Que feriez-vous si vous gagniez un demi-million d’euros?

Une prime d'un demi-million ne s'apparente qu'à de l'argent de poche pour le joueur de football. © Belga
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Le coup d’envoi de la 21e édition de la Coupe du monde de football a été donné. Dans le meilleur des scénarios (celui d’une victoire), chacun des Diables Rouges rentrera de Russie plus riche de 445.000 euros. Que feriez-vous si vous disposiez soudainement d’un demi-million d’euros ? Nous avons demandé conseil à deux experts financiers.

La situation des Diables Rouges est très particulière : souvent, les compétitions régulières leur rapportent beaucoup plus d’argent que les rencontres à l’occasion desquelles ils défendent les couleurs de la Belgique. La plupart d’entre eux jouent à l’étranger ; seuls quelques-uns, comme Leander Dendoncker, vivent et travaillent ici. La Belgique a conclu avec la Russie une convention préventive de la double imposition. Les joueurs domiciliés à l’étranger bénéficient d’accords identiques, signés entre leur pays de résidence et la Russie.

” Sur la base de l’article 17 de la convention conclue entre la Belgique et la Fédération de Russie, la compétence d’imposition des primes gagnées par les Diables Rouges pendant la Coupe du monde échoit à la Russie, expose Wout Coppens, partner chez EY Tax Consultants. Nous ignorons si elle a l’intention de les exonérer. ” Ce qu’a par exemple fait le Brésil à l’occasion des Jeux olympiques.

La prime perçue par les joueurs ne sera donc pas imposée en Belgique – pas plus que ne le sont les gains à la loterie. Mais que l’on ait gagné au Lotto, hérité d’une lointaine tante ou touché des royalties, il s’agit toujours d’argent sur lequel on n’avait pas compté et dont on n’a pas nécessairement un besoin immédiat. Que conseillent les experts ?

Ne le déposez surtout pas sur un compte d’épargne

” Investir sera toujours plus rentable que ne pas investir du tout, répond laconiquement Rudy Vandorpe, head of portfolio management chez ING Belgique Private Banking. Les liquidités ne rapportent rien, et la situation n’est pas près de s’améliorer. ” Si un compte d’épargne génère plus de 0,5 % d’intérêt, en effet, c’est déjà beaucoup.

Rabobank.be a certes relevé début juin de 0,1 à 0,15 % la prime de fidélité de ses comptes d’épargne. Le taux de base reste, lui, fixé à 0,15 %. Au cours des six dernières années, seule la petite banque d’épargne Centrale Kredietverlening (CKV) a réellement revu ses taux à la hausse – une démarche à laquelle était conditionné le financement de la reprise d’un certain nombre de portefeuilles de crédits.

Il est peu probable que Rabobank.be fasse des émules. Le taux belge à 10 ans plafonne à 0,74 %, ce qui correspond à peu près à son niveau moyen des trois dernières années. Le taux belge à deux ans est, quant à lui, inférieur à la moyenne des trois dernières années.

” Le compte d’épargne n’est plus gage de sécurité, assène Frank Peeraer, chez Fortuna Financial Group. Il ne protège plus le pouvoir d’achat. Il faut absolument l’éviter : mettre son argent sur un compte d’épargne, c’est comme le glisser dans un bas de laine. ”

David Schmidt, managing director à la Banque de Luxembourg Belgique, estime toutefois important de détenir un peu plus de liquidités qu’autre chose. ” Le but est de pouvoir puiser dans cette réserve lorsque d’importantes fluctuations du marché génèrent des opportunités, comme cela a été plusieurs fois le cas ces derniers mois “, précise-t-il.

Si l’on dispose d’un horizon d’investissement long, il faut absolument opter pour des actions.

