Quand les entreprises copient Jimmy Carter !

Jimmy Carter à Sarajevo en 1994. © Belga

Selon Bain & Company, près de la moitié des entreprises du globe ne jurent désormais plus que par le budget base zéro, une méthode de réduction des coûts extrême popularisée par l’ancien Président américain dans les années 70. Aux risques et périls des employés et … des investisseurs.

Alors que les économistes chantent les louanges du retour de la croissance, les entreprises resserrent la vis. La (timide) accélération de la conjoncture n’est d’ailleurs pas anodine, alourdissant le coût des matières premières, renchérissant le crédit et poussant les salariés à (enfin) demander une revalorisation de leur traitement. Cela s’ajoute à la transformation technologique poussant les prix de vente à la baisse.

Une entreprise sur deux en BBZ

Selon l’enquête réalisée par Bain & Company, 47% des entreprises interrogées planifient désormais d’utiliser le budget base zéro (BBZ), ou méthode de la feuille blanche où l’utilité de chaque dépense est revue chaque année, contre à peine 10% en 2012. Les entreprises européennes suivent la tendance (de 6% à 40%), les championnes sont désormais celles de la zone Asie-Pacifique où la popularité de la méthode est passée de 13% à 80%, signe du ralentissement de l’économie chinoise.

Les Brésiliens d’AB InBev en exemple

On peut évidemment s’étonner du retour en grâce d’une méthode abandonnée dans les années 80 par Ronald Reagan pour les finances publiques américaines. L’explication se nomme Jorge Paulo Lemann. Le milliardaire brésilien ne jure que par BBZ qu’il a implémenté avec succès chez AB InBev, Heinz – Kraft Food ou Burger King notamment. Le Directeur financier d’AB InBev, Felipe Dutra, a même évoqué la “nouvelle génération” de BBZ afin d’accélérer l’éradication “des coûts inutiles et libérer les ressources qui peuvent être réinvesties”.

Hausse des marges bénéficiaires

Clairement, le succès a été au rendez-vous et la méthode BBZ s’est propagée dans le secteur (à croissance limitée) des produits de consommation courante. Selon Reuters, le secteur a ainsi pu afficher une hausse de 6,3% de ses profits sur le dernier trimestre 2016, le double de la hausse de ses ventes. Une évolution qui tranche avec le secteur des produits de consommation discrétionnaire (luxe, automobile, etc.) où les bénéfices augmentent de 1,1% alors que les ventes bondissent de 5,5%.

Une méthode risquée

La méthode n’est toutefois pas miraculeuse. Bain & Company souligne ainsi qu’elle pèse sur l’engagement du personnel confronté à la justification de sa propre fonction à chaque budget. Sur la durée, cela peut évidemment avoir des conséquences alors que la méthode BBZ recherche également à réveiller l’esprit d’entreprise au sein de la société. En se focalisant uniquement sur l’aspect réduction des coûts, une entreprise risque de décevoir ses clients, habitués aux petits extras, et surtout de rater des opportunités de croissance. Lorsque le groupe pharmaceutique Valeant a introduit le BBZ, il a ainsi tout particulièrement ciblé les dépenses en R&D.

Panne de croissance

Même les experts brésiliens peinent à conjuguer réduction des coûts et croissance. AB InBev a ainsi vu ses volumes écoulés reculer de 1,4% sur les 9 premiers mois de 2016, une tendance que le géant de la bière parvient de plus en plus difficilement à compenser par une hausse du prix moyen. Dans le cas de Kraft Heinz, il était carrément question de recul de 1% des revenus au cours du dernier trimestre clôturé. Les risques sur la croissance sont d’autant plus grands actuellement que de nombreuses entreprises implémentent le BBZ avant tout dans une optique de réduction des coûts, notamment pour éviter de devenir une proie des investisseurs activistes ou du fonds 3G Capital … de Jorge Paulo Lemann.

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