Il faut profiter de l’architecture ouverte

Marc Danneels © PG

Les investisseurs désireux de pouvoir choisir parmi une large offre de fonds, provenant de gestionnaires divers, ne peuvent le faire auprès des grandes banques traditionnelles. Le recours à de plus petites banques, voire à un ” supermarché de fonds ” en ligne peut être la solution.

Dans ces colonnes, nous parlons souvent de fonds de placement qui ne sont pas facilement disponibles auprès de votre banquier traditionnel. Et si celui-ci accepte de vous laisser souscrire le fonds d’un gestionnaire externe (non sans vous avoir proposé les alternatives disponibles et souvent moins performantes parmi les fonds maison), il réclamera souvent des droits d’entrée très importants (autour de 3%), qui détruiront une bonne partie de la performance sur la première année de détention. Ce problème n’existera pas chez les clients aisés, les services de banque privée fonctionnant souvent en architecture ouverte depuis de nombreuses années.

Pour rappel, l’architecture ouverte désigne la capacité à trouver le fonds d’un gestionnaire externe (par exemple un fonds de Schoders ou de Fidelity) chez un intermédiaire financier. Le mouvement vers l’architecture ouverte n’a pas vraiment connu une forte progression ces dernières années. Parmi les grandes banques belges, seule ING Belgique propose aujourd’hui une offre limitée de fonds provenant de cinq gestionnaires externes (Axa Investment Managers, Amundi Asset Management, BlackRock, Franklin Templeton et NN Investment Partners), mais en prélevant des droits d’entrée qui restent élevés (3%). ING précise que cette limitation dans l’offre est un choix conscient qui vise à aider le client à trouver sa voie dans la multitude des fonds. A noter que NN IP est l’ancien gestionnaire maison du groupe ING.

Parmi les banquiers traditionnels de taille intermédiaire, les principaux acteurs de l’architecture ouverte sont Beobank (qui fut historiquement un des premiers à se lancer dans l’aventure) et Deutsche Bank Belgique, mais il est également possible de trouver quelques fonds externes au menu de banquiers comme Argenta (Carmignac, GS&P ou Degroof Petercam) ou Crelan (notamment les fonds Econopolis).

Et il existe ensuite de nombreux supermarchés du fonds (Rabobank, Binck, Keytrade, MeDirect) qui permettent d’opérer facilement son choix parmi une offre très large et de retrouver la plupart des fonds dont nous parlons régulièrement dans ces colonnes. Pour les investisseurs privés qui n’ont pas accès aux services de private banking, acheter un des fonds vainqueurs des Morningstar Awards passera donc très souvent par l’ouverture d’un compte dans l’un de ces magasins en ligne du fonds de placement.

Quels avantages ?

Les avantages des supermarchés de fonds sont divers, mais peuvent se résumer en deux mots : frais et offre. Les distributeurs de fonds externes peuvent offrir des fonds sans frais d’entrée ou de sortie, même si certaines sociétés de gestion imposeront parfois un droit d’entrée (par exemple de 1 % pour Carmignac ou Degroof Petercam). En outre, ces distributeurs disposent souvent des offres de plusieurs dizaines de gestionnaires externes, avec généralement plusieurs centaines de produits accessibles, généralement très bien notés chez Morningstar. A noter que le modèle de développement choisi par Deutsche Bank Belgique est assez similaire à celui d’un supermarché en ligne, avec une offre de fonds qui est la plus large dans notre pays (1.600 fonds).

Il existe grosso modo deux types de supermarchés en ligne : ceux qui ont des racines dans le courtage d’actions (comme Keytrade ou Binck) et qui réclameront typiquement une commission fixe sur l’acquisition et/ou sur la vente d’un fonds ; et ceux qui ont fait de la distribution de fonds une spécialité maison et qui proposent la plupart des fonds de leur site sans droits d’entrée.

