Perspectives encore loin d’être roses pour les banques : où l’épargnant peut-il encore aller avec son argent ?

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Niels Saelens Rédacteur Moneytalk.be

L’offre d’épargne ne fait que s’amincir pour l’épargnant. Après KBC, BNP Paribas Fortis supprime aussi certains produits d’épargne. “Nous continuons à ployer sous la faiblesse des taux”, se plaignent les quatre grandes banques.

Les banques en Belgique continuent à clamer leurs difficultés, et ce alors qu’ING, la première grande banque à avoir publié ses résultats annuels, peut se reposer sur une année pleine de succès. La banque hollandaise a fait quasi un cinquième de bénéfice en plus en 2016 qu’en 2015. Mais ce résultat positif est principalement dû à des éléments non récurrents, soulignait le CEO d’ING Ralph Hamers. L’an dernier, les revenus d’intérêts ont diminué de presque 5%, jusqu’à 2,18 milliards d’euros. En 2017, le modèle de profit traditionnel de la banque – la conversion des dépôts d’épargne à court terme en prêts à long terme – se trouve également solidement mis sous pression.

Au cours de la dernière réunion de la Banque Centrale Européenne (BCE) sur les taux d’intérêt, le président Mario Draghi a notifié la poursuite de sa politique. La BCE continue le rachat mensuel de 80 milliards d’euros d’obligations jusqu’en avril. Ensuite, elle réduira son programme de rachat à 60 milliards par mois jusqu’à la fin de l’année. Les banques doivent en outre toujours payer un intérêt négatif de 0,4% sur les dépôts d’argent à Francfort.

Les opposants, dont le Bundestag allemand, espèrent que le président resserrera sa politique cette année encore. Ils brandissent l’argument selon lequel les derniers chiffres de l’inflation en Europe atteignaient 1,8% le mois dernier. La BCE vise une inflation légèrement inférieure à 2%. Mais la question est de savoir si ce sera suffisant pour Draghi, qui privilégie un tapering (réduction progressive des interventions spéciales d’une banque centrale dans l’économie, note de la traductrice) si l’inflation se révèle durable.

L’offre se réduit

Comme nous ne prévoyons pas d’augmentation du taux d’intérêt par la BCE avant la deuxième moitié de 2018, le taux d’intérêt sur les livrets d’épargne restera au niveau plancher

Comme Draghi a ressorti son bazooka monétaire, la nouvelle norme en Belgique est devenue 0,11%. L’avenir n’apparaît également pas rose pour l’épargnant. “Comme nous ne prévoyons pas que la BCE augmente le taux d’intérêt avant le deuxième semestre de 2018, le taux d’intérêt sur les livrets d’épargne en Belgique restera probablement au niveau plancher jusqu’en 2018”, affirme Julien Manceaux, senior economist chez ING. C’est la même musique auprès des trois autres grandes banques, BNP Paribas Fortis, Belfius et KBC.

La faiblesse des taux d’intérêt commence aussi à avoir un impact sur l’offre d’épargne belge. Les nouveaux clients de KBC n’ont ainsi plus la possibilité de démarrer une nouvelle épargne automatique mensuelle Sart2Save et Sart2Save4 depuis le 1er janvier. “Les taux d’intérêt à court et moyen terme restent historiquement faibles. Le capital non utilisé pour l’octroi des crédits, nous devons le placer à des taux d’intérêt négatifs auprès de la BCE. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre fin à la commercialisation de ces produits d’épargne”, explique Ilse De Muyer, la porte-parole de KBC.

Les épargnants qui avaient déjà commencé de telles épargnes peuvent continuer à verser mensuellement jusqu’à 500 euros sur leur compte d’épargne Start2Save ou Sart2Save4. Ils devront toutefois se contenter de rendements inférieurs. Fin de l’an dernier, la grande banque a encore diminué la prime de fidélité de 0,15 à 0,10%, et le taux de base de 0,6 à 0,4%. Les autres grandes banques et Deutsche Bank ont aussi récemment sabré dans les rendements de leurs épargnes automatiques.

KBC n’est pas la seule grande banque à élaguer son offre. BNP Paribas Fortis arrête également la commercialisation de certains produits d’épargne. Il ne sera ainsi plus possible d’ouvrir un Compte d’épargne Online Premium ou un Compte d’épargne Plus à partir du 15 mars. Les dépôts sur ces comptes seront alors transformés en compte d’épargne classique. Tout comme KBC, BNP Paribas Fortis incrimine la persistance de la faiblesse des taux à court et moyen terme. Les banques Belfius et ING ont fait savoir à notre rédaction qu’elles n’ont pas de tels plans pour l’instant.

Transformation en comptes d’épargne non réglementés

Le 15 mars, BNP Paribas Fortis transformera ses comptes d’épargne pour les clients professionnels en comptes d’épargne non réglementés. La grande banque pourra de la sorte diminuer le taux d’intérêt en dessous du minimum légal de 0,11%. En la matière, elle emboîte le pas à KBC qui avait fait la même chose en 2016. Le 23 octobre, KBC avait converti ses comptes professionnels Compte d’épargne PRO et Compte d’épargne PLUS en comptes d’épargne non réglementés.

Le Belge continue à épargner

Si le taux d’intérêt reste faible, que la conjoncture continue à s’améliorer et que la confiance augmente, la recherche de placements avec de plus hauts rendements se renforcera

Malgré l’offre en diminution, le Belge continue à épargner. A présent, 265 milliards d’euros se trouvent sur les livrets d’épargne réglementés et il est fort probable que ce montant continue à gonfler. ING a vu le nombre de dépôts d’épargne croître de 0,4% en 2016, soit 400 millions d’euros. “Notre modèle prévoit encore une légère augmentation des dépôts d’épargne au cours du premier semestre de 2017”, précise Manceaux. Selon lui, c’est dû au fait que les alternatives prudentes comme l’assurance épargne de la branche 21 n’offrent quasi plus de plus-value. “Du fait de la faiblesse des taux d’intérêt garantis et compte tenu de la taxe de 2% sur les primes, les assurances épargne ne sont plus une solution, et il n’y a également plus de demande pour ces produits”, ressort-il.

Les livrets d’épargnes continuent à avoir du succès parce que les épargnants belges ne débordent pas d’enthousiasme pour les investissements. “Si le taux d’intérêt reste faible, que la conjoncture continue à s’améliorer et que la confiance augmente, la recherche de placements avec de plus hauts rendements se renforcera. Dans ce cas, l’appétit des clients pour le risque grandira, ce qui pourrait conduire à une diminution des versements sur les comptes d’épargne”, explique Ulrike Pommée, la porte-parole de Belfius.

Manceaux ne prévoit pas l’amorce d’un transfert important des produits d’épargne vers d’autres formes d’investissement. L’an dernier, les revenus des commissions sur les investissements ont même diminué de 3% chez ING, à 482 millions d’euros. “Si nous examinons les actifs à rendement fixe, les livrets d’épargne s’avèrent encore toujours être l’instrument le plus rentable, malgré leur faible taux d’intérêt”, conclut-il.

Il apparaît même que l’épargnant perdra du pouvoir d’achat en 2017. Les épargnants belges perdront cette année 2,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat en conséquence de l’augmentation de l’inflation et de la faiblesse des taux sur les livrets d’épargne.

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