La cherté des actions, en particulier américaines, est actuellement pointée du doigt. On va même jusqu’à parler de bulle à propos de certaines obligations. Reste qu’attendre une correction n’est pas une bonne idée. ” Le market timing est la chose la plus difficile qui soit “, avertit Rudy Vandorpe. Mieux vaut donc répartir ses investissements dans le temps. David Schmidt recommande lui aussi, compte tenu de la conjoncture, d’investir ” par tranches “.

Dans le cas des actions, Rudy Vandorpe estime raisonnable de miser sur un rendement de 4 à 6 % au cours de la prochaine décennie, et de 2 à 2,5 % pour les obligations – sans garantie, évidemment. Les Bourses ne sont jamais à l’abri d’une tempête, comme elles viennent une fois encore de le démontrer à l’occasion du chahut qui a secoué la politique italienne.

Ne pas trop investir en actions

L’atonie des taux d’intérêt pourrait inciter l’investisseur à augmenter la pondération des actions détenues en portefeuille, au détriment des obligations. Pour être autorisée à conseiller, toute banque doit commencer par établir un profil de risque. Elle évalue, au moyen des réponses données à un questionnaire, la tolérance au risque, les connaissances, l’expérience, etc., du candidat à l’investissement, après quoi seulement un portefeuille peut être élaboré. ” Il faut réellement s’en tenir au profil ainsi défini “, conseille Rudy Vandorpe.

” Un accident n’est jamais à exclure, ajoute notre spécialiste. Compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt, d’aucuns affirment que les obligations sont plus risquées que les actions. Je ne suis absolument pas d’accord. En cas de forte correction du marché obligataire, la perte atteindra peut-être 10 à 12 % – mais il sera possible d’acquérir par la suite des obligations offrant un rendement supérieur. Sur les marchés d’actions en revanche, une correction peut être à l’origine de pertes beaucoup plus importantes. ”

Planification successorale

On dit du footballeur Kevin De Bruyne qu’il vit sobrement et qu’il pense à la génération suivante. ” Pour les Diables Rouges, ce que rapportera la Coupe du monde est de l’argent de poche. Ils sont généralement bien à l’abri. Compte tenu des taux très élevés des droits de succession en Belgique, mieux vaut effectivement songer à l’avenir, raisonne Frank Peeraer. La planification successorale est une excellente manière de laisser quelque chose aux enfants. Les possibilités sont nombreuses. On peut, par exemple, faire une donation en nue-propriété, pour conserver l’usufruit et un certain contrôle sur les avoirs ; les enfants n’auront pas encore le droit de toucher à l’actif, mais ils pourront suivre ce qui se passe et apprendre à gérer. Il est possible de prévoir une clause de retour, pour l’éventualité où ils décéderaient les premiers. ”

Une telle donation peut s’opérer par le biais d’une assurance vie ou d’une société de droit commun. Si vous optez pour la première solution, mieux vaut, estime Frank Peeraer, vous diriger vers les produits branche 23 – il s’agit d’assurances-vie dont le rendement, non garanti, est lié à celui des investissements sous-jacents ; elles investissent dans des actions, entre autres, alors que les produits de la branche 21 ne peuvent investir qu’en obligations.

” Si l’on dispose d’un horizon d’investissement long, il faut absolument opter pour des actions, poursuit Frank Peeraer. Les obligations sont les fonds de roulement des entreprises. Les actions permettent de profiter de la croissance bénéficiaire de l’émetteur. Il faut toutefois songer à diversifier son investissement. Beaucoup de gens commettent l’erreur de tout placer dans une seule action, ou dans quelques titres d’un même secteur. Rappelez-vous les drames qu’ont engendrés les affaires Fortis, Dexia et Lernout & Hauspie ! Les investisseurs n’ont d’ailleurs toujours pas appris la leçon. Ils commettent la même erreur avec l’immobilier : au lieu d’opter pour un appartement à la côte et un autre à Bruxelles, ils dépensent la moitié de leur patrimoine pour acquérir tout un immeuble dans un quartier qui, pour une quelconque raison, risque de ne plus rien valoir du jour au lendemain. Les gens fonctionnent à l’émotion. ”

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