Anton Van Zantbeek

‘L’État taxe tous les succès, mais en cas de pertes…’

“Pour beaucoup de sociétés, investir dans des actions devient un important défi qui, sur le plan financier, aura plus d’effets négatifs que positifs”, analyse Anton van Zantbeek, avocat chez Rivus et professeur à la faculté d’économie et de sciences de gestion de la KU Leuven et à la Fiscale Hogeschool.

Fin décembre, la réforme tant attendue de l’impôt des sociétés est parue au Moniteur belge. Le cheval de bataille du ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) comporte une diminution du taux générale. En plus de cela, quelques cadeaux de Noël ont été distribués aux holdings et multinationales établies en Belgique.

Mais l’opération doit être budgétairement neutre. Quelqu’un paiera donc la facture. Ce sera à nouveau les investisseurs. Cette fois, les particuliers ne sont pas visés, mais bien les sociétés qui investissent – PME, sociétés de management, professions libérales et petits indépendants organisés en société.

Investir en actions devient, pour beaucoup de sociétés, un important défi, qui aura plus d’effets négatifs que positifs sur le plan financier.

Depuis le 1er janvier 2018, elles subissent un traitement manifestement inéquitable de leur plus-value sur actions. Que celle-ci soit désormais taxée n’est pas en soi le problème. Mais le caractère non déductible de la moins-value sur actions est quant à lui un problème. L’Etat taxe tous les succès, mais en cas de pertes, l’indépendant doit se débrouiller seul.

Investir en actions devient, pour beaucoup de sociétés, un grand défi qui, sur le plan financier, aura plus d’effets négatifs que positifs. Le plus écoeurant est qu’il s’agit d’une opération d’enfumage délibérée pour encaisser rapidement 30% de taxe sur les dividendes. Le cabinet des Finances déclare littéralement que les investissements n’ont pas leur place dans une société. Ces investissements doivent dès lors uniquement être versés comme dividende.

Le climat fiscal difficile pour les investissements devrait encourager les sociétés à les distribuer sous forme de dividende. Cette politique est la confirmation manifeste de la vision typiquement à court terme de la pensée politique: le gouvernement préfère récolter 30% d’impôt supplémentaire maintenant. Les problèmes à long terme qui en résultent devront être résolus par les prochains gouvernements.

En tant qu’entrepreneur, il est pourtant judicieux d’investir dans sa propre société. Cela devrait en réalité être encouragé. Cela contribue à la liquidité et à la solvabilité de la société. Comme les fonds restent dans la société, elle pourra mieux résister à un coup dur. Les crises précédentes ont démontré que notre paysage robuste de petites et moyennes entreprises tient bon dans les périodes de grave crise économique. En conséquence, l’emploi résiste aussi, ce qui bénéficie à l’ensemble de la communauté.

Mais pour l’entrepreneur aussi, investir dans la société est judicieux. Il garde ainsi les rênes. Avec l’entièreté des capitaux plutôt qu’avec un patrimoine diminué de 30% de taxe, il peut lui-même veiller à la constitution de sa pension. L’entrepreneur indépendant ne doit dès lors pas recourir à toutes sortes de systèmes de pension, dont le traitement fiscal est devenu aussi fragile et instable que celui des investissements directs. Pour sa pension, il ne peut pas compter sur l’État.

Pour finir, la pression fiscale cumulée lors d’une distribution de dividende est disproportionnellement élevée. Les réserves sont constituées après paiement de 34% d’impôt des sociétés. Cette distribution de dividende équivaut à une pression fiscale supplémentaire de 30%. Cela donne un taux cumulé de 53,79%. C’est la plus forte pression fiscale belge imaginable.

Dans ces circonstances, les sociétés ne peuvent pas tomber dans le piège fiscal que leur a tendu le ministre Van Overtveldt. La distribution des investissements est une énorme ponction financière. Aussi, en investissant activement dans des actions, la pression fiscale risque de prendre des proportions déraisonnables. Il vaut mieux chercher des alternatives. Notamment en n’investissant tout simplement plus dans des actions. Celui qui souhaite malgré tout investir dans des actions devra le faire de manière intelligente.

J’espère que l’avenir nous réserve une réforme fiscale réfléchie et bien conçue, où tous les revenus contribueront équitablement à l’impôt des personnes physiques. La discussion ne peut donc pas porter sur la nature du revenu. Un revenu est un revenu. Au plus il y a de revenus, au plus il y a d’impôt. Simple, non ?

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