Les fonds de “private equity”, c’est quoi au juste ?

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les fonds de “private equity” restent hors de portée des petits porte-monnaie. Certains holdings belges permettent cependant aux investisseurs moins fortunés d’accéder à cet univers.

Presque toutes les sociétés de portefeuille belges détiennent des participations dans des entreprises non cotées en Bourse, directement ou indirectement, via des fonds spécialisés. ” Il est difficile d’établir avec certitude les segments des portefeuilles qui ont apporté le plus de rendement aux actionnaires par le passé, reconnaît Tom Simonts, senior financial economist au KBC Group. Mais en moyenne, les participations non cotées en Bourse devraient afficher un retour supérieur au segment coté car le potentiel de création de valeur y est plus important. ”

C’est en tout cas un des grands atouts des holdings qui investissent pour vous dans des entreprises auxquelles un petit investisseur privé n’aurait jamais accès autrement. ” Et de manière diversifiée, ce qui est totalement exclu pour un particulier “, ajoute Tom Simonts. Voici une liste des différents types de sociétés d’investissement, avec la façon dont elles investissent dans le private equity.

Véhicules spéciaux

Quest for Growth : 23 % de private equity

La notion de pricaf – contraction de private equity et de sicaf, société d’investissement avec capital fixe – est apparue il y a près de 20 ans avec un arrêté royal de 1997 qui crée un cadre permettant aux particuliers d’investir dans des entreprises non cotées en Bourse. Au final, seules deux pricaf ont vu le jour : Quest for Growth en 1998 et KBC Private Equity Fund Biotech en 2001. Cette dernière a été liquidée en 2009, mais Quest for Growth existe toujours.

” Le grand rêve était de rapprocher le private equity du citoyen ordinaire au moyen d’un cadre fiscalement attrayant “, explique Tom Simonts. Si la pricaf respecte toutes les règles d’investissement et distribue au moins 80 % du bénéfice réalisé à ses actionnaires, ces derniers sont exemptés de précompte mobilier sur la partie du dividende qui découle des plus-values réalisées sur les actions. Quest for Growth va encore plus loin : ses statuts promettent de distribuer au moins 90 % de bénéfices.

Les “pricaf”, contraction de “private equity” et de “sicaf”, sont apparues il y a 20 ans pour permettre aux particuliers d’investir dans des entreprises non cotées en Bourse.

Les pricaf n’ont jamais réellement tenu leurs promesses. ” En réalité, elles se sont heurtées à plusieurs limitations, poursuit Tom Simonts. Elles étaient trop petites pour pouvoir réellement concurrencer les grands acteurs du secteur. Et quand elles parvenaient à décrocher un ticket dans des transactions, c’était souvent une petite participation qui ne leur laissait guère de contrôle sur les entreprises dans lesquelles elles investissaient. De plus, les résultats d’investissements dans de jeunes entreprises non cotées en Bourse se font longtemps attendre alors que la pricaf cotée devait pouvoir représenter des résultats aux actionnaires impatients. C’est pourquoi la stratégie a rapidement évolué vers des investissements dans des entreprises qui se trouvaient dans la dernière ligne droite avant une introduction en Bourse, afin d’enregistrer des résultats rapides. Bien entendu, elles n’étaient pas seules à chasser sur ce terrain. ”

Selon ses statuts, Quest for Growth doit investir 70 % de ses ressources dans des entreprises non cotées en Bourse, des entreprises cotées sur un marché de croissance ou des fonds de capital-risque. Au moins la moitié du portefeuille doit se composer d’actions. Ce ne sont que quelques-unes des règles d’investissement que doit respecter Quest for Growth. La multiplication des règles n’a d’ailleurs pas facilité la vie des pricaf.

Le 28 février, le portefeuille de Quest for Growth se composait pour 16 % d’investissement dans des fonds de capital-risque et pour 7 % de participations des entreprises non cotées. Le pourcentage d’entreprises cotées s’élevait à environ 70 %. Il a encore légèrement progressé récemment : Quest for Growth a en effet acquis une participation dans Avantium, une entreprise chimique néerlandaise qui a fait son entrée sur les Bourses d’Amsterdam et de Bruxelles mercredi dernier. Avantium produit du plastique à base de sucres végétaux.

Gimv : 70 % de private equity

Quelques mois après la création du statut des pricaf, une première opportunité de pénétrer dans le monde du private equity s’ouvrait aux petits investisseurs : la Gewestelijke Investeringsmaatschappij voor Vlaanderen (GIMV, société régionale d’investissement pour la Flandre) a été constituée le 25 février 1980 dans le but d’apporter du private-equity et de gérer des participations publiques. Depuis son introduction en Bourse en 1997, les petits investisseurs peuvent investir avec la Région dans des entreprises de croissance.

” Le concept de pricaf avait été vidé de sa substance avant même la naissance de la première société de ce type, estime Tom Simonts. Plusieurs autres sociétés de participation qui investissent une plus grande part de leurs ressources dans le private equity que Quest for Growth, comme la Gimv, sont cotées en Bourse. ” Comme expliqué précédemment, la taille n’y est pas étrangère. Quest for Growth affiche un portefeuille d’environ 140 millions d’euros seulement. Les participations de GIMV pèsent, au total, plus de 1 milliard d’euros.

Directement ou indirectement

Sofina : 54 % de private equity

Lundi, Sofina a fait son entrée dans le Bel 20. Le holding de la famille Boël se targue de 30 ans d’expérience dans le private equity et le capital-risque. Le management flirte avec des fonds d’investissement réputés, comme Sequoia Capital qui a investi très tôt dans des entreprises technologiques tels qu’Apple, Google, Paypal, YouTube, Instagram et WhatsApp.

Sofina a fait son entrée dans le Bel 20 lundi passé. Le holding de la famille Boël se targue de 30 ans d’expérience dans le ” private equity ” et le capital-risque.

Dans son rapport annuel 2015, Sofina énumère 60 fonds d’investissement qui gèrent plus de 5 millions d’euros chacun pour Sofina. Outre Sequoia, cette liste renferme encore de nombreux grands noms réputés, comme Bain Capital qui a récemment fait l’actualité en rachetant Resilux (producteur belge de bouteilles en PET), Oak Investment Partners et The Blackstone Group, pour n’en citer que quelques-uns.

Les investissements mondiaux de Sofina dans des fonds de private equity et de capital-risque valent aujourd’hui environ 1,5 milliard d’euros, soit de 30 % du portefeuille. L’accent est placé sur les Etats-Unis et les pays émergents. Les participations minoritaires dans principalement des entreprises européennes connues, comme Danone ou Colruyt, pèsent toujours deux fois plus lourds dans le portefeuille (60%). Mais cette partie ” européenne ” du portefeuille n’est pas exempte de private equity, avec des participations dans des entreprises comme les laboratoires Mérieux NutriSciences.

En outre, Sofina investit directement dans des entreprises en forte croissance non cotées. Ces entreprises de croissance représentent encore 10 % du portefeuille. Le holding intervient alors uniquement comme co-investisseur, généralement avec un des 60 partenaires. Il s’agit d’investissements de 15 à 50 millions de dollars dans des entreprises qui misent sur des thèmes et/ou sont actives dans des régions dont Sofina est convaincue qu’elles enregistreront une croissance supérieure à la moyenne. Les thèmes en question sont l’e-commerce, l’essor de la classe moyenne en Asie et les méthodes d’enseignement innovantes. Les régions favorites sont l’Asie, en particulier l’Inde, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Cette vision se traduit dans des participations dans des entreprises comme Souq.com, une plateforme d’e-commerce qui dessert le Moyen-Orient et l’Afrique, et Flipkart, le leader de l’e-commerce en Inde. Byju’s, une application de formations par vidéos en ligne en Inde, et Knewton, une start-up américaine, sont deux exemples d’entreprises qui répondent aux besoins croissants de formation et d’enseignement.

GBL : 7 % de private equity

GBL, le holding de la famille Frère, qui figure depuis longtemps dans le Bel20, a également décidé il y a un temps d’investir à long terme 10 % de ses avoirs dans des fonds spécialisés. Mais ils n’en sont pour l’instant qu’à environ 7 %. GBL ne peut présenter le même palmarès que Sofina en termes de collaboration avec des fonds de private equity et se contente surtout d’investissements ciblés dans des entreprises belges et étrangères cotées, comme Ontex et Adidas.

Brederode : 49 % de private equity

En matière d’investissements en private-equity, peu de holdings peuvent se mesurer à Sofina. En dehors du Bel 20, vous avez encore le holding luxembourgeois Brederode, également coté à Bruxelles, qui bénéficie d’une bonne réputation en matière de sélection de fonds. Sa liste des 40 partenaires en private equity est presque aussi spectaculaire que celle de Sofina. Son portefeuille est réparti de manière presque parfaitement équilibrée entre les participations cotées et non cotées (49 % du portefeuille).

Ackermans & van Haaren : 57 % de private equity

Cette société de participation anversoise prend directement des participations relativement importantes dans des entreprises cotées et non cotées, dont elle participe activement à la gestion. Le holding néerlandais HAL applique une stratégie d’investissement similaire.

Les deux principaux pôles d’activités d’Ackermans sont le dragage et la construction avec CFE/DEME comme principal actif et les banques privées Bank van Breda et Bank Delen. ” Par le passé, Ackermans a également investi dans de petites entreprises non cotées via Sofinim. Et avec succès, même si ces investissements en capital d’amorçage étaient relativement réduits par rapport à la totalité du portefeuille “, commente Tom Simonts.

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