L’aide au remboursement du prêt hypothécaire est trop méconnue

© PG/Laura Johansen
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Une longue maladie ou la perte de son emploi peut entraîner de graves problèmes financiers, notamment des difficultés à faire face aux mensualités d’un prêt hypothécaire. Pourtant, peu d’emprunteurs souscrivent à l’assurance gratuite contre la perte de revenus que proposent depuis 20 ans les autorités publiques, tant wallonnes que flamandes.

Cela semble presque trop beau pour être vrai : une assurance totalement gratuite qui aide l’emprunteur à rembourser son prêt hypothécaire en cas de difficultés financières. La seule condition est de rentrer sa demande d’assurance dans le délai imparti. Est-ce une condition trop compliquée ou cette assurance est-elle méconnue du grand public ? Le fait est que trop peu de personnes sont assurées contre la perte de revenus, inévitable en cas de chômage ou de maladie de longue durée.

En 2018 en Flandre, 11.250 personnes ont sollicité une assurance logement garanti, soit moins de 10% de l’ensemble de celles qui ont emprunté au cours de l’année pour l’achat, la construction ou la rénovation d’un logement. Généralement, 80 à 90% des demandes sont acceptées, auquel cas les autorités flamandes payent la prime d’assurance. Selon Koen De Bock, directeur de l’agence Wonen-Vlaanderen, on comptait en Flandre au 1er janvier 2019 un peu plus de 90.000 assurés. L’assurance logement garanti existe depuis 1998, mais, il y a 10 ans, la ministre flamande du Logement Freya Van den Bossche (sp.a) a supprimé les limites de revenus avec pour conséquence d’élargir le nombre de personnes éligibles.

En Wallonie, une assurance similaire rencontre encore moins de succès. Selon Valérie De Bue, la ministre (MR) en charge du Logement, moins de 2.000 dossiers sont ouverts chaque année. C’est pourquoi le gouvernement wallon a décidé l’an dernier de réformer le système. L’assurance contre la perte de revenus existe sous sa forme actuelle depuis 1999 et jusqu’à récemment, les conditions étaient beaucoup plus strictes qu’en Flandre. Parmi les mesures entrées en vigueur le 1er mars, on note par exemple la fin de l’obligation, lors de l’achat d’un logement, d’effectuer des travaux de rénovation pour un montant minimal de 7.500 euros.

Enfin, en Région bruxelloise, si l’on parle depuis plusieurs années d’instaurer une assurance de ce type, le débat n’a pas encore abouti. ” Il faut savoir qu’à Bruxelles, seuls quatre logements sur 10 sont habités par leurs propriétaires, souligne John Romain, fondateur d’Immotheker Finotheker. C’est ce qui explique la suppression de la prime au logement et probablement aussi le fait que les politiques bruxellois ne s’intéressent pas réellement au sujet. ” Sous-entendu, il n’y a rien à gagner au niveau électoral et, par conséquent, il est probable qu’une assurance contre la perte de revenus ne verra jamais le jour.

Une protection contre la perte de son unique logement

La première chose à savoir est qu’il existe un délai pour introduire valablement une demande d’assurance. En Flandre, l’emprunteur doit l’introduire endéans les 12 mois suivant le premier (ou l’unique) prélèvement du capital de crédit. En Wallonie, c’est endéans les 12 mois – ce n’était que six mois jusqu’au 1er mars dernier – de la signature de l’acte de prêt hypothécaire chez le notaire. Passé le délai légal, il est définitivement trop tard pour introduire un dossier. Parmi les autres conditions, on notera que dans les deux régions les emprunteurs doivent disposer d’une source de revenus stable, qu’ils ne peuvent posséder ni une résidence secondaire ni l’usufruit d’un autre immeuble. ” L’objectif premier reste que les emprunteurs soient protégés contre la perte de leur unique logement en raison de problèmes de remboursement, explique Koen De Bock, de l’agence Wonen-Vlaanderen. L’assurance prend en charge le remboursement de la mensualité quand les emprunteurs sont confrontés à une perte de revenus en raison d’une invalidité ou de chômage involontaire. Elle n’intervient que dans ces deux cas précis. ”

Tant en Flandre qu’en Wallonie, l’assurance ne couvre pas le refinancement de crédits en cours. Pour ce qui concerne le montant emprunté, il doit en Flandre être d’au moins 50.000 euros pour l’achat ou la construction d’un logement ou d’au moins 25.000 euros pour des travaux de rénovation. Il n’existe pas de montant minimal en Wallonie. En Flandre, la valeur du logement ne peut excéder 320.000 euros alors qu’aucune valeur maximale n’a été définie en Wallonie.

John Romain (Immotheker Finotheker)
John Romain (Immotheker Finotheker) ” L’assurance gratuite pour le remboursement d’un prêt hypothécaire en cas de perte de revenus ne comporte que des avantages .”© pg

Couverture insuffisante

En 2018, 253.000 contrats de prêt hypothécaire ont été conclus en Belgique pour seulement 13.000 demandes d’assurance contre la perte de revenus, un écart interpellant. Koen De Bock : ” Une étude que nous avons commandée à la KU Leuven en 2016, a montré que 40% des emprunteurs pour l’achat d’une maison – et qui remplissaient toutes les conditions – étaient déjà assurés. Et 70% des personnes ayant construit un logement neuf et répondant à toutes les conditions en bénéficiaient. Il reste donc certainement des progrès à faire, d’autant plus qu’il s’agit d’une assurance totalement gratuite. Par le passé, des campagnes ont été menées pour inciter les organismes de crédit et les notaires à informer leurs clients des avantages de l’assurance au moment de la souscription d’un crédit. ”

” Les emprunteurs sont bien trop peu nombreux à la demander, poursuit John Romain. C’est à n’y rien comprendre car elle ne comporte que des avantages et aucun inconvénient. ” Porte-parole de la Febelfin (fédération belge du secteur financier) et de l’Union professionnelle du crédit, Isabelle Marchand abonde dans le même sens. ” Etant donné que cette assurance est gratuite, nous pensons qu’elle doit être recommandée à toutes les personnes concernées, estime-t-elle. Il n’y a aucun risque, que des bénéfices. ” A quoi attribue-t-elle son manque de succès ? ” Je pense tout simplement qu’elle n’est pas suffisamment connue. Les membres de l’Union professionnelle du crédit savent bien sûr qu’elle existe et on leur rappelle très régulièrement combien il est important d’en informer les emprunteurs. Ceci étant, quand bien même nous incitons nos membres à la promouvoir, au final il appartient aux emprunteurs de faire la démarche de souscrire à l’assurance. ”

La notaire Carol Bohyn, qui intervient au nom de www.notaires.be, estime pour sa part qu’il serait préférable que tout emprunteur puisse bénéficier de l’assurance sans avoir à remplir de formulaires. ” Je pense que c’est là que se situe le problème, dit-elle. Un emprunteur qui fait faire des travaux ou qui déménage a l’esprit occupé par un millier de choses et n’a pas la tête à remplir des formulaires. ” Elle insiste cependant pour dire que les notaires font leur travail en informant les acheteurs de l’existence de l’assurance et que d’ailleurs celle-ci est souvent reprise d’office dans l’acte d’achat et/ou de crédit.

John Romain constate souvent que les gens n’aiment pas trop gérer ce type d’affaires. ” Il faut parfois répéter cinq fois les choses pour être sûr qu’elles pénètrent bien dans leur esprit, ajoute-t-il. Nous fournissons à nos clients une liste de toutes les démarches à entreprendre entre le jour de l’achat et celui de la passation de l’acte authentique. La souscription à une assurance perte de revenus y figure en bonne place. Evidemment, comme il est possible d’y souscrire après, ils oublient ou reportent parce qu’ils ont d’autres priorités immédiates. ” John Romain se demande si les autorités, les conseillers en crédit, les banques et les notaires font réellement le nécessaire pour rappeler, plusieurs fois, aux emprunteurs l’existence de l’assurance. ” L’être humain a un penchant naturel à la procrastination “, ajoute-t-il.

Tout le monde devra y mettre du sien pour améliorer les statistiques. Contrairement aux autres assurances, les intermédiaires ne perçoivent aucune commission mais ce n’est certainement pas une excuse valable pour ne pas informer leurs clients. Cela ne coûte vraiment pas grand-chose à l’intermédiaire mais, le cas échéant, son client peut y gagner beaucoup.

De 500 