Cinq conseils pour ne pas faire trop de cadeaux au fisc

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

L’accord budgétaire que les partis de la coalition fédérale viennent de conclure contient de nombreuses mesures qui affectent les épargnants et les investisseurs. Voici quelques conseils pour éviter de payer inutilement des taxes sur votre épargne et profiter pleinement des avantages fiscaux.

Les modalités pratiques des décisions politiques doivent encore être adoptées au cours des semaines et des mois à venir. On ignore pour l’heure quand certaines d’entre elles entreront en vigueur. Pour s’appliquer, les modifications doivent encore être coulées sous forme de lois, et celles-ci publiées au Moniteur belge. Vous avez donc encore un peu de répit ; en attendant, voici quelques conseils pour optimiser votre épargne à moyen et long terme.

1. Surveillez l’évolution des taux d’intérêt de l’épargne

Le montant exonéré des intérêts du livret d’épargne est divisé par deux, passant de 1.880 à 940 euros par personne. L’épargnant doit s’acquitter d’un précompte mobilier de 15 % sur les intérêts au-delà de ce plafond. C’est encore deux fois moins que le taux de 30 % applicable à la plupart des produits d’épargne et de placement.

La majorité des épargnants ne ressentiront pas immédiatement cette baisse du plafond d’exonération. Comme ils ne touchent que le minimum légal sur leur livret d’épargne, il faudrait qu’ils possèdent une épargne de plus de 850.000 euros pour entrer dans la zone à risque. Le minimum légal s’élève à un taux de base de 0,01 %, éventuellement majoré d’une prime de fidélité de 0,1 % pour les sommes restées plus d’un an dans la même banque.

En cherchant bien, on trouve encore des livrets d’épargne assortis d’un taux de 0,5 %. Dans ce cas, le niveau d’épargne à surveiller s’élève à 188.000 euros. Si les taux d’intérêt de l’épargne devaient repartir à la hausse ces prochaines années, il serait fiscalement intéressant de limiter le montant total placé sur des comptes d’épargne. Pour un taux de 1 ou de 2 %, il est conseillé de conserver moins de 94.000 ou de 47.000 euros, respectivement, sur le livret d’épargne.

Vous devez additionner le montant total des intérêts. Si vous possédez plusieurs comptes auprès de banques différentes mais que vous ne dépassez le plafond chez aucune d’elles, le précompte mobilier n’est pas retenu automatiquement. Si le montant retenu est insuffisant, vous devez l’indiquer dans votre déclaration fiscale. A ce jour, les banques belges ne communiquent pas automatiquement au fisc les montants figurant sur les comptes d’épargne. Il existe en revanche un registre reprenant tous les comptes et contrats qui vous lient à une banque. Un contrôle mettrait rapidement au jour un oubli, volontaire ou non.

2. Profitez au maximum de l’exonération des dividendes

Vous pourrez récupérer une partie du précompte mobilier sur les dividendes que vous paierez l’année prochaine en remplissant votre déclaration fiscale en 2019. Cette exonération s’applique à la première tranche de 627 euros de dividendes. Vous pourrez donc vous faire rembourser au maximum 188,1 euros du fisc. En règle générale, la taxe sur les dividendes est de 30 %. Seuls les dividendes de deux sociétés immobilières, Care Property Invest et Aedifica, bénéficient d’un taux moindre de 15 %, parce qu’elles investissent à plus de 60 % dans des infrastructures de soins.

Si votre corbeille de dividendes exonérés n’est pas encore pleine et que vous avez encore suffisamment de moyens, vous pouvez la compléter par des actions à dividendes, de préférence avant que la énième augmentation de la taxe sur les opérations boursières (TOB) n’entre en vigueur. Concrètement, votre corbeille sera pleine avec une position de 20.900 euros dans une action assortie d’un rendement de dividende de 3 % brut.

Je m’attends à ce que les banques privées ne répercutent pas la taxe sur les comptes-titres auprès de leurs clients. Anton van Zantbeek (Rivus)

Votre corbeille de dividendes déborde déjà ? Dans ce cas, vous pouvez envisager de mettre quelques actions à dividendes au nom de votre partenaire ou d’en offrir à vos enfants pour leurs étrennes, s’ils sont déjà redevables de l’impôt, à la place de la petite enveloppe traditionnelle de Nouvel An. Une telle donation de titres peut se faire par simple don bancaire, c’est-à-dire par virement sans communication effectué d’un compte-titres à un autre. Le donateur et le donataire doivent dans le même temps signer un document justificatif. Si vous décédez endéans les trois ans suivant la donation, celle-ci est considérée comme un legs donnant lieu au paiement d’un impôt sur la succession. Sauf si vous parvenez à faire enregistrer votre donation avant votre décès : dans ce cas, l’impôt sur la donation est inférieur à l’impôt sur la succession.

