‘Dual income tax: un système simple et pragmatique, qui a pourtant ses opposants’

© Belga
Ewald Pironet Ewald Pironet est rédacteur du Knack.

Tout le monde est d’accord: l’impôt sur le revenu dans notre pays est complexe. Le mode d’emploi qui accompagne la déclaration fiscale comporte plus de 100 pages, il y a énormément de postes de déduction, le calcul est compliqué. De plus en plus souvent, la question de l’équitabilité de cet impôt revient sur la table.

La Dual income tax, c’est quoi ?

La dual income tax est un système fiscal qui fait une distinction entre deux manières de recevoir des revenus. Il y a d’une part les revenus du travail et d’autre part les revenus du patrimoine. Chaque catégorie a un volet séparé dans la déclaration fiscale, et ces revenus sont imposés selon un tarif propre. C’est un système simple et pragmatique pour imposer l’ensemble des revenus.

On décide d’une chose un jour et d’une autre le lendemain. Nous manquons de vision globale dans ce pays

Le système existe déjà dans les pays scandinaves. Dans un premier volet de la déclaration fiscale, on enregistre les revenus issus du travail et les revenus de remplacement, comme les allocations de chômage. Le taux auquel ceux-ci sont imposés est sujet à alimenter les débats, mais on pourrait imposer ces revenus du travail de manière progressive: au plus vous gagnez, au plus vous devez payer au fisc. Cela se fait également déjà ainsi aujourd’hui, et à cet effet, il existe des tranches d’imposition. Pour les revenus entre 0 et 8.710 euros, on paie 25% d’impôt, entre 8.710 et 12.400 euros 30%, entre 12.400 et 20.660 euros 40%, entre 20.660 et 37.870 euros 45%, et sur tout ce qui dépasse 37.870 euros 50%. En principe, on pourrait modifier tant les tranches que les taux.

Dans le second volet de la déclaration fiscale, dans le système de dual income tax, on trouve tous les revenus issus du patrimoine. Il y a notamment les intérêts sur les livrets d’épargne et les obligations, les revenus des investissements; ou les revenus des biens immobiliers, comme les revenus locatifs nets et la plus-value lors de la vente de terrains et de maisons (sauf s’il s’agit de votre propre maison). Ici, on doit aussi mentionner les revenus de droits intellectuels, comme les royalties et les brevets. Tous ces revenus, on pourrait également les imposer de manière progressive, bien que la plupart des acteurs plaident pour l’imposition des revenus du patrimoine suivant un taux fixe, par exemple de 25 à 27%.

Pourquoi ce taux fixe ? Le raisonnement à l’origine de celui-ci est que la personne a déjà payé des taxes sur ses biens mobiliers (investissements) et immobiliers (appartements, maisons…) auparavant. Car soit vous les avez constitués vous-même, et dans ce cas vous avez déjà payé des impôts sur le revenu, soit vous avez hérité du bien, et dans ce cas, vous avez déjà payé des droits de succession. C’est la raison pour laquelle beaucoup estiment un taux fixe équitable. Ensuite, un montant déterminé dans cette catégorie devrait également pouvoir bénéficier d’une exonération d’impôt.

Qui porte la dual income tax ?

Non seulement nos impôts manquent de transparence, mais de plus en plus souvent la question se pose de savoir s’ils sont encore équitables. Car le travail est lourdement imposé dans notre pays, alors que (certaines parties de) notre patrimoine est peu imposé. Pour toutes ces raisons, beaucoup plaident pour une réforme globale de l’impôt sur le revenu.

Les économistes et les experts fiscaux louent le caractère simple et pragmatique de la dual income tax. Politiquement, elle est surtout mise en avant par le CD&V, mais les propositions concrètes des socio-démocrates ne sont pas encore connues. On appliquerait quelles tranches d’imposition ? Quel serait le minimum d’impôt exempté ? Opte-t-on pour un taux fixe pour imposer l’ensemble des revenus du patrimoine ? Quel serait ce taux ? Toutes ces questions demandent encore une réponse.

Pourquoi changer ?

L’appel pour un impôt simple et clair sur les revenus du patrimoine se fait de plus en plus entendre. Les opposants soulignent que le patrimoine est déjà lourdement imposé dans notre pays. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que le système est transparent ou cohérent.

Les revenus issus des royalties et des brevets sont par exemple souvent exempts d’impôt. Pour ce qui concerne l’immobilier, on ne déclare aujourd’hui que le revenu cadastral, et il est largement dépassé, et de loin, et pas toujours en adéquation avec la valeur réelle. Eh bien, avec la dual income tax, vous devriez déclarer vos revenus locatifs nets, qui reflètent la réalité. Et sur les plus-values enregistrées en cas de vente d’une maison ou d’un terrain (donc sauf si c’est votre propre maison), vous devriez également payer des impôts. Aujourd’hui, vous êtes imposé à hauteur de 17% si la vente du bien immobilier se passe dans les cinq ans après l’acquisition.

Les plus-values sur les actifs financiers (investissements) seraient aussi imposées de manière cohérente dans le système de dual income tax, ce qui n’est actuellement pas le cas. Nous connaissons bien le précompte mobilier aujourd’hui qui a été augmenté par le gouvernement Michel de 27 à 30%. Cela illustre d’emblée un des problèmes des impôts actuels sur les revenus: on décide d’une chose un jour et d’une autre le lendemain. Nous manquons de vision globale dans ce pays.

Les économistes et les experts fiscaux louent le caractère simple et pragmatique de la dual income tax

La dual income tax a bien sûr aussi des opposants – surtout au deuxième volet, l’impôt sur les revenus du patrimoine. Ils font remarquer que la Belgique se trouve en tête de classement dans toutes les catégories d’impôt, aussi ceux sur le patrimoine. Et entre-temps, les inégalités de patrimoine dans notre pays sont quasiment les plus faibles du monde, soulignent-ils. Ils estiment qu’un impôt sur le patrimoine est contre-productif, car moins il y a d’impôt sur la fortune, plus les Belges riches peuvent mettre leur fortune au service de la société, et plus ils peuvent créer de nouvelles entreprises, des emplois et de la prospérité. Leur argument principal est: nous n’avons pas besoin d’impôt sur le patrimoine, mais bien de davantage de grandes fortunes.

D’autres estiment ensuite que l’impôt sur le patrimoine dans un système de dual income tax ne va pas assez loin, les richesses doivent selon eux être abordées de manière plus dure. Certains vont même jusqu’à vouloir que les héritages aillent complètement vers le fisc: l’héritier n’a après tout pas de mérite à l’héritage, le système favorise tout simplement les inégalités dans la société. Je suis curieux de savoir si cela passera en 2017.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content