Quelques conseils pour investir dans le vin sans risquer la gueule de bois

"Les bouteilles achetées au supermarché se conservent entre un et cinq ans." © iStock
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les prix des grands vins n’ont toujours pas renoué avec les niveaux atteints il y a six ans, indique la référence du secteur, l’indice Liv-ex Fine Wine 100. Mais nous venons néanmoins de connaître cinq bonnes années.

Chez Auction Sylvie’s, entreprise spécialisée dans la vente aux enchères de vins, plusieurs caisses d’excellents crus ont changé de main les 23 et 24 juin derniers. Ont été vendus notamment un lot de 12 bouteilles de Château Petrus 1990 pour un montant de 35.000 euros, et un autre de Château Latour 1990 pour 5.900 euros. Ce fut la dernière vente aux enchères dirigée par Joris Scott qui, après 10 ans de bons et loyaux services, quitte Sylvie’s. L’entreprise porte le nom de l’épouse de son fondateur. ” La ressemblance avec le nom de Christie’s est un pur hasard “, rit Aart Schutten, nouveau gérant et commissaire-priseur de la maison anversoise. La prochaine vente qu’il dirigera est prévue les 1er et 2 septembre.

Comment conserver le vin ?

Il est important que les conditions soient bonnes. ” Nous allons prendre livraison des bouteilles sur place. Cela nous permet d’effectuer une première vérification, expose Aart Schutten. La cave doit être suffisamment fraîche, sans être ni trop humide, ni trop sèche. Si les bouteilles sont recouvertes d’une couche de poussière, nous en concluons qu’elles n’ont pas bougé pendant plusieurs années. En cas de doute au sujet des conditions de conservation, nous renonçons à l’affaire. Un peu d’alcool s’évapore toujours mais si le niveau dans la bouteille est trop bas, nous ne l’emportons pas.

” Les frigos-caves sont une solution pour les personnes qui vivent en appartement, mais rien ne vaut un vrai cellier, poursuit Aart Schutten. Une panne de courant n’est jamais à exclure et les brusques variations de température laissent systématiquement des traces. Cela se voit au bouchon. ” La succession des saisons sur le vin conservé en cave favorise le vieillissement naturel, ajoute notre spécialiste.

Quels vins conserver ?

Le vin n’a généralement pas vocation à faire l’objet d’investissements. ” Le vin acheté au supermarché se conserve entre un et cinq ans. Plus il est cher, plus il doit pouvoir se garder longtemps “, résume Aart Schutten. La durée de conservation dépend essentiellement des tanins et des acides. Les tanins ont deux provenances : la peau, les pépins et la rafle (la partie verte, végétale) du raisin d’une part, et le bois des fûts utilisés pour l’élevage d’autre part.

Le vin devient rouge en raison de la macération des peaux dans le jus en fermentation. ” Le vin rouge se conserve généralement mieux que le blanc “, rappelle Aart Schutten. Les vins très âgés ne doivent pas nécessairement être bons pour être chers. ” Il m’est arrivé de déguster des millésimes du début du 19e siècle ; certains sont bons, beaucoup ne le sont pas. Le goût n’y est finalement pas pour grand-chose “, conclut-il.

Deux éléments font la valeur d’un vin : le contenu de la bouteille et la bouteille même. Prenons l’exemple du Château Mouton Rothschild : à partir de 1945, le baron Philippe de Rothschild a chargé chaque année un artiste célèbre de concevoir l’étiquette de ses bouteilles. Ainsi a-t-il réuni au fil des ans des valeurs sûres comme Salvador Dalí, Joan Miró, Andy Warhol, Keith Haring ou Karel Appel. ” L’association d’une cuvée de qualité et d’une illustration exceptionnelle fait du Château Mouton Rothschild un des grands favoris des collectionneurs “, affirme Aart Schutten.

Comment les prix évoluent-ils ?

