Pourquoi le repli des bourses européennes et émergentes n’est guère justifié

Un groupe comme l'équipementier Schneider Electric affiche aujourd'hui des performances supérieures à celles des grands industriels américains. © belga image

Snobées cette année par les grands investisseurs internationaux, les actions européennes ont perdu pas mal de terrain. Et ceci alors même que les performances des entreprises s’améliorent vraiment, souligne le gestionnaire d’actifs Pure Capital, qui s’inscrit à l’achat.

Etrange année 2018, en tout cas jusqu’à la fin octobre : la diversification, mère de prudence, a été très pénalisante ! ” Pour signer une bonne performance, il fallait un portefeuille concentré en valeurs technologiques américaines et en dollars. Avec les actions européennes et celles des pays émergents, on est dans le rouge, constate Dominique Marchese, head of equities chez Pure Capital, gestionnaire d’actifs indépendant établi au Luxembourg. Mais dans la mesure où les éléments fondamentaux restent bons, la correction d’octobre est une occasion d’acheter des actions vraiment bon marché, qui offriront de belles performances à long terme. ”

Après deux décennies décevantes…

Le ” long terme récent “, soit les 20 dernières années, ne fut globalement guère emballant. ” Les actions ont rapporté environ 5 % par an en moyenne, contre 4 % pour les obligations, observe notre interlocuteur. L’investisseur n’a donc pas été rémunéré pour le risque pris. Situation anormale, bien sûr, en raison de l’action des banques centrales. C’est pourquoi, avec des taux d’intérêt à présent inscrits à la hausse, les obligations ne pourront pas réitérer cette performance, que du contraire. ” A l’inverse, la surperformance des actions devrait dès lors être très supérieure. Surtout sur la base des cours actuels.

Dans les marchés émergents, qui ont subi une baisse sensible et globale depuis le début de l’année, on observe aujourd’hui des valorisations fort attrayantes, aussi vrai que les fondamentaux y restent positifs et que c’est toujours cette partie du monde qui affiche la plus forte croissance. Un bémol : la Chine, qui suscite des craintes à intervalles réguliers, à cause du niveau très élevé de l’endettement. Mais est-ce un danger majeur ? Dominique Marchese ne le pense pas : ” Ce problème est géré par les grandes banques, qui sont aux mains de l’Etat. Ce dernier fera évidemment tout pour que les choses se passent bien. Le remboursement des dettes n’est pas un problème aussi longtemps que la croissance reste soutenue. Or, avec 6,5 %, c’est bien le cas ! ”

Même si l’on ergote régulièrement sur un recul de quelques dixièmes. Pure Capital a dès lors renforcé ses portefeuilles en valeurs émergentes, du moins en Asie. Ce continent a en effet subi des retraits de capitaux aveugles, alors qu’il ne présentait pas les mêmes incertitudes que d’autres zones émergentes.

Les bénéfices grimpent enfin en Europe

” Le constructeur automobile Daimler se paie six fois ses bénéfices. Absurde ! “, juge Dominique Marchese, ” head of equities ” chez Pure Capital.© PG

Le Vieux Continent a également été snobé ces derniers mois, ce qui explique le repli des indices boursiers déjà bien avant la correction d’octobre. ” Ce recul des Bourses européennes est d’autant plus décevant que l’année 2018 est marquée par une croissance des bénéfices de l’ordre de 10 %, très supérieure à celle des années précédentes, observe le responsable actions de Pure Capital. Bien sûr, les Etats-Unis affichent le double, grâce à la réforme fiscale. Mais on sait que c’est un one shot. Pour 2019, les attentes actuelles sont d’ailleurs du même ordre de part et d’autre de l’Atlantique, soit quelque 10 %. ” A ses yeux, la valorisation beaucoup plus élevée des actions américaines ne se justifie pas. Certains l’expliquent par les valeurs technologiques de forte croissance, qui représentent un quart du marché américain et pas grand-chose en Europe. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas suffisant. D’autant que la situation évolue dans un sens favorable à l’Europe, observe-t-il : ” On y relève ces dernières années une franche amélioration des marges bénéficiaires et de la rentabilité des fonds propres, alors qu’elles stagnent au contraire aux Etats-Unis. Or, ceci n’est absolument pas pris en compte par les marchés. ”

Qu’en est-il des chiffres ? Pour 2019, le rapport cours-bénéfice (P/E) attendu est de l’ordre de 12 en Europe, avec un rendement de dividende brut de 4 %. Aux Etats-Unis, le P/E est de 15,5 environ, contre une moyenne historique de 14,5. Le rendement de dividende est sensiblement plus faible, mais complété par des rachats d’actions massifs. Résultat : en tenant compte de ces derniers, le rendement approche de 5 %. N’empêche : pour Dominique Marchese, le marché américain n’a pas de raison de rester cher, alors même que l’on attend une décélération de la croissance économique.

Les grands groupes industriels européens publient globalement de très bons chiffres depuis le début de l’année. Ce fut encore le cas tout récemment pour le français Schneider Electric, qui affiche aujourd’hui des performances supérieures à celles des grands industriels américains, en termes de rentabilité comme de croissance, souligne-t-on chez Pure Capital. ” Cet équipementier électrique a depuis longtemps compris que le contenu logiciel et les services étaient devenus essentiels, explique Dominique Marchese. C’est à présent un groupe véritablement technologique, très présent sur les pays émergents, ceux-là mêmes qui s’équipent massivement. Or, Schneider Electric est valorisé à 12 fois ses bénéfices, contre 15 ou 16 pour des groupes comparables outre-Atlantique. Pour moi, c’est absurde. Seule raison plausible : il est coté en Europe. Alors que son activité est mondiale. Pour la petite histoire, son patron est basé non à Paris mais en Chine “.

Pourquoi le repli des bourses européennes et émergentes n'est guère justifié

Des occasions à saisir dans l’industrie

Le fait est qu’on sous-estime grandement la révolution technologique réalisée par les groupes industriels. Même chose au demeurant pour l’abaissement des coûts dans le secteur pétrolier, poursuit notre interlocuteur : ” Voilà trois ou quatre ans à peine, il fallait un cours de 100 dollars le baril pour couvrir les investissements et le paiement du dividende. Aujourd’hui, on est globalement revenu aux environs de 60 dollars. Ce secteur est dès lors surpondéré dans nos portefeuilles qui, globalement, comprennent une grosse moitié de valeurs européennes. ”

A propos de faible valorisation, que penser du cataclysme qui a frappé le secteur automobile, y compris les équipementiers ? Ce n’est pas sans raison : le ralentissement de l’économie chinoise – premier marché du monde -, le scandale du dieselgate, la menace sur les exportations vers les Etats-Unis, etc. ” Il reste qu’aujourd’hui, une action comme Daimler se paie à seulement six fois ses résultats, avance Dominique Marchese. N’est-ce pas un peu absurde ? Le titre Michelin se situe, lui, à moins de 10 fois le résultat attendu. Or, le fabricant de pneumatiques n’est pas impacté comme certains constructeurs par l’avènement des nouvelles technologies : les voitures autonomes aussi utilisent des pneus ! Le Brexit et le budget italien justifient-ils des valorisations aussi faibles ? Je pense que les grands investisseurs internationaux vont redécouvrir les actions européennes, comme ils l’avaient déjà fait en 2017 ! ” A tort à l’époque, vu leur triste performance cette année. La prochaine fois sera-t-elle la bonne ?

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