BNP Paribas Fortis investit dans la gestion de patrimoine automatisée

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Jusqu’à présent, seuls quelques acteurs de second plan proposaient de la gestion de patrimoine automatisée et bon marché en ligne dans notre pays. Ils devront bientôt faire face à un concurrent de taille en la personne de la plus grande banque belge.

Le gestionnaire de patrimoine BNP Paribas Asset Management a pris une participation majoritaire dans Gambit Financial Solutions, une spin-off de l’Université de Liège, fournisseur de solutions digitales aux banques souhaitant automatiser la gestion du portefeuille de leurs clients. Gambit est sur le point de lancer sa propre application, Birdee, une solution pour la gestion de patrimoine automatisée discrétionnaire en ligne pour le grand public.

Cet investissement est un signal fort vu l’importance de BNP Paribas Asset Management dans ce secteur. Le gestionnaire d’actifs assure la gestion et le conseil de quelque 566 milliards d’euros dans le monde et fait partie de BNP Paribas, une des plus grandes banques d’Europe et société mère de la banque belge BNP Paribas Fortis. Le groupe bancaire s’intéresse à Gambit depuis un bon moment. En juin 2016, la spin-off a remporté un concours organisé par BNP Paribas Fortis avec un prototype de Birdee. La jeune entreprise a bénéficié d’une aide de 15.000 euros pour poursuivre le développement de son application et est depuis lors impliquée dans un programme d’incubation de la banque.

BNP Paribas Fortis pourrait bientôt proposer à ses clients une solution digitale de Gambit mais se montre assez discret sur le sujet. ” Il est trop tôt pour en parler “, déclare un porte-parole. Selon le communiqué de presse, Gambit conserve son indépendance et étend sa clientèle ” en qualité de partenaire privilégié dans le domaine des solutions robo-advisor pour les réseaux retail et private wealth du groupe BNP Paribas “. Une explication dont il faudra se contenter pour le moment.

Voilà près de deux ans que Keytrade Banque utilise les algorithmes de Gambit pour constituer les portefeuilles de Keyprivate, une banque privée en ligne dont les clients ayant investi un minimum de 15.000 euros peuvent bénéficier d’une gestion de patrimoine discrétionnaire. ” Les algorithmes se basent sur la théorie de portefeuille moderne du professeur Harry Markowitz “, explique Gorik Nelissen, directeur des marchés financiers chez Keytrade Bank. Cette théorie part du principe que les investisseurs visent un rendement maximum avec un minimum de risques.

Rentabilité

” En input, nous introduisons les rendements anticipés des différentes catégories d’actifs, les variations de rendement ou de volatilité et la corrélation entre les catégories d’actifs. En output, le poids que chaque catégorie d’actifs doit acquérir dans le portefeuille “, ajoute Geert Van Herk, directeur du comité d’investissement de Keyprivate. Les algorithmes déterminent donc le montant à investir en actions des différentes régions, en obligations publiques et privées, en métaux industriels, en or et en cash. Keytrade place l’argent de ses clients en trackers, des fonds cotés en Bourse suivant fidèlement un indice, jugés ” rentables “.

Pour la plupart des trackers, les frais de gestion tournent autour de 0,2 à 0,3 % tandis que les gestionnaires des fonds d’investissement classiques réclament des frais de gestion annuels jusqu’à cinq fois plus élevés. Rien d’étonnant donc à ce que la gestion automatisée soit si plébiscitée pour les trackers. Le prestataire de service doit bien gagner sa vie et le client regarde à son porte-monnaie. L’entrée en vigueur l’an prochain d’une nouvelle directive européenne relative aux services d’investissement (MiFID II) obligeant les banques à ventiler tous les frais et à les exprimer en centimes et en pourcentages, ne fera qu’exacerber l’importance des coûts facturés.

La digitalisation rend la gestion d’actifs moins coûteuse et plus accessible. Elle n’est pas gratuite pour autant.

