Acheter une résidence en Espagne : nos conseils

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Les Belges passent volontiers leurs vacances en Espagne. Dans ce pays, les prix des maisons baissent et les taux hypothécaires sont intéressants. Cherchez bien et préparez-vous soigneusement : les bonnes affaires ne sont pas rares.

Bien que la récession traîne en longueur, l’intérêt des Belges pour les résidences à l’étranger ne faiblit pas. Les placements classiques – livrets d’épargne, obligations – ne rapportent plus. Aussi les regards se tournent-ils vers les maisons de vacances au-delà des frontières. “Le nombre de dossiers augmente. Le budget disponible aussi”, constate Jeanine Rits, Marketing Manager chez Atlas International, N°1 du marché : “Mais la demande se déplace à nouveau de la Turquie vers l’Espagne. Dans ce pays, destination favorite des Belges, les prix ont perdu jusqu’à 50 % (NDLR : entre 2005 et 2009, ils avaient grimpé de 150 %).”

Officiellement, 108.000 Belges possèdent une résidence à l’étranger. Seulement 48.000 contribuables ont déclaré ces revenus immobiliers. Dans la pratique, les chiffres sont sans doute beaucoup plus élevés, mais nos compatriotes se montrent discrets par crainte du fisc. Toutefois, les traités contre la double imposition font progressivement évoluer les choses. Depuis 2005, les autorités françaises communiquent à l’administration fiscale de notre pays les listes des propriétés belges. Dirk Van der Maelen, député SP.A, souhaite que l’Espagne, l’Italie, le Maroc et la Turquie fassent de même à brève échéance.

“Le fisc belge sait déjà qui possède un bien en Espagne”, réplique Dany De Decker, associé au cabinet d’avocats Acos (Baker Tilly Belgium). “Le 2 décembre 2009, notre pays a signé avec l’Espagne un protocole organisant les échanges de renseignements bancaires. Le fait qu’un Belge soit titulaire d’un compte en Espagne constitue un indice pour le contrôleur local. Il ne faut pas enquêter longtemps pour en déduire l’existence possible d’un bien sur le territoire espagnol. On peut en dire autant de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de la Turquie”, commente-t-il.

L’Espagne rattrape la France

La crise du crédit a durement frappé les prix de l’immobilier dans les destinations de vacances, sauf en France. Deux ans plus tard, le secteur s’est à peu près remis. Seule l’Espagne reste à la traîne. Bon à savoir pour les investisseurs belges, fans de longue date de la Costa Blanca. Lentement mais sûrement, l’Espagne rattrape la France au classement des pays que les Belges préfèrent pour y installer une résidence secondaire.

Différences régionales

L’an dernier, la surabondance des nouveaux logements de vacances et le retrait des investisseurs britanniques ont encore fait chuter de 10 à 40 % (selon la source) les prix espagnols par rapport à l’année précédente.

“Le recul varie en fonction de la région”, explique Druot, directeur Second Residence Services de BNP Paribas Fortis. “Les bonnes affaires se situent surtout en Murcie et dans la région de Valence. La livre ayant perdu de son pouvoir d’achat, bon nombre de Britanniques en mal de liquidités ont vendu leurs biens espagnols à des conditions très intéressantes”, poursuit-il.

La Costa Blanca reste très appréciée des Belges pour ses plages de sable blanc et son agréable microclimat. “Fait remarquable, commente Rits, nos compatriotes n’exigent plus la vue sur la mer. Soleil d’abord ! Cela explique le succès de certains endroits comme les environs de la ville de Torrevieja (Alicante), notamment San Miguel de Salinas, Algorfa ou Campoamor, ou encore Mar Manor (Costa Càlida). Ces sites proches de la côte ont tout pour y séjourner confortablement d’un bout à l’autre de l’année. On assiste aussi à une augmentation de la demande de grandes parcelles. Nos clients songent à s’installer définitivement là-bas, pour y exploiter par exemple un bed & breakfast ou une autre activité comme un manège. Le budget moyen se situe entre 100.000 et 200.000 euros, mais les opérations de plus d’un demi-million d’euros ne sont plus exceptionnelles.”