Un transfert de titres entre deux comptes-titres auprès du même organisme financier peut se faire gratuitement chez certaines banques, mais il donne parfois lieu à des frais ailleurs. Ainsi, Keytrade Bank compte 15 euros (plus 21 % de TVA) pour chaque transfert. Un virement de titres est en tout cas plus avantageux qu’une vente suivie d’un achat en Bourse, et vous pouvez limiter les frais – qui s’appliquent à chaque ligne – par exemple en faisant don d’une position importante sur une action à dividendes au lieu de plusieurs petites positions.

Attention : donné, c’est donné. Si les relations se gâtent, l’argent est perdu, et si vos enfants majeurs vendent les actions pour manger le capital, vous ne pourrez que les regarder faire. Pour les montages qui vous laissent davantage de contrôle, vous devez faire appel à des avocats ou à des gestionnaires de patrimoine, et cela a bien sûr aussi un prix.

3. Ne flirtez pas avec la limite des 500.000 euros sur le compte-titres

Les partenaires gouvernementaux ont décidé d’instaurer une taxe de 0,15 % sur les comptes-titres dont les capitaux dépassent les 500.000 euros. Les banques devront déterminer la valeur des titres tous les mois et calculer et percevoir la taxe à la fin de l’année sur la base de la moyenne de toutes ces valeurs mensuelles. Si vous vous situez juste au-dessus du plafond de 500.000 euros et que vous risquez un impôt supplémentaire d’environ 750 euros, vous pourriez envisager de vendre quelques titres. Imaginons que vous vendiez pour 2.500 euros d’actions : vous paierez alors 6,75 euros en taxes boursières et peut-être autant en frais de transaction, selon votre intermédiaire.

Si vous dépassez largement ce seuil de 500.000 euros, ce n’est évidemment plus une option. Les liquidités ne rapportent rien. ” Comme le taux est relativement faible, il sera plus coûteux, dans la plupart des cas, d’éluder la taxe que de la payer tout simplement, estime l’avocat fiscaliste Anton van Zantbeek (Rivus). De plus, je m’attends à ce que les banques privées ne la répercutent pas sur leurs clients. En général, elles gagnent plusieurs fois ce montant sur le patrimoine total de leurs clients. Elles préféreront faire un geste commercial en la prenant à leur charge plutôt que de risquer de voir partir leurs clients avec leurs avoirs. ”

Un porte-parole de Febelfin fait remarquer que les banques ne connaissent pas vraiment l’identité du propriétaire des valeurs sur un compte-titres. ” Un compte-titres ne peut être qu’à votre nom, mais si vous êtes marié selon le régime de la communauté universelle des biens, votre conjoint possède la moitié de ces valeurs. ” Il se peut que le compte-titres d’un des deux conjoints dépasse le seuil de 500.000 euros, mais pas celui de l’autre. En fonction des modalités précises qui seront arrêtées par le législateur, il pourra être utile de partager à parts égales les titres entre les comptes des conjoints, de scinder un compte commun, etc. En général, il ne coûte rien de transformer un compte individuel en un compte commun et vice versa, et souvent, l’ouverture d’un nouveau compte-titres est gratuite.

Si vous possédez plus d’un compte-titres, vous devrez le mentionner dans votre déclaration fiscale. Une disposition anti-abus devrait empêcher l’ouverture de comptes multiples dans le but d’éluder l’impôt. Le gouvernement cherche ainsi à faire échec aux investisseurs qui veulent échapper à la taxe sur les comptes-titres. Une forme ou l’autre d’obligation de déclaration des comptes-titres à l’étranger sera sans doute instaurée : le gouvernement a tiré les leçons de la taxe boursière.

4. Comparez les assurances-placement et les fonds de placement

Anton van Zantbeek estime que les placements dans des fonds redeviennent fiscalement intéressants. ” L’investisseur particulier est lourdement taxé sur chaque transaction en actions. Les fonds ne paient aucune taxe boursière. Mais il faut bien sûr être prêt à se dessaisir de la gestion. ”

Pour les fonds d’obligations et les fonds investis aussi bien en actions qu’en obligations, les choses sont un peu moins claires. En effet, on a de nouveau étendu la dénommée taxe Reynders, qui frappe d’un impôt de 30 % la plus-value réalisée lors de la vente de parts de fonds mixtes et de fonds d’obligations. Jusqu’à présent, seuls les fonds qui investissaient plus de 25 % des capitaux dans des obligations étaient assujettis à cette taxe. Désormais, il suffirait que le gestionnaire de fonds prenne une seule obligation en portefeuille. A noter que vous ne payez pas cette taxe sur la plus-value que vous réalisez éventuellement en achetant et en vendant des obligations par vous-même.

