‘Le consommateur doit être stimulé à consommer l’énergie au meilleur moment’

La Grande-Bretagne craint de devoir faire face à une pénurie d'électricité cet hiver. © Belga

Dans son livre ‘Stroom onder stoom’ (‘Électricité sous pression’), l’économiste Paul Maertens donne un éclairage sur l’approvisionnement en électricité dans notre pays. Morceaux choisis.

La principale innovation sera sans nul doute liée au système de tarification. L’actuelle catégorisation en tarif de jour et tarif de nuit est dépassée. Elle ne tient pas compte des réelles variations de l’offre et de la demande dans une période de 24 heures. Le consommateur doit être stimulé à consommer l’énergie au moment le plus propice, mais cela ne sera possible que s’il le comprend et qu’il peut, en temps réel, anticiper les variations de prix sur le marché. La combinaison de la maîtrise de la demande, des compteurs intelligents et de l’émergence des technologies liées aux batteries offre également des avantages aux gestionnaires de réseaux.

Elia devra prévoir moins de coûteuses capacités de réserve et pourra donc, en théorie, réduire ses coûts. Par le biais, par exemple, d’un soutien temporaire des investissements dans les batteries ou l’équipement intelligent, cet avantage pourra retourner vers le consommateur. Les consommateurs intéressés (les clients ‘intelligents’ à propos desquels nous avons déjà parlé, mais nous n’avons pas de vue sur leur nombre) devraient par conséquent pouvoir opter pour un tarif flexible pendant le jour et être capables de convertir immédiatement des signaux de marché en actions (activation, désactivation ou diminution de la consommation).

Les bases de la tarification doivent également changer. Les coûts du réseau doivent faire l’objet d’une rémunération correcte, mais la consommation ne peut pas en être le seul fondement. Deux raisons expliquent cela. L’achat net est en recul car toujours plus de consommateurs produisent eux-mêmes. Bien que la consommation brute continue à croître, les coûts totaux pour le réseau doivent être répartis sur un plus petit nombre de kWh, ce qui fait grimper le prix moyen par kWh. La première victime de ce mécanisme de prix est le client qui n’est pas à même d’être également producteur lui-même ou pour qui un investissement dans une production autonome ne vaut pas la peine du fait de son utilisation relativement limitée. Cela risque de devenir un cercle vicieux, et cette tendance joue au niveau individuel.

Le mouvement pour la construction, dans le futur, de projets de développement de quartiers ou de villes dotés d’une autonomie énergétique quasi complète, peut également conduire à des effets indésirables. C’est bien sûr très beau de construire une sorte de réseau privé et de ne plus faire appel au réseau de distribution, ce qui permet d’éviter le paiement d’indemnités aux gestionnaires de réseau. Si l’ensemble d’un quartier se déconnecte, le coût moyen par kWh augmentera bien sûr pour ceux qui restent connectés au réseau de distribution. Le quartier en question désirera néanmoins conserver une connexion de back-up au réseau, en cas de dysfonctionnement de sa propre production autosuffisante. Il s’agit en fait d’une forme de désolidarisation et cela impose à l’utilisateur moyen, qui n’habite pas dans un nouveau quartier dont la consommation nette d’énergie est nulle, des coûts plus élevés. D’un point de vue sociétal, cela ne peut pas être l’objectif.

Pour toutes ces raisons, des voix, chaque jour plus nombreuses, s’élèvent en faveur d’un double tarif ou en deux volets (les gestionnaires de réseau en sont d’ailleurs partisans). Une partie du tarif serait encore basée sur la consommation car on doit bien sûr continuer à stimuler l’utilisation efficiente de l’énergie. Mais la capacité pourrait déterminer l’autre partie du tarif. En d’autres mots: la disponibilité du réseau et tous les éléments nécessaires à la garantie de l’équilibre et de l’entretien du réseau. Ces coûts, dans un monde énergétique ‘intelligent’, ne seront pas toujours inférieurs qu’auparavant, mais ils sont totalement indépendants de la consommation. Ils doivent en principe aussi se refléter dans les tarifs. Une telle tarification à deux volets, aussi imparfaite soit-elle, refléterait beaucoup mieux le fonctionnement du marché de l’énergie du futur et donnerait un signal de prix plus correct.

Cette transition ne se fera pas sans difficulté. Mi-2016, il fut dévoilé que la VREG (le régulateur flamand du marché de l’énergie, NDLR) élaborait une nouvelle structure de tarification allant dans cette direction, qui n’entrerait en vigueur qu’en 2019. Malgré cette longue période de transition et malgré le fait que les consultations formelles concernant les idées devaient encore démarrer, certaines organisations étaient déjà entrées en opposition contre le changement. Il allait en effet surtout toucher les plus petits consommateurs et étoufferait dans l’oeuf tous les efforts pour diminuer la consommation. Le régulateur s’est dépêché de communiquer qu’il ne s’agissait que de pistes de réflexion.

Nous devons pourtant nous rendre compte que nous ne pouvons pas tout avoir, en tant que consommateur: une diminution du tarif, une diminution de la facture si la consommation diminue, la possibilité de produire soi-même ou de faire partie d’un système autonome sans participation au paiement des frais de réseau, ainsi que la garantie d’approvisionnement en électricité. Nous voulons toujours tout et partout, sans que cela ne puisse coûter quoi que ce soit.

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