‘Comment le simple contribuable pourrait-il optimaliser sa déclaration fiscale, alors que le fisc en est incapable ?’

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Carte blanche

Jef Wellens, fiscaliste chez Wolters Kluwers, fustige le doublement du nombre de codes pour déclarer un emprunt hypothécaire. “Dans les circonstances actuelles, le fisc ne pourrait jamais préremplir les dépenses de crédits hypothécaires dans la déclaration de manière correcte”, ressort-il.

L’an dernier, la déclaration fiscale comptait plus de cent codes pour déclarer un crédit hypothécaire. C’est un doublement du nombre de codes en comparaison avec 2014. La sixième réforme de l’État a transformé la fiscalité du logement en un enchevêtrement inextricable. Le fisc a également été envahi de questions concernant la déclaration fiscale. En juin – le mois par excellence de la déclaration – les services du fisc ont connu une augmentation de 70% des appels téléphoniques et de 120% des e-mails reçus par rapport au même mois de l’année antérieure.

Si le fisc ne parvient plus lui-même à optimaliser la déclaration d’un crédit hypothécaire, comment un profane le pourrait-il ?

Une amélioration n’est pas directement en vue. La déclaration de cette année s’épaissit encore d’une bonne vingtaine de nouveaux codes liés aux crédits hypothécaires. Pour les crédits qui ont démarré depuis 2015, un autre régime fiscal est en vigueur dans les trois Régions que celui pour les crédits plus anciens: l’ancienne épargne-logement d’avant 2005, l’ancien bonus logement pour les crédits souscrits entre 2005 et 2014, et les nouvelles mesures fiscales en vigueur dans chaque Région depuis 2015 et/ou 2016. De plus, le gouvernement fédéral est toujours compétent pour les secondes résidences et pour la partie de votre habitation que vous louez ou que vous utilisez pour votre profession. Vous comprenez pourquoi les crédits hypothécaires sont le grand point d’achoppement dans une déclaration fiscale.

Cela, le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA), l’a aussi compris. Bien qu’il n’y ait été pour rien, la mise en oeuvre de la sixième réforme fiscale de l’État lui est tombée dessus comme un cadeau empoisonné. Dès son entrée en fonction en 2014, il a donné mission à son administration d’étudier, conjointement avec Febelfin, comment les données des crédits hypothécaires et des assurances vie pourraient être automatiquement remplies dans la déclaration fiscale.

Mais l’introduction des dépenses liées aux crédits logement dans une déclaration préremplie n’a jamais réussi par le passé. Croire que c’est possible en l’an 2016 est un voeu pieux, au vu de la complexité croissante chaque année. Ce n’est pas pour rien que le fisc a retiré de Tax-on-web le module d’optimisation pour les dépenses liées aux emprunts, parce que celui-ci “est devenu trop compliqué à programmer”. Ce module calculait automatiquement dans quelles rubriques, chez quel partenaire et pour quel montant il valait mieux déclarer les dépenses liées aux crédits pour une économie d’impôt maximale.

Entre-temps, le ministre a ajusté son ambition: “Au vu de la complexité de la matière après la sixième réforme de l’État, une optimisation automatique est difficile à réaliser et dans le cas de crédits multiples, c’est même impossible”, répondait-il récemment suite à quelques questions critiques à propos de la disparition du module. “Rien qu’une optimisation partielle et donc incomplète est un travail qui prend plusieurs mois, qui doit encore une fois à nouveau être effectué à chaque changement régional du régime fiscal”. Et le ministre a encore ajouté: “Pour une optimisation, le contribuable doit, pour cette raison, réaliser lui-même les simulations de calcul via Tax-on-web”.

Les 3 millions de Belges ayant un crédit hypothécaire ne peuvent rien faire avec cette réponse

Tout comme lui, le fisc semble aussi avoir abandonné. Car même deux ans après la réforme de l’État, les attestations fiscales des crédits logement ne sont toujours pas adaptées à la nouvelle fiscalité liée aux crédits hypothécaires. Ainsi, les banques délivrent toujours, cette année encore, les modèles dépassés. Ceux-ci contiennent non seulement des références à des articles de loi inexistants, mais pire encore, par la mention d’un seul montant annuel d’intérêts et de remboursement de capital, ils ne sont pas utilisables par les personnes qui ont déménagé ou modifié l’affectation de leur habitation dans le courant de 2015.

Soyons clairs: dans les circonstances actuelles, le fisc ne pourrait jamais préremplir les dépenses liées aux crédits logement de manière correcte – encore moins de manière optimale – dans la déclaration. Les 3 millions de Belges ayant un crédit hypothécaire ne peuvent rien faire avec ces belles paroles. Si même le fisc ne parvient pas à optimaliser la déclaration d’un crédit hypothécaire, comment un profane pourrait-il le faire, en faisant lui-même les simulations ? Et plus fondamentalement: que penser d’un système fiscal qui fait dépendre la maximisation d’un avantage fiscal de 101 simulations de calcul ou du fruit du hasard ?

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