Ilse De Witte

“L’indexation automatique des salaires n’est pas sociale”

Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

L’indexation automatique des salaires est-elle sociale ? Est-ce une protection des plus faibles dans notre société ? “Non”, répond la journaliste de Trends et MoneyTalk Ilse De Witte.

Le ministre de l’Economie Kris Peeters (CD&V) a commandé une ‘enquête approfondie’ pour mettre à jour les causes des rapides hausses des prix dans notre pays. Ses services devront dès lors creuser pour trouver des causes pour lesquelles les autorités n’ont pas leur part de responsabilité. Plus de la moitié de l’inflation belge en 2016 est la conséquence de décisions des autorités, pouvait-on lire récemment dans la Revue économique de la Banque Nationale. Et cela est probablement encore une sous-estimation.

En juin, l’inflation s’élevait dans notre pays à 1,8%, contre 0,1% dans la zone euro et 0% dans l’Union Européenne, mesurée à l’aide de l’indice des prix à la consommation harmonisé qui rend possible la comparaison entre pays. L’inflation à taux d’imposition constant s’est révélé de 0,8% en juin, ce qui nous situe toujours en tête, mais d’une ‘avance’ déjà beaucoup plus petite sur les pays qui nous entourent. Pour l’inflation à taux d’imposition constant, on a surtout filtré la taxe Turtelboom et l’augmentation de TVA de la hausse des prix de l’électricité.

Outre l’indexation automatique des salaires, qui a temporairement été désactivée par le saut d’index, il y a encore de nombreux mécanismes dans notre pays qui veillent à ce qu’une inflation plus élevée perdure. Prenons juste l’exemple de l’indexation des prix locatifs, des prix des maisons de repos ou de l’accueil de l’enfance, …

Outre les augmentations fiscales, il y a encore d’autres décisions des autorités, comme la hausse du minerval pour les universités et les hautes écoles, qui ont renforcé l’inflation dans notre pays ces dernières années. L’horeca désigne notamment la caisse intelligente, la hausse des accises sur l’alcool et la taxe soda comme explications à la hausse des prix dans le secteur.

Le fait est que les sociétés publiques et privées utilisent aussi l’inflation dans notre pays pour justifier des hausses de prix qu’elles veulent adopter. “Comment se fait-il par exemple que Telenet augmente le prix de ses minutes d’appel de 60% sans perte de clients?”, se demandait Peeters à voix haute dans le journal De Tijd. Telenet a notamment fait référence à l’inflation pour déterminer ses prix, ainsi qu’à ses propres coûts. Cette hausse de tarif spécifique – pour la téléphonie fixe pendant les heures de pointe – à laquelle Peeters fait probablement référence, était une tentative, en début d’année, pour faire évoluer les client vers des formules all-in moins chères. Toutes les minutes d’appel ne sont pas aussi chères chez Telenet. Il s’agissait d’une augmentation de tarif globale d’environ 3%.

Ce que le ministre de l’Economie a également omis de raconter, c’est que la taxe Turtelboom revenait, pour Telenet, à une facture de taxes supplémentaires de quelques millions d’euros. Pour une société qui paie 80 à 90 millions d’euros, cela revient à une hausse d’impôt de 3 à 4%.

Maintenant, il se pourrait bien que Telenet et Proximus, pour une partie de leurs activités, aient de facto un duopole. Mais s’il y a un manque de concurrence dans ce secteur, cela n’est-il dès lors pas à l’organe de contrôle de la concurrence, le BIPT, et au ministre des Telecom, Alexander De Croo (Open Vld), d’y faire quelque chose ? Peeters essaie-t-il peut-être de détourner l’attention ?

Toucher à l’indexation automatique des salaires est et reste un tabou, mais si nous désirons aligner l’inflation et la compétitivité de manière durable avec nos pays voisins, il faudra tout de même bien le faire. L’indexation automatique des salaires est-elle sociale ? Est-ce une protection des plus faibles dans notre société ? Non. Car une indexation de 2% génère, pour une personne ayant un salaire mensuel de 1000 euros, 20 euros supplémentaires, alors que pour une personne ayant un salaire mensuel de 100.000 euros, cela génère 2.000 euros supplémentaires.

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