L’application de la taxe Reynders à la vente de parts est une mauvaise surprise pour bon nombre d’investisseurs. S’ils ont effectué un placement dans un fonds il y a plus de 10 ans, il n’était pas encore question de la taxe à l’époque. Entre-temps, elle a été augmentée à plusieurs reprises et étendue à d’autres types de fonds. Lorsque vous investissez dans des fonds d’investissement par le biais d’une assurance-vie de la branche 23, vous ne payez pas la taxe Reynders. ” Pour les assurances placement, les choses sont claires : on ne paie que 2 % de taxe sur la prime à chaque versement, puis plus rien “, précise Frank Peeraer, CEO de Fortuna Financial Group.

Pour les assurances placement, les choses sont claires : on ne paie que 2 % de taxe sur la prime à chaque versement, puis plus rien. Frank Peeraer, CEO de Fortuna Financial Group

” Si les frais d’entrée et de gestion de l’assurance placement restent limités, vous pouvez récupérer cette taxe sur la prime en deux ans. ” Dans tous les cas, faites bien attention aux frais ou à la différence de rendement, car d’après une comparaison entre le produit d’assurance et le fonds sous-jacent réalisée par Trends (article du 27 octobre 2016), le produit d’assurance n’a pas rattrapé rapidement le retard dû à la taxe.

” Si, en plus, vous voulez passer d’un fonds plutôt défensif, comme Carmignac Patrimoine, à un fonds plutôt offensif, comme R Valor, la structure de l’assurance vous permet d’éviter les taxes boursières “, ajoute Frank Peeraer. Celui-ci estime dès lors que le choix de l’assurance placement est une évidence pour les investisseurs dynamiques, qui passent régulièrement d’un fonds à l’autre. A noter que la taxe boursière est plafonnée à 4.000 euros pour chaque transaction sur un fonds. Pour un investissement de 500.000 euros, vous devez vendre au moins trois fois vos parts de fonds avant de récupérer la taxe sur la prime de 10.000 euros. Pour un investissement de 1 million d’euros, il faudra réaliser cinq transactions sur des fonds, et ainsi de suite. ” Le fonds bancaire convient mieux à l’investisseur souhaitant acheter et conserver un fonds d’actions pour la vie “, reconnaît Frank Peeraer.

Le principal argument en faveur des assurances-vie, après l’accord d’été, est sans doute qu’elles ne sont pas assujetties à la taxe sur les comptes-titres. Les parts de fonds de placement sont inscrites sur un compte-titres. Lorsque vous effectuez un versement dans une assurance placement, aucune trace n’apparaît sur un compte-titres.

5. Mettez à votre nom les actions que vous achetez pour la vie

” Quand j’ai vu paraître des articles concernant la taxe sur les comptes-titres, j’ai tout de suite su que des investisseurs allaient me poser des questions. De fait, le jour suivant, j’ai été assailli de coups de fil et de mails “, raconte l’investor relations d’une holding belge cotée en Bourse, qui souhaite garder l’anonymat. ” Je leur explique qu’ils doivent aller déposer leurs titres à leur banque. Celle-ci note le nom et l’adresse de l’actionnaire dans le registre des actions, ainsi que le compte sur lequel les dividendes doivent être payés. C’est une pratique assez courante. ”

Cette option ne vaut que pour les actions de bon père de famille que vous souhaitez conserver à très long terme. Seules les personnes qui investissent vraiment dans une entreprise peuvent se le permettre. Car si vous voulez revendre les actions, vous devez à nouveau les convertir en actions sur un compte-titres et chaque conversion s’accompagne de frais. BNP Paribas Fortis facture par exemple 48,4 euros pour mettre des actions belges au nom de leur propriétaire. Chez Bolero, vous devez produire un ordre signé pour mettre vos titres à votre nom et payer la somme de 50 euros.

940 euros. En matière de fiscalité sur les comptes d’épargne, le plafond d’exonération de 1.880 euros d’intérêts est diminué par deux.

627 euros. Le nouveau plafond d’exonération de précompte mobilier sur les dividendes d’actions.

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