La fiscalité incite les investisseurs à se tourner vers les assurances-vie en branche 23

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les assurances-vie de branche 23 permettent d’investir indirectement dans des fonds. La branche 23 n’est en outre pas concernée par les accords gouvernementaux de l’été, qui instaurent nombre de nouvelles taxes visant les investisseurs. Mais peut-on s’y fier aveuglément ?

Chaque versement effectué dans une assurance-placement est grevé d’une taxe de prime de 2 %, mais tous les revenus sont ensuite exonérés du précompte mobilier et toutes les transactions échappent à la taxe sur les opérations de Bourse. Un avantage qui va devenir de plus en plus appréciable au regard des augmentations successives des taxes applicables à l’achat de fonds ! C’est le 1er janvier 2013 que la taxe de prime sur les assurances-vie a été augmentée pour la dernière fois.

Les prestations des fonds d’investissement sont pour leur part imposées à 30 %. La plus-value, dans le volet obligataire, est taxée à 30 % au moment de la revente des parts. Et si le fonds ne paie aucune prestation, l’investisseur est redevable, lorsqu’il sort du fonds, d’une taxe boursière de 1,32 % sur la valeur des parts cédées, avec un maximum de 4.000 euros. Ces taxes ne concernent pas les investissements en fonds de la branche 23.

Le gouvernement vient également d’annoncer l’instauration d’une taxe de 0,15 %, qu’aura à payer quiconque possède sur un compte-titres pour plus d’un demi-million d’euros d’obligations, d’actions ou de parts de fonds. Les assurances-vie ne sont pas détenues sur des comptes-titres et ne sont pas concernées par la mesure.

Pour Generali Belgium, les accords gouvernementaux de l’été marquent la ” percée définitive ” des produits de branche 23. D’autres assureurs sont plus modérés. ” Nous constatons, il est vrai, un surcroît d’intérêt à l’égard des assurances-placement “, confirme un porte-parole de KBC. Que ce soit chez KBC, chez AG Insurance ou chez Generali Belgium, on déclare effectivement être appelé à répondre à davantage de questions relatives aux assurances-vie de branche 23, mais il est encore trop tôt pour conclure en l’existence d’un raz-de-marée.

Les assureurs belges ont enregistré l’an passé pour plus de 2 milliards d’euros d’encaissement dans les produits de branche 23. Sur la même période, les gestionnaires de fonds belges ont déclaré près de 11 milliards d’euros de montants investis. Les fonds de placement sont donc pour l’instant bien loin devant les assurances-placement.

Mais la fiscalité n’est pas tout. Les produits de branche 23 peuvent-ils réellement se substituer aux fonds de placement ? Les différences entre les uns et les autres, en tout cas, ne manquent pas. KBC rappelle par ailleurs qu’il faut impérativement répartir ses investissements ; il recommande donc à ses clients d’opter à la fois pour des fonds bancaires et pour des placements de branche 23.

1. Offre et intermédiaires

Nombreux sont les comparateurs d’offres, comme les sites Guide-Epargne.be ou Assuraweb.be, qui présentent en parallèle les caractéristiques de quelques assurances-vie de branche 23. Le fournisseur de recherches indépendantes Morningstar enregistre les rendements de quelque 600 branches 23. La liste, bien que longue, est loin d’être exhaustive. Il n’existe d’ailleurs pour l’instant aucun relevé complet des produits de cette branche commercialisés en Belgique.

Les assurances-vie de branche 23 sont proposées par les courtiers indépendants et par les conseillers des compagnies d’assurances, qui sélectionnent un certain nombre de fonds de la branche 23 correspondant au profil de l’investisseur. Courtiers et conseillers ont une obligation de diligence, ce qui signifie qu’ils doivent agir dans l’intérêt du client. La FSMA, l’autorité des services et marchés financiers, y veille. Les intermédiaires sont tenus de faire passer un test au candidat avant de pouvoir lui proposer le moindre contrat de branche 23, lequel doit en principe être adapté à son profil d’investisseur.

Les assureurs belges ont enregistré l’an passé pour plus de 2 milliards d’euros d’encaissement dans les produits de branche 23.

