“On paie moins d’impôts sur les revenus non issus du travail”

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Karel Anthonissen Directeur régional de l’Inspection spéciale des impôts (ISI)

Pour enregistrer de bons résultats, un inspecteur des impôts doit opérer des choix judicieux et non faire preuve d’intransigeance ou de complaisance, d’après Karel Anthonissen, directeur du bureau gantois de l’ISI (Inspection spéciale des impôts).

Cela fait quarante ans que je rédige des lettres, des rapports, des notes de cours, des conférences, des présentations, des articles et des éditoriaux dans le but de faire rentrer plus d’impôts dans les caisses du Trésor public. C’est mon travail et la plupart du temps, je le fais plutôt bien. Il ne m’incombe néanmoins pas de faire rentrer un maximum d’argent pour chaque domaine d’imposition, mais bien de calculer l’impôt avec exactitude. Pour enregistrer de bons résultats, un inspecteur des impôts doit opérer des choix judicieux et non faire preuve d’intransigeance ou de complaisance. Or, c’est précisément là que le bât blesse de plus en plus au service des impôts depuis une dizaine d’années.

On paie moins d’impôts sur les revenus non issus du travail

Dans les années 80, j’étais contrôleur principal dans une petite ville. Les agents du service devaient vérifier 20.000 déclarations. Dans 95 % des cas, celles-ci s’avéraient conformes. À cette époque, la plupart des contribuables quittaient nos bureaux le sourire aux lèvres, car un millier à peine faisait l’objet d’une régularisation fiscale. Il s’agissait de les épingler avec discernement. Aujourd’hui dans cette même petite ville, 500 déclarations sont sélectionnées au niveau central. Le contrôleur, dont le rôle s’apparente désormais plus à celui d’un conseiller, ne peut plus considérer que les choses se passent bien. La sélection n’est plus de son ressort. Parmi les 500 malchanceux, pratiquement plus aucun n’éprouve de sentiment de soulagement en ressortant.

C’est regrettable, mais je ne veux pas m’étendre davantage sur le sujet. La saison des déclarations fiscales bat de nouveau son plein et chacun s’évertue à ne payer que son dû, voire à ne pas payer plein pot. “Évitez de payer trop d’impôts.” Les conseils sont dispensés à tout-va et il est difficile d’en dénicher un bon qui n’ait pas déjà été donné un nombre incalculable de fois. Je pense néanmoins en tenir un, car une règle générale semble se faire jour : on paie moins d’impôts sur les revenus non issus du travail. Cela peut paraître abusif, mais le but est de payer l’impôt le plus juste.

Je me souviens d’une ancienne affaire – mon tout premier dossier – qui s’est terminée devant la Cour de Cassation (17 février 1989). Un frère et une soeur avaient vendu à une grosse société étrangère leur petite entreprise de prestation de services dans la navigation fluviale. En plus du prix de la vente, ils avaient reçu une belle indemnité de non-concurrence. En termes juridiques, il s’agit d’une indemnité octroyée en échange de l’obligation de ne plus exercer d’activité commerciale ou en d’autres termes d’un paiement pour ne plus travailler. Et ils avaient omis de la déclarer. L’administration fiscale tend à considérer celle-ci comme un revenu professionnel, mais j’ai situé l’imposition la plus juste dans la tranche inférieure des revenus divers. Plusieurs années plus tard, la plus haute juridiction a entériné ma décision.

Il ne faut pas non plus aller trop loin dans la recherche de la juste imposition

On peut encore retrouver cet arrêt dans le commentaire administratif 90.7.2.10 °. Aujourd’hui, les clauses afférentes aux prestations dans le cas de la vente d’une entreprise sont intégrées dans la vente des actions et on estime que le prix de vente dans son intégralité est une plus-value non imposable. À tort, car il ne faut pas non plus aller trop loin dans la recherche de la juste imposition.

Quand un travailleur perçoit une indemnité de non-concurrence, ce montant est explicitement considéré comme un revenu professionnel (commentaire 171/271). Ce revenu découle du contrat de travail ou de la relation de travail statutaire. Heureusement, l’imposition s’opère dans une tranche inférieure des indemnités obtenues en raison ou à l’occasion de la cessation de travail. La rubrique des indemnités de dédit, code 308 sur la déclaration, s’avère très large. Elle ne s’applique pas uniquement dans le cas de la fin pure et dure de la relation de travail, mais aussi en cas d’interruption ou de suspension. En d’autres mots : une cessation de travail qui peut être temporaire. Trop drôle : l’administration fiscale recherche également l’impôt le plus juste.

Mais ici aussi le commentaire administratif met en garde contre les abus. Les indemnités pour dommage moral sont en principe totalement exonérées d’impôts, y compris si elles découlent d’une relation de travail. Il s’agit alors d’atteintes portées à l’honneur et à la réputation, de souffrances endurées à la suite d’une atteinte à l’intégrité physique et d’atteintes aux sentiments d’affection. Il serait avantageux pour les contribuables de percevoir ces indemnités tout en étant exonérés. C’est pourquoi l’administration fiscale n’y consent que dans le cas d’un octroi par un tribunal du travail (commentaire 171/283). Le fisc peut parfois donner des idées.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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