Cinq bouteilles de Mouton Rothschild ornées d’une étiquette exclusive remontant à la période 2000-2010 figurent d’ailleurs dans le Liv-ex Fine Wine 100. Largement considéré comme la principale référence du secteur, cet indice reflète les prix des 100 vins les plus recherchés, tout en étant suffisamment négociables. Pour suivre l’évolution du marché, suivez l’indice. Depuis le début de cette année, les prix ont grimpé de 3,3 %. Ce qui ne fait toujours pas de 2017 une année exceptionnelle. Au cours des cinq dernières années, le rendement annuel moyen a frôlé les 16 %. Il existe également un indice Liv-ex qui reflète l’évolution des prix des plus grands bordeaux au cours de la dernière décennie. On constate que le cours a grimpé de 4,1 % depuis janvier 2017.

Comme pour les investissements en actions, tout l’art est d’acheter dès aujourd’hui les gagnants de demain et d’après-demain.” Aart Schutten (Auction Sylvie’s)

Pour Aart Schutten, le vin est une valeur sûre. Il est clair que de plus en plus de particuliers, déçus par les rendements des comptes d’épargne, investissent dans le secteur. Mais une bouteille n’a rien d’un compte d’épargne. Ces 10 dernières années, certains prix ont fluctué autant que les cours des actions. Entre le sommet atteint en 2011 par l’indice Liv-ex Fine Wine 100 et son plancher de 2014, l’écart est de 36 %. L’indice n’a pas encore renoué avec son niveau de juin 2011. Le vin ne rapporte ni intérêt ni dividende, de sorte que le rendement doit intégralement provenir de la plus-value à la vente.

Comment investir ?

” Il en va pour le vin comme de l’art ou des antiquités, affirme Aart Schutten : il faut s’y connaître. ” Selon le Wine Investment Fund, célèbre fonds britannique créé en 2003, il n’est pas recommandé d’investir dans des vins âgés de plus de 25 ans ou dont le flacon n’est pas standard. Le fonds ne sélectionne pas davantage les vins qui, pour l’une ou l’autre raison, jouissent d’un effet de mode, ou qui approchent de leur apogée. Il évite également les vins trop jeunes, aux prix typiquement volatils. Le site décrit sa stratégie de la manière suivante : ” Nous achetons des stocks âgés d’au moins quatre ans, qui ont la réputation d’être un bon millésime. Les bouteilles doivent être disponibles en quantités importantes, pour soutenir le potentiel d’augmentation de valeur à mesure qu’elles se raréfieront. Nous optons surtout pour les meilleurs bordeaux. ”

Aart Schutten se demande à ce sujet si les bordeaux n’attirent pas déjà trop d’investisseurs. Selon lui, il n’est pas impossible que d’autres vignobles classiques soient en vogue ces prochaines années, comme l’ont récemment été un certain nombre de producteurs en Bourgogne. ” L’Italie pourrait faire partie des prochains candidats. Comme pour les investissements en actions, tout l’art est d’acheter dès aujourd’hui les gagnants de demain et d’après-demain. ”

Envie d’investir par l’intermédiaire d’un fonds ? Faites preuve de prudence : il n’est pas toujours facile de s’assurer que le fonds a bel et bien les bouteilles en sa possession, et que celles-ci ont effectivement la valeur annoncée. Sans contrôle, le risque de fraude n’est jamais loin. Le fonds luxembourgeois Nobel Cru n’a ainsi pas survécu aux accusations de transactions frauduleuses à des prix fictifs.

Frais de transaction

Comme pour tous les investissements sortant des sentiers battus, les frais de transaction sont très élevés. ” L’acquéreur s’acquitte d’une commission de 17,5 %, cite Aart Schutten. Certains concurrents réclament 20 à 22 %. Ce qui n’est pas grand-chose par rapport au secteur des antiquités, où les commissions oscillent entre 25 et 30 %. Le vendeur paie lui aussi une commission, en fonction du volume et de la qualité. ” Auction Sylvie’s a des frais d’organisation, de transport et d’assurance. Dès qu’un vendeur lui confie son vin, celui-ci doit être assuré.

Aart Schutten n’a pas l’intention de remanier Sylvie’s de fond en comble. Il examine toutefois la possibilité de proposer des ventes en ligne. Pour l’heure, les acheteurs potentiels ne peuvent passer par Internet que pour les pré-offres : une fois la vente ouverte, il n’est possible de surenchérir que par téléphone ou sur place.

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