Les intermédiaires d’assurances assument donc un véritable rôle de garde-fou. Toutefois, d’après l’avocat Geert Lenssens, nombreux sont encore les courtiers insuffisamment formés pour accompagner l’investisseur dans le choix de son produit de branche 23. Ce que confirment les résultats des contrôles pratiqués sur le terrain par la FSMA. ” Les courtiers doivent soumettre le candidat à un test d’adéquation, énonce Geert Lenssens. Ils doivent en d’autres termes vérifier que le produit est adapté aux connaissances et à l’expérience du client, à sa situation financière et à ses objectifs d’investissement. Or la FSMA a constaté que les tests d’adéquation n’étaient pas, ou pas suffisamment, connus des courtiers. Il s’agit pourtant d’une obligation légale. Songez au code de la route : si le courtier saute l’étape du questionnaire, c’est exactement comme s’il brûlait un feu rouge. Je trouve la FSMA beaucoup trop indulgente ; elle a un véritable rôle d’agent de police à jouer, si elle veut éviter les accidents. ” L’intervention de fournisseurs de données comme Morningstar rend plus facile le contrôle de l’offre des fonds d’investissement. Il existe en outre en Belgique de nombreux vendeurs de fonds en ligne, comme MeDirect, Deutsche Bank, Keytrade Bank ou Binck Bank, qui permettent d’opérer une sélection parmi l’offre de diverses maisons de fonds. Ces banques virtuelles ne donnent toutefois aucun conseil. Mais il est également possible d’aller pousser la porte d’une banque physique, et d’y demander quels fonds maison ou fonds externes elle propose. Le conseiller cherchera alors le fonds adapté au profil de risque et aux objectifs du candidat-investisseur. Il doit, à l’instar des intermédiaires d’assurances, inviter le client à répondre au questionnaire et établir sur cette base son profil de risque, après quoi seulement il pourra sélectionner les produits qui lui conviennent. Dans les banques, qui fonctionnent de cette manière depuis 10 ans déjà, les questionnaires, profils et scores de risque sont plus au point que chez les assureurs, qui ne sont soumis à l’obligation de diligence que depuis mai 2015.

2. Protection de l’investisseur

Les parts détenues dans les fonds d’investissement sont versées sur un compte-titres ouvert auprès d’une banque dépositaire. Elles sont, et restent à tout moment, la propriété de l’investisseur – en d’autres termes, elles sont intouchables en cas de faillite de l’institution. De surcroît, si, à la suite d’une fraude ou d’une erreur administrative de la banque, celle-ci n’était pas en mesure de lui restituer ses titres, l’investisseur pourrait se tourner vers le Fonds de protection des dépôts et des instruments financiers, qui interviendrait jusqu’à concurrence de 20.000 euros (par client et par banque).

Si vous investissez dans un fonds par le biais d’une assurance-vie, les parts ainsi acquises seront actées au bilan de l’assureur. ” Votre argent sera versé dans un fonds interne séparé chez l’assureur. Les gestionnaires de ce fonds l’utiliseront pour acheter des parts du fonds externe. La Banque nationale contrôle les réserves techniques du fonds. La couverture doit être d’un sur un : à chaque versement effectué par le client doit correspondre la souscription de parts de fonds externes pour un montant identique “, expose Ben Vonck, manager financial advisors chez Generali Belgium.

Les assureurs se dotent de directives prudentielles internes, au sujet desquelles ils doivent faire rapport aux organes de contrôle. ” Un fonds doit par exemple présenter un historique d’au moins cinq ans avant que Generali ne l’achète, explique Ben Vonck. Il doit avoir une taille suffisamment importante. Pour des raisons de liquidité, l’investissement ne peut représenter plus de 20 % de l’actif du fonds. ”

Geert Lenssens, avocat:
Geert Lenssens, avocat: “Nombreux sont encore les courtiers insuffisamment formés pour accompagner l’investisseur dans le choix de son produit de branche 23.”© ID/Bob Van Mol

3. Différents types

Fonds d’investissement. Les assurances-vie de branche 23 les plus courantes en Belgique sont celles dont le sous-jacent est constitué d’un ou de plusieurs fonds d’investissement. Il peut s’agir de fonds maison, comme chez KBC, de fonds externes, ou encore d’une combinaison des deux, comme chez Argenta.