Les trackers présentent un sérieux inconvénient : l’investisseur paie deux fois les taxes boursières, à l’achat et à la vente. Alors que pour les fonds d’investissement, la taxe boursière n’est due qu’à la vente et uniquement sur les parts des fonds de capitalisation. Pour les trackers enregistrés et proposés publiquement en Belgique, il existe deux tarifs : 0,09 % pour les fonds assortis d’une indemnité périodique avec un maximum de 1.300 euros, et 1,32 % pour les fonds sans indemnité, avec un maximum de 4.000 euros. En ce qui concerne les trackers non enregistrés en Belgique, le tarif est de 0,27 %, avec un maximum de 1.600 euros, aussi bien pour les fonds de distribution que de capitalisation.

BinckBank Belgique, qui a lancé la gestion automatisée Binck Gestion d’Actifs l’an dernier, a trouvé la parade. ” Nos clients ont des positions dans deux fonds d’investissement communs : un fonds d’actions et un fonds d’obligations, explique le porte-parole Eddy Van Geyte. La taxe boursière ne s’applique pas. La vente de parts du fonds d’obligations est toutefois soumise à un impôt sur la plus-value de 30 %. ” Les fonds communs de BinckBank investissent à leur tour dans des ” outils rentables “, à savoir une dizaine de trackers suivant les performances des obligations publiques et privées européennes et une dizaine de trackers qui investissent en actions.

Tout sauf gratuit

La digitalisation rend la gestion d’actifs moins coûteuse et plus accessible. Elle n’est pas gratuite pour autant. Sur le marché belge, les cinq acteurs proposant actuellement de la gestion de patrimoine en ligne comptent entre 0,4 et 1 % de frais. La gestion digitale discrétionnaire n’est évidemment en aucun point comparable à une gestion de portefeuille personnalisée proposée par la plupart des banques privées aux clients qui détiennent 1 million d’euros à investir. A en croire Keytrade, sa gestion de patrimoine digitale discrétionnaire coûte deux à trois fois moins cher qu’une gestion de patrimoine traditionnelle. Les frais de gestion Keyprivate s’élèvent à 0,91 %. Que vous confiez 15.000 ou 150.000 euros à la banque internet, peu importe. Binck Gestion d’Actifs gère les avoirs à partir de 10.000 euros moyennant 0,75 % de frais. Pour un placement supérieur à 250.000 euros, les frais sont rabotés à 0,4 %. Autrement dit, plus l’investissement confié à Binck est important, moins les frais de gestion sont élevés.

Chez Easyvest également, les frais varient en fonction du patrimoine en gestion. Pour les actifs d’une valeur supérieure à 250.000 euros, le tarif est de 0,5 %. Comptez deux fois plus (1%) pour les actifs de 5.000 à 24.999 euros. ” Pour une mise de 100.000 euros, vous payez 600 euros chez Easyvest contre 1.430 euros chez le gestionnaire belge moyen “, peut-on lire sur le site web d’Easyvest qui collabore avec Leleux Associated Brokers.

Dexxi, acteur néerlandais nouveau venu sur le marché belge depuis cet été, propose aux investisseurs belges une gestion automatisée de leurs avoirs à partir de 1.000 euros. Dexxi réclame 0,8 % de frais pour la gestion d’un portefeuille investi essentiellement dans des trackers, avec un minimum de 25 euros. Particularité à souligner : les clients de Dexxi ne peuvent verser ou retirer de l’argent que deux fois par mois. Le regroupement des ordres permet à Dexxi d’économiser sur les frais.

Dexxi vous demande de communiquer votre objectif d’investissement, l’importance et la durée du placement envisagé. Vous pouvez par exemple opter pour une pension complémentaire, une interruption de travail anticipée ou des économies visant à financer les études de vos petits-enfants. L’investisseur indiciel vous propose ensuite un portefeuille-cible qui contient essentiellement des trackers d’Ishares et de Vanguard. Les trackers et l’argent des clients de Dexxi sont sur un compte chez BinckBank Belgique.

Ces acteurs ne communiquent pas sur les montants en gestion, ce qui semble indiquer que le succès de la gestion digitale d’actifs est plutôt mitigé. Si BNP Paribas Fortis réussit à rediriger 1 % de l’argent des carnets d’épargne de la grande banque vers les solutions digitales de gestion de patrimoine, le montant pourrait s’élever à plus de 600 millions d’euros. Autrement dit, les robots d’investissement pourraient être en vogue en 2018.

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