devront se montrer beaucoup plus transparentes en matière de coûts, souligne Denis Costermans. Elles doivent remettre au client (potentiel) une liste de tous les frais directs et indirects, tels ceux figurant au sein même des instruments financiers comme les frais de gestion d’un fonds par exemple. ” Chaque banque a toutefois adopté des standards propres qui rendent la comparaison difficile.

Pour Denis Costermans, ” la réelle nouveauté est le relevé personnalisé de l’ensemble des charges supportées par le client chaque année. Il saura ainsi exactement combien la gestion lui a coûté, en frais de courtage, frais de gestion et frais inhérents aux instruments financiers. Les banques devront aussi faire toute la lumière sur les rétrocessions “, c’est-à-dire les commissions reçues de gestionnaires de fonds de placement suite à l’acquisition de parts de ces fonds pour le portefeuille d’investissement du client. ” Ces rétrocessions sont désormais interdites dans le cadre de mandats de gestion. ”

Nicolas Neve, responsable de la succursale belge de la Banque de Luxembourg.
Nicolas Neve, responsable de la succursale belge de la Banque de Luxembourg.© sdp

Des frais qui risquent de choquer

L’impact de cette nouvelle réglementation ne se fera ressentir que progressivement. ” Les premiers relevés annuels de frais ne seront envoyés que début 2019. Les banques qui n’auraient pas réalisé un nécessaire travail de pédagogie risquent d’être confrontées à un certain mécontentement de leurs clients. Peu ont effet une vue complète sur les coûts qu’ils supportent, des frais de gestion de 0,50 % masquent des frais de courtage et, surtout, des frais au sein même des fonds investis qui peuvent doubler l’ardoise. ” Le client d’un service de gestion aura désormais pleinement conscience de ces coûts et ” le bouche-à-oreille – ou la comparaison de leurs différents comptes par ceux qui ont divisé leur patrimoine – pourrait ainsi redistribuer les cartes au sein du secteur de la gestion de fortune au cours des prochaines années “.

” Le client ne s’intéresse pas qu’aux coûts, il regarde avant tout le rendement net dans sa globalité, insiste le spécialiste d’EY. ” La transparence accrue de MiFiD 2 devrait ainsi accélérer le déclin des produits de placements aux performances et aux coûts moyens ” qui pouvaient parfois davantage arranger la banque que son client. Denis Costermans prévoit ainsi un écartèlement de l’offre. D’une part, on verra se développer ” la gestion dite passive offrant un rendement moyen en ligne avec les indices boursiers à un coût plancher “. D’autre part, on retrouvera ” des produits de niche offrant une réelle plus-value de gestion, les coûts plus élevés étant compensés par un rendement de base supérieur. En d’autres termes, les gestionnaires devront prouver leur plus-value ou céder le relais aux indices boursiers (dans le cadre de la gestion passive) ou aux robots. “

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