Generali Belgium propose une sorte d’architecture ouverte. Ses contrats de branche 23 permettent d’investir dans les fonds d’une dizaine de maisons, dont Carmignac et Rothschild & Cie Gestion. A chaque fonds correspond un score de risque allant de 1 à 7, en fonction des risques pris par la gestion.

AG Insurance a recours à des mandats. ” Nous n’investissons pas dans des fonds de gestionnaires externes, mais confions la gestion d’un compartiment de nos propres fonds à des gestionnaires externes sélectionnés pour leurs compétences particulières dans une classe ou un style d’actifs “, révèle un porte-parole.

Les fonds d’investissement réglementés également disponibles en dehors des contrats branche 23 ont l’avantage d’être très documentés, et leurs gestionnaires sont de surcroît soumis à des règles strictes sur le plan par exemple de la répartition des investissements.

Les autorités de surveillance belges ont renforcé il y a quelques années les règles régissant les assurances-vie de branche 23, pour faire en sorte qu’elles coïncident davantage avec celles applicables aux fonds de placement. Ainsi est-il désormais interdit de commercialiser des assurances-vie dont le rendement dépend du cours du vin, du whisky, d’oeuvres d’art ou de matières premières.

Fonds sur mesure. Il est également possible de trouver des assurances-vie de branche 23 dont le sous-jacent est un fonds constitué à la mesure du client. Le luxembourgeois Lombard International Insurance fut en février 2016 le premier assureur à conclure avec l’administration fiscale belge un ruling au sujet d’un fonds dédié de ce type. ” Nous voulions être certains que le produit serait traité comme une assurance branche 23 classique, ce qui nous a bien été confirmé, annonce Nicolas Demarest, qui dirige la succursale bruxelloise de Lombard International Insurance. Les fonds dédiés sont un concept typiquement luxembourgeois : ils ne sont définis que dans la législation luxembourgeoise, ils n’existent pas en droit belge. ”

Le fonds dédié est une assurance-vie belge, qui n’est par conséquent pas soumise à l’obligation de déclaration des assurances-vie étrangères. Les titres sous-jacents qui composent le fonds sur mesure sont logés dans une banque dépositaire et ne figurent pas au bilan de l’assureur, comme c’est le cas des assurances-vie de branche 23 classiques. ” Je fais toujours la comparaison avec une carrosserie belge qui serait montée sur un châssis luxembourgeois “, relate Nicolas Demarest. D’après la réglementation luxembourgeoise, il est possible de faire développer un fonds dédié à partir de 125.000 euros, mais Lombard International a fixé le seuil à 1 million d’euros. ” Ce n’est pas un produit de masse, mais une solution sur mesure, qui exige énormément de travail, argumente Nicolas Demarest. Un seuil inférieur ne serait pas rentable.”

Contrairement à ce que l’on croit souvent, il est impossible de se rendre avec un compte-titres chez un assureur, pour lui demander de l’estampiller ” branche 23 “. Les assureurs sont tenus au devoir de diligence. Lombard International établit le profil de risque du candidat-preneur sur la base d’une liste de 24 questions. Le gestionnaire indépendant conçoit ensuite une politique d’investissement conforme au profil ainsi défini. Le preneur a certes le droit d’annoncer à l’avance un certain nombre de préférences et de spécifications, mais dès qu’il a versé ses espèces ou ses titres dans l’assurance-vie, il doit en abandonner la gestion.

Il est en tout état de cause impossible de parer un portefeuille d’investissement existant d’un emballage ‘branche 23’.” Ben Vonck (Generali Belgium)

Generali Belgium avait il y a quelques années envisagé de commercialiser une assurance-vie de ce type, mais les frais induits par la gestion de la police individuelle, et les incertitudes qui entouraient la fiscalité du produit, l’ont menée à la conclusion qu’une telle offre ne serait pas dans l’intérêt de la compagnie et de ses clients.