Prix attrayants

Il faut aussi savoir que l’économie espagnole va mal. Les chiffres officiels évoquent un chômage de 20 %. Signe des temps, les banques locales sont confrontées à 6 % de défauts de paiement sur les crédits au logement. Pour survivre, elles sont contraintes de fusionner. Les liquidités manquent ; l’octroi de crédit a pratiquement cessé.

“Entre décembre 2010 et janvier 2011, poursuit Druot, les prêts aux ménages ont chuté de 63,3 %. Cela représente un recul annuel de 43,1 %. Environ un million de maisons sont à vendre aujourd’hui. La crise ouvre d’excellentes opportunités aux investisseurs étrangers. Parallèlement aux régions côtières habituelles, les candidats acheteurs visitent aussi des endroits plus beaux, comme les Baléares.”

Actuellement, la tendance est à la construction neuve. Rits confirme : “L’an dernier, les reventes et les saisies bancaires ont suscité un certain intérêt, à cause d’importantes baisses des prix. Mais la situation a changé, car le secteur de la construction a dû s’adapter au marché. C’est une bonne chose pour les candidats à l’investissement dans l’immobilier étranger. Le creux est derrière nous ; les prix repartent à la hausse. Le moment est bien choisi pour acheter.”

Face à cela, les autorités espagnoles se débattent avec un vaste déficit public. Elles ne peuvent faire autrement que d’alourdir les impôts. Les communes suivent le mouvement en augmentant les taxes sur l’immobilier. “Malgré tout, nous sommes dans une période favorable pour acheter une seconde résidence en Espagne. Le choix est large, les prix attrayants, et on peut négocier !”, conclut Drouot.

Faites-vous aider

L’achat d’un immeuble à l’étranger présente un risque : celui du coup de c£ur. Impressionnés par la beauté de l’environnement et par le soleil, les candidats oublient souvent de réfléchir. Aussi importe-t-il de partir bien préparé. A cet égard, un rôle important appartient au conseiller juridique ou fiscal.

Les Belges sont en effet taxés sur leur revenu mondial, y compris l’immobilier étranger. Pour éviter la double taxation, notre pays a conclu des traités internationaux. Du précompte immobilier, par exemple, on déduit l’impôt déjà payé à l’étranger. Quant aux droits de donation, de succession et d’enregistrement, ils varient d’un pays à l’autre. Il en va de même de l’impôt sur la fortune ou sur les plus-values.

Si vous possédez déjà une maison de vacances en Espagne, la régularisation est peut-être une bonne idée. Yves Sirejacob, avocat belge en Espagne, explique : “En modifiant le traité de double imposition entre l’Espagne et la Belgique, les deux Etats membres se sont engagés à échanger des informations sur les biens immobiliers des étrangers. Cela signifie que le fisc belge reçoit les listes de nos compatriotes qui ont une propriété en Espagne. Vous devez donc déclarer la valeur nette (loyer brut moins l’impôt foncier local) de vos biens espagnols.”

Comment ces revenus sont-ils taxés ? Yves Sirejacob répond : “Le fisc admet 40 % de frais forfaitaires. Il ne retient donc que 60 % des revenus locatifs comme base taxable. Cela suffit parfois pour vous faire passer dans une tranche supérieure (réserve de progression).” Vous avez “oublié” de déclarer ces revenus depuis un certain temps ? Pas de panique. De nos jours, les régularisations fiscales se passent bien. Elles permettent aussi d’éviter les problèmes de droits de succession. “La pénalité se limite à 10 % sur 60 % de la valeur locative nette”, explique Yves Sirejacob. “N’oubliez cependant pas qu’il y aura un recalcul de la base imposable pour les années régularisées, ce qui peut déboucher sur une augmentation des droits de succession.”

Via une société

Dans certains cas, l’immeuble espagnol appartient à une Sociedad de Responsabilidad Limitada (la variante locale de notre SPRL). Au lieu d’acheter directement le bien, vous devenez propriétaire de la totalité des actions de la société. Sur le plan fiscal, cela change tout.