Un autre facteur différenciant les acteurs de l’architecture ouverte vient du service offert : certains donnent des conseils aux clients (c’est le cas par exemple pour Beobank ou Deutsche Bank Belgique), d’autres se spécialisent dans l’exécution des transactions sans fournir de conseil (tels MeDirect, Keytrade Bank ou Rabobank). A noter également que Beobank n’est pas un supermarché en ligne et acheter un fonds externe par son intermédiaire nécessitera d’entrer en contact avec un conseiller.

Ponctuellement, une commission est extraite du fonds afin de rémunérer l’équipe en charge de la gestion du produit. Typiquement, cette commission de gestion sera très faible pour un fonds indiciel ou un ETF, elle s’élèvera entre 0,75 et 1,5 % pour un fonds obligataire, et atteindra entre 1,25 et 2,5 % pour un fonds d’actions géré activement. En gros, plus un fonds investit activement sur des classes d’actifs exotiques, plus cette commission de gestion sera élevée.

Et typiquement, une partie de cette commission sera reversée au supermarché ou au distributeur externe au titre de rétrocession, représentant de 40 à 60 % de la commission versée. Ce sont ces rétrocessions qui expliquent que les supermarchés peuvent offrir des droits d’entrée et de sortie de 0 % sur la plupart des produits mis en avant sur leurs sites.

Il faut profiter de l'architecture ouverte
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Sélection des gestionnaires

Avec plus de 260 milliards d’euros qui continuent à dormir sur les comptes d’épargne des épargnants belges, de nombreux gestionnaires étrangers cherchent aujourd’hui à conclure des accords avec nos plateformes de distribution. Mais pour conclure un accord, il faut passer au travers du processus de sélection des différents distributeurs. ” Ce n’est pas aussi simple. Il faut que leurs produits soient adaptés au marché en termes de taxation. Il faut aussi que la documentation soit disponible en français et en néerlandais “, souligne Dirk Van Biesen (Keytrade Bank).

” Nous sommes très courtisés par les gestionnaires désireux de se lancer sur le marché belge, mais ils doivent apporter une valeur ajoutée par rapport à l’offre déjà disponible ici. Et il faudra nécessairement qu’ils prévoient une présence commerciale locale afin de répondre rapidement aux questions de nos conseillers “, indique Youssef Uriagli, head of portfolio and funds management chez Deutsche Bank Belgique. Une fois le gestionnaire entré dans l’offre, c’est l’ensemble de la gamme qui devient disponible pour les clients (y compris les nouveaux fonds). Au cours des dernières années, seuls cinq gestionnaires externes sont entrés dans l’offre de Deutsche Bank (Ethenea, Flossbach von Storch, Aberdeen, Pimco ou encore Degroof Petercam).

” Nous travaillons avec une dizaine de gestionnaires externes. C’est une liste assez stable, avec des relations qui existent depuis 15 ans pour la plupart d’entre eux, et qui ne change généralement que lorsque l’un d’eux décide de se retirer du marché belge, constate Marc Danneels, CIO de Beobank. Nous ne voulons volontairement pas élargir davantage la liste des gestionnaires de manière inutile, afin de pouvoir conserver la qualité des conseils que nous donnons à nos clients. ”

Si certains supermarchés sont avant tout concentrés sur les grands gestionnaires internationaux, d’autres font davantage d’efforts pour proposer des produits belges, comme par exemple chez Keytrade avec les fonds Aphilion, Mercier Vanderlinden ou Value Square. Chez MeDirect, on trouve des noms tels que Aphilion, Vector Asset Management, DNCA, La Financière de l’Echiquier, ou des acteurs ” durables ” comme RobecoSAM qui viendront agrémenter l’offre. Enfin, Binck est actuellement en phase de reconstruction de son offre de fonds de placement. “Nous offrons pour l’instant 200 produits, mais nous comptons aller à terme vers une offre de 500 fonds de placement, afin de présenter un vrai supermarché des fonds “, indique Thomas Huyghe, business manager chez Binck. Le site de Binck affiche ainsi déjà une cinquantaine de gestionnaires différents à son actif.

Sélection des fonds

La manière de choisir quels fonds seront disponibles pour les clients diffère fortement chez chaque distributeur. Chez Keytrade, l’offre disponible sur le site résultera par exemple d’un échange entre le gestionnaire et le distributeur, tandis que Binck sera plus réactif aux demandes des clients mais ne fera pas de sélection a priori. ” Nous écoutons avant tout les demandes de nos clients et observons les fonds qui sont populaires sur le marché, souligne Thomas Huyghe (Binck). Nous ajoutons également les fonds qui arrivent chez nous lors d’un transfert de titres d’une autre banque. Nous n’effectuons pas la sélection de fonds nous-mêmes. ”

Chez Rabobank, Justin Gelkpof, product manager investments, souligne que l’offre est limitée à environ 130 fonds. ” Ceci nous permet de séparer le bon grain de l’ivraie (sur la base de critères comme les notations, les rendements antérieurs, les frais ou la fiabilité des gestionnaires externes, Ndlr). Notre sélection est répartie enquelques catégories principales simples, ce qui permet aux clients de rapidement trouver le fonds qui leur convient. ”

Chez Beobank, le choix se focalisera sur les produits gérés activement et disposant, entre autres, d’un historique de trois ans, avec minimum trois étoiles Morningstar et des encours d’au moins 100 millions d’euros. Sur ces fonds, une analyse profonde qualitative et quantitative est ensuite exécutée. ” Nous proposerons le meilleur fonds dans sa catégorie, en visant ceux qui parviennent à dégager une performance et une maîtrise de risque constante sur le long terme. Cette liste est renouvelée tous les trimestres, mais les changements sont rares “, souligne Marc Danneels (Beobank).

Enfin, chez MeDirect, la sélection est effectuée en collaboration avec Morningstar, en privilégiant les produits affichant les meilleures performances. ” Notre offre en fonds mixtes est plus large que sur les fonds spécialisés, car notre objectif consiste à proposer une gamme correspondant aux demandes de nos clients. S’ils le demandent, nous pouvons également leur proposer un fonds qui n’est pas dans notre offre, à condition que le fonds soit bien noté et que la commission de gestion ne soit pas trop élevée “, souligne Patricia Boydens.

” Market timing ”

Tous les acteurs interrogés soulignent que les fonds mixtes ont enregistré de belles progressions en 2016. ” C’est un produit qui reste attractif pour les clients qui n’ont pas beaucoup d’actifs financiers, ou qui ne veulent pas investir beaucoup de temps dans la gestion de leur patrimoine “, constate Marc Danneels (Beobank).

” Leur succès a été favorisé par un environnement volatil sur les marchés, avec des flux qui se sont dirigés vers des produits tels que BlackRock Global Allocation, Flossbach von Storch Multiple Opportunities, Carmignac Patrimoine ou First Eagle Amundi “, indique Patricia Boydens (MeDirect).

” Cette gamme représente environ 80 % des nouveaux encours car ils permettent aux clients de ne plus se soucier de l’allocation entre les différentes classes d’actifs, ou de faire du market timing. Dans la seconde moitié de 2016, nous avons également vu plus de volume se diriger vers les produits en actions américaines “, constate Youssef Uriagli (Deutsche Bank Belgique).

Chez Binck, Thomas Huyghe souligne pour sa part avoir assisté à une progression sensible des transactions en ETF par rapport à 2015. ” Les actifs sous gestion dans ce segment ont augmenté de 40 % par rapport au début de l’année passée “, constate-t-il.

Enfin, les différents acteurs qui offrent un produit d’épargne automatique indiquent également que ces formules ont rencontré beaucoup de succès en 2016. ” La croissance des encours sur Keyplan a été de 40 % sur l’exercice écoulé, et ce produit représente aujourd’hui 15 % de nos encours en fonds “, indique Gorik Nelissen (Keytrade Bank).

FRÉDÉRIC DINEUR

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