” Il est vrai que la Belgique n’a pas de cadre légal aussi clair que ne l’est le cadre luxembourgeois, de sorte que les règles financières disponibles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, pour éviter la même imposition que celle du sous-jacent, confirme Ben Vonck. Il est en tout état de cause effectivement impossible de parer un portefeuille d’investissement existant d’un emballage ‘branche 23’. ”

Nicolas Demarest se réjouit que l’existence d’une série de directives permette d’éviter la requalification de l’assurance-vie sur mesure. ” Selon ces directives, la gestion doit être discrétionnaire, affirme-t-il. Elle doit être entièrement confiée à un gestionnaire de patrimoine indépendant et le preneur ne peut avoir aucune influence sur ce plan. La diversification doit être suffisante.”

4. Coûts

” Une assurance branche 23, c’est comme une lasagne, dont chaque couche est susceptible de contenir des frais cachés, compare Geert Lenssens. En principe, les assureurs sont tenus de communiquer les coûts à tous les niveaux, mais certaines compagnies étrangères s’en dispensent. ” Geert Lenssens se méfie particulièrement des assureurs irlandais, et a d’ailleurs initié plusieurs procédures contre SEB (ex-Irish Life) et Hansard, qui vendent sous passeport européen des assurances-vie en Belgique. Nombreuses sont d’après lui les polices irlandaises commercialisées dans notre pays, dont les acquéreurs ne reverront jamais leur argent ; à l’insu du client l’épargne est investie dans des fonds toxiques ou douteux, en échange de frais parfois exorbitants. Les acteurs belges sont généralement plus transparents sur les plans des coûts et des risques. ” Par contre, les contrôles de la FSMA révèlent que l’information au client peut demeurer lacunaire “, ajoute notre interlocuteur.

Frais de transaction. Imaginons que vous ayez l’intention d’échanger chaque année les fonds contenus dans votre portefeuille contre d’autres : mieux vaut probablement dans ce cas souscrire un contrat en branche 23. Vous serez certes redevable de frais d’entrée sur chacun des versements effectués, mais les cessions et les achats ultérieurs des fonds sous-jacents ne vous seront en principe pas facturés. Par contre, si vous investissez dans des fonds qui ne relèvent pas d’un contrat branche 23, vous risquez d’avoir à payer des frais d’entrée à chaque achat de parts, et d’être systématiquement imposé lors des sorties. Les frais d’entrée sont négociables et certaines banques virtuelles ont même fixé les leurs à 0 %, mais il n’est pas possible pour les particuliers d’échapper à la taxe sur les opérations de Bourse à la sortie.

Consultez la fiche d’information du contrat branche 23 pour savoir combien vous coûteront les transactions. Generali, par exemple, autorise à échanger gratuitement, une fois l’an, autant de fonds que souhaité ; si vous voulez modifier une deuxième fois votre portefeuille de fonds, vous serez redevable de 0,5 % de frais par transaction, avec un maximum de 100 euros. Chez Generali toujours, vous pouvez vendre automatiquement les parts dont la valeur devient inférieure, à concurrence d’un pourcentage convenu d’avance (10, 15, 20, 25 ou 30 %), à leur niveau le plus haut, et même les racheter ensuite progressivement sans frais supplémentaires. Aucune de ces transactions n’est taxée.

Frais de gestion. L’argent que vous confiez à la compagnie d’assurances est investi dans un fonds. La rémunération que se paie l’assureur s’ajoute aux frais portés en compte par le gestionnaire du fonds sous-jacent. La commission de gestion imputée par l’assureur diffère d’une compagnie à l’autre et peut parfois atteindre 1 %, voire plus. Elle grève votre rendement, de sorte qu’il est important de veiller à ce qu’elle soit aussi peu élevée que possible. Certains gestionnaires de fonds sont moins gourmands avec les grands investisseurs ; ainsi l’assureur qui peut concentrer de nombreux ordres de particuliers a-t-il généralement la possibilité de négocier la hauteur des frais que le fonds lui porte en compte.

5. Planification successorale

Si vous veniez à décéder, les parts des fonds figurant sur votre compte-titres seraient versées dans la succession. L’assurance-vie offre davantage de possibilités en termes de planification patrimoniale et successorale.

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