“Il est primordial de savoir si la société en question a des dettes fiscales, insiste Yves Sirejacob. Vérifiez aussi tous les contrats existants de la société : la cession des parts ne change rien aux obligations juridiques qu’elle a contractées dans le passé. Avant d’acheter le bien, il faut donc une double enquête : d’abord le contrôle habituel des aspects juridico-urbanistiques, ensuite la vérification comptable et fiscale.”

La transaction sera-t-elle taxée ? “Oui et non, répond Yves Sirejacob. En principe, l’achat d’actions échappe aux droits de cession. Mais le législateur a pris ses dispositions pour empêcher une évasion trop facile. L’article 108.2. a de la loi espagnole sur les marchés des titres ( Ley Mercado de Valores) stipule en effet que si on acquiert le contrôle d’une société dont les actifs se composent à plus de 50 % de biens immobiliers situés en Espagne, l’impôt sur la cession est bel et bien dû. Il suffit donc de posséder un peu plus de la moitié des actions (50 % + 1) pour payer 7 % sur la valeur réelle du bien.”

Il est néanmoins possible d’échapper à la taxe, précise Yves Sirejacob : “Le service espagnol des décisions anticipées a par exemple jugé que si chaque conjoint d’un couple marié achetait 50 % des parts d’une société patrimoniale, cela ne pouvait être interprété comme l’acquisition d’un contrôle. L’achat des actions a donc été exonéré de la taxe sur la cession. La communauté matrimoniale ne formant pas une personne morale, elle ne peut être considérée comme l’acquéreur des actions. Dans la pratique, ces sociétés sont souvent achetées par des couples. On peut donc voir là un moyen de ne pas payer l’impôt. Mais attention : les ‘rulings’ ne sont pas éternels. Mieux vaut se renseigner systématiquement.”

Par ailleurs, la revente de votre bien espagnol sera taxée, avertit Yves Sirejacob : “Comme la plus-value sur la vente d’un immeuble est imposée à 18 % en Espagne, vous devrez acquitter le même taux sur la revente de vos actions en tant que non-résident, plus précisément sur la différence entre le prix d’achat et le prix de vente des titres. Attention : si, au lieu de revendre les actions, vous faites revendre la maison par la société, vous ne serez plus soumis au régime de la plus-value pour les non-résidents, mais la société sera taxée suivant la législation espagnole.”

Avantages fiscaux

La déclaration de votre immeuble n’apporte pas seulement la sérénité, mais aussi des avantages fiscaux. “Dans certaines situations, explique Dany De Decker, une déclaration correcte peut conduire à une réduction d’impôt. On peut en effet imaginer des cas où le contribuable a le droit de réclamer de l’argent à l’Etat. Un bel exemple : les importantes réductions d’impôts qui récompensent les mesures d’économie d’énergie. En installant des panneaux solaires ou du double vitrage en Espagne, vous pouvez payer moins d’impôts en Belgique. Il faut cependant que les travaux soient confiés à un entrepreneur enregistré. Depuis le 23 avril 2010, vous pouvez même faire appel à une entreprise de construction agréée espagnole.”

Combien cela peut-il rapporter ? “La réduction d’impôt est plafonnée à 40 % du montant facturé (TVA comprise) que vous avez effectivement payé, répond Dany De Decker. A partir de l’exercice d’imposition 2012 (revenus de 2011), la réduction est limitée à 3.600 euros par logement et par période imposable. Le solde est cependant reportable aux trois années qui suivent. Compte tenu de l’indexation annuelle de ces sommes, un investissement de 37.500 euros pour l’installation de panneaux photovoltaïques en 2010 rapporte donc environ 14.820 euros sur une période de quatre ans. Ajoutons que la déduction peut être effectuée par plusieurs personnes pour la même habitation. Une faculté intéressante dans un planning de succession, en cas d’achat séparé avec réserve d’usufruit. Dans certains cas, un crédit d’impôt est même prévu. Cela veut dire que vous recevrez en tout cas de l’argent de l’Etat, même sans avoir payé d’impôts.”

Eric Pompen

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