Michel Maus

‘Nos politiciens sont trop occupés à se livrer à un concours de beauté fiscal’

Michel Maus Michel Maus est avocat et professeur en droit fiscal à la VUB.

‘Avant de sortir de nouvelles propositions fiscales, il serait peut-être temps pour le monde politique de revenir aux bases et de se demander quels fondements portent notre système fiscal”, juge Michel Maus, avocat et professeur en droit fiscal.

L’année électorale 2019 paraît encore loin, mais les partis politiques s’échauffent déjà en vue d’une campagne électorale sûrement captivante. Il paraît évident que la fiscalité sera un thème central. Il y a quelques semaines, Groen et l’Open Vld ont démarré la course à l’électeur en Flandre. Groen plaidait pour une garantie de bien-être, une déclinaison du revenu de base universel, et l’Open Vld proposait une taxe linéaire sociale.

En réaction, le ministre N-VA Johan Van Overtveldt a fait savoir qu’il planche également sur une réforme fiscale et il a donné la mission au Conseil supérieur des finances d’élaborer des plans pour fin 2018, juste avant les élections, pour s’attaquer à l’énorme pression fiscale qui repose sur les employés et de l’adapter aux changements de la société.

Nos politiciens sont trop occupés à se livrer à un concours de beauté fiscale pour se damer le pion

Je suis le premier à souligner l’importance de réformer la fiscalité, mais à présent, je commence tout de même à me demander si nos politiciens ne sont pas trop occupés à se livrer à un concours de beauté fiscale pour se damer le pion. Notre fiscalité est devenue un monstre hyper complexe. Et il faut dire que le gouvernement Michel n’a aucunement contribué à une simplification, bien au contraire. Les nouvelles mesures, avec de nouveaux bric-à-brac, agrandissent encore la fragilité des fondements de notre fiscalité.

Avant de sortir de nouvelles propositions fiscales, il serait peut-être temps pour le monde politique de revenir aux bases et de se demander quels fondements portent notre système fiscal. Sur base de cela, on pourra réfléchir à une vision claire du futur. C’est indispensable si nous ne voulons plus, pendant encore des années, nous accrocher à un système où la législation fiscale évolue en fonction de l’engouement du moment.

À la naissance de la Belgique, en 1830, les pères de notre politique ont décidé qu’il y aurait trois fondements à notre système fiscal : légalité, égalité et annualité. Ces principes ne prêtent pas à controverse.

Quels sont les postulats de notre politique fiscale et quelle vision à long terme avons-nous en matière de fiscalité ?

La question que nous devons nous poser est de savoir si nous ne devrions pas envisager, 200 ans plus tard, de renforcer ces fondements avec des principes de base. C’est essentiel pour le développement d’un régime fiscal moderne. Quels sont les postulats de notre politique fiscale et quelle vision à long terme avons-nous en matière de fiscalité ? Y a-t-il un axiome ‘les épaules les plus larges portent les charges les plus lourdes’ ? La fiscalité doit-elle vraiment être utilisée pour contrôler les comportements ? Ce sont des questions qui demandent réponse.

Il est dès lors nécessaire d’élaborer de nouveaux principes de base fiscaux pour constituer un cadre clair pour toute politique fiscale, comme la distributivité, la réciprocité et l’équité. La distributivité implique que les impôts aient un rôle de redistribution. C’est déjà le cas, dans la mesure où le produit des impôts est utilisé pour financer les infrastructures collectives. Mais il semble opportun que la taxation ait elle-même un effet redistributif. C’est possible par l’application de taux de taxation progressifs en fonction des revenus, du patrimoine, de la pollution en CO2, etc. Mais aussi en travaillant avec une taxe linéaire et en rendant les déductions fiscales et les régimes favorables dégressifs.

Si une personne veut avoir droit à une déduction fiscale ou à une exonération, elle doit faire quelque chose en retour

La réciprocité implique que les régimes fiscaux fonctionnent “quid pro quo”. Cela signifie que les régimes favorables ne peuvent pas être amorphes, comme les intérêts notionnels ou la déduction forfaitaire des frais professionnels. Celui qui veut avoir droit à une déduction fiscale ou à une exonération doit faire quelque chose en retour, comme stimuler l’économie via des investissements, la création d’emplois, l’amélioration de l’environnement, etc.

L’équité part de l’idée qu’un prélèvement fiscal affecte le droit de propriété et doit en conséquence être proportionnel. Le prélèvement fiscal implique d’une part que nous pouvons attendre de chacun une contribution fiscale minimale, mais d’autre part que nous devons limiter cette contribution fiscale au maximum. Ceci est possible en établissant que la pression fiscale ne peut jamais dépasser un certain niveau.

Un système fiscal stable exige des fondations solides. Ce n’est possible que si ces fondements sont clairement établis et qu’un plan de construction soit dessiné pour un système fiscal capable de résister aux tempêtes et ouragans des prochaines décennies. Établir et renforcer ces fondements devrait être la mission prioritaire du monde politique.

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