Placements : votre risque, avec ou sans rendement ?

© Amélie Carpentier
Philippe Berkenbaum Journaliste

Face à la faiblesse des taux et au rendement réel négatif de l’épargne classique, l’épargnant n’a d’autre choix que se muer en investisseur pour, au minimum, protéger son pouvoir d’achat. Mais s’il n’y a plus de placement sans risque, il existe des produits risqués sans rendement…

Compte d’épargne : le prix de la liquidité

Placer ses économies sur un livret, c’est l’assurance d’une perte de pouvoir d’achat. Pour l’ensemble des Belges, détenant 258 milliards sur des comptes d’épargne, cela représente une perte réelle de plus de cinq milliards sur base annuelle. Pourtant, Bruno Colmant ne déconseille pas le livret mais recommande d’en faire un usage approprié. ” Le compte d’épargne n’est pas destiné à recueillir des placements sur le long terme, le rendement étant par essence limité. Il demeure par contre idéal pour conserver une réserve de liquidités, traditionnellement estimée à six à douze mois de revenus. Le rendement extrêmement réduit est compensé par une grande disponibilité des fonds ” et est exonéré fiscalement (à concurrence de 960 euros d’intérêts par personne en 2018). Le compte d’épargne bénéficie par ailleurs d’une garantie publique de 100 000 euros par banque et par personne.

Comptes à terme et bons de caisse : la discrétion absolue

Ce n’est pas un hasard si plus aucune banque ne fait de publicité pour ce type de produits. Le rendement est à peine supérieur au compte d’épargne. Pour obtenir un taux de plus de 1 %, vous devez ainsi vous engager à long terme avec la petite banque d’épargne flamande CKV ou Izola Bank, banque maltaise propriété du groupe de sanitaires Van Marcke, selon guide-épargne.be. Ce rendement est par ailleurs soumis au précompte mobilier de 30 %.

Obligations : le risque à long terme

Traditionnellement, les obligations constituent la partie sûre d’un portefeuille d’investissement. La seule certitude actuelle est toutefois d’obtenir un faible rendement, pointe Bruno Colmant. ” Le risque associé à une obligation de long terme (NDLR : à partir de cinq ans) est plus élevé qu’historiquement. ” Etant donné les très faibles taux proposés, la moindre hausse des taux se traduirait par une chute du cours, la valeur de l’obligation s’ajustant pour refléter les taux du marché. Cela explique que les fonds obligataires se sont plutôt bien comportés ces dix dernières années, la baisse des taux ayant soutenu les cours. Evidemment, celui qui conserve le titre jusqu’à son échéance est remboursé intégralement du principal mais doit s’accommoder d’un intérêt réduit durant dix, quinze, voire cent ans, certains Etats n’hésitant plus à s’endetter pour un siècle. Il y a donc de fortes chances pour que le détenteur d’une telle obligation subisse une perte de pouvoir d’achat durable.

Actions : le prix de la patience

Si la politique de la Banque centrale européenne coûte cher au titulaire d’un compte d’épargne, elle a par contre clairement profité aux détenteurs d’actions. ” Les taux extrêmement bas poussent naturellement les investisseurs vers des placements moins prudents “, relève Etienne de Callataÿ. L’économiste considère globalement que les actions offrent toujours les perspectives de rendement les plus favorables. Il avertit toutefois que ” tout investissement en actions ne peut s’envisager que dans une perspective de long terme, a fortiori quand les indices boursiers trustent les sommets. ” Bruno Colmant estime ainsi ” qu’un investissement boursier ne peut s’envisager que dans une perspective d’au moins cinq à six ans et en étant prêt à supporter une importante volatilité. ” L’économiste en chef de Degroof Petercam paraphrase ainsi le célèbre investisseur Warren Buffett : ” La Bourse est un système permettant de transférer de l’argent de l’impatient au patient. ”

Placements : votre risque, avec ou sans rendement ?

Fonds de placement : le bon compromis

Bruno Colmant souligne le bon compromis que constituent les fonds de placement mixtes gérés activement. L’équipe de gestion a un objectif de répartition entre obligations et actions, représentant le profil de risques structurel du fonds, mais peut s’en écarter légèrement au gré des opportunités. ” Le gérant peut également adapter sa stratégie aux conditions de marché, par exemple en évitant les obligations de long terme lorsque les taux menacent de remonter comme actuellement. ”

Or et collections : le plaisir avant tout

Le métal jaune divise profondément les conseillers financiers depuis de nombreuses années. Une partie continue à considérer l’or comme la valeur refuge par excellence, à intégrer (en quantité limitée) dans tout portefeuille d’investissement. Etienne de Callataÿ ne partage pas ce point de vue, soulignant tout d’abord l’extrême difficulté à valoriser cet actif. ” L’or ne génère aucun revenu, rendant les méthodes classiques de valorisation inopérantes. Un lingot ne vaut en fait que ce qu’un futur acheteur est disposé à payer. En outre, le prix est influencé par de nombreux facteurs sur lesquels l’investisseur n’a aucune prise, comme les achats de bijoux en or (NDLR : tout particulièrement en Chine et en Inde), les découvertes de gisements ou l’évolution des stocks d’or des banques centrales. ” L’économiste en chef d’Orcadia AM dresse le parallèle avec les collections (art, vins, ancêtres). ” Avec ce type d’actifs, l’acheteur doit chercher avant tout à se faire plaisir, pas forcément à réaliser un bon investissement. ”

Bitcoin : la révolution annoncée

Bruno Colmant se déclare ” persuadé que le bitcoin annonce une révolution monétaire ” mais déconseille pourtant tout placement dans les cryptomonnaies. ” Actuellement, l’achat de bitcoin s’assimile à un jeu de loterie. Il n’y a encore rien de stabilisé et rien ne nous permet de savoir quelles cryptomonnaies émergeront à l’avenir. ” Les banques centrales planchent notamment sur leurs propres cryptomonnaies, qui seraient prioritairement utilisées pour leurs transactions avec les banques commerciales.

Immobilier : le risque calculé

Cher aux investisseurs belges, l’immobilier apparaît encore plus attractif dans le contexte de taux actuel, d’autant plus que le mécanisme d’indexation des loyers offre une protection naturelle contre l’inflation. Etienne de Callataÿ rappelle tout d’abord les deux grands moyens permettant d’investir dans l’immobilier, soit directement par l’achat d’un bien, soit au travers de sociétés immobilières cotées. ” Dans ce second cas, l’investisseur est conscient des risques, voyant la valeur de son action immobilière évoluer au jour le jour. Le propriétaire d’un bien immobilier n’a, par contre, pas réellement de vue sur l’évolution de la valeur de son immeuble. Les baromètres du marché immobilier offrent une moyenne globale. Or, l’investissement dans tout bien est tributaire de facteurs spécifiques, en positif comme en négatif : transformation d’une friche en espace vert, développement d’un aéroport, déglingue des maisons avoisinantes… Celui qui aurait investi il y a quinze ou vingt ans dans un bien recherché à l’époque, à savoir une villa 4-façades à la campagne loin d’une gare, peinera aujourd’hui à récupérer sa mise. ”

Les sociétés immobilières cotées ne résolvent toutefois pas tous les problèmes. ” Elles disposent d’un vaste portefeuille de biens mais sont traditionnellement spécialisées dans un segment (surfaces commerciales en périphérie, bureaux, maisons de repos, etc.) bien précis dans une aire géographique déterminée. ” L’investissement immobilier est donc plus risqué que ce qui est généralement perçu, mais pas pour autant déconseillé. Bruno Colmant se montre d’ailleurs plutôt favorable aux placements immobiliers sous toutes les formes. Il épingle toutefois qu’à l’image des obligations, les cours des sociétés immobilières réagissent à l’évolution des taux d’intérêt. L’économiste en chef de Degroof Petercam estime ainsi que l’achat direct d’un bien résidentiel constitue toujours un bon placement. ” Les besoins en logements sont énormes chez nous, ce qui soutient naturellement les prix. En achetant un bien pour le long terme, l’investisseur atténue les risques liés à l’impact des taux d’intérêt et le poids des frais d’achat élevés. ” Actuellement, les rendements locatifs sont estimés entre 3 % et 6 % en moyenne. A noter que l’achat d’un logement permet également à l’investisseur de profiter de la faiblesse des taux en finançant partiellement son achat à crédit.

Par Cédric Boitte.

Diversifier ses placements, pas ses obligations

Pour améliorer le rendement d’un portefeuille, il est recommandé de diversifier ses placements en obligations vers des émetteurs plus risqués, comme les entreprises affichant une note financière ou une solvabilité moindre, et des devises exotiques aux taux plus élevés. Le fonds souverain norvégien vient toutefois de jeter un pavé dans la mare en annonçant que son indice de référence ne compterait désormais plus que des obligations souveraines en euros, en dollars et en livres sterling. Le plus gros investisseur du monde, avec plus de 900 milliards d’actifs, estime en fait qu’il y a peu à gagner à diversifier ses positions en obligations dont les cours présentent une importante corrélation. La Banque de Norvège préfère se concentrer sur les actions qui offrent davantage de perspectives de rendement. Etienne de Callataÿ souligne toutefois que la faiblesse des taux ne doit pas inciter les investisseurs à changer de profil de risques pour une question d’opportunités. Des adaptations sont certes possibles, comme le fonds souverain norvégien qui fait passer son objectif d’investissements en actions de 60 % à 70 %, mais un investisseur au profil défensif ne peut soudainement doubler la part des actions. ” Le respect du profil est important car il tient compte tant de votre tolérance personnelle au risque que de vos moyens et objectifs d’investissement. Cela dit, le Belge est souvent trop prudent par rapport à la réalité de son patrimoine. Pour peu que cela ne l’empêche pas de dormir, il peut opter pour des produits plus risqués s’il investit à un horizon de dix à vingt ans, pour sa pension par exemple. ” L’économiste d’Orcadia AM souligne ainsi que les taux bas ne peuvent pas changer la tolérance au risque mais doivent inviter chacun à s’interroger sur l’adéquation entre sa manière d’investir et cette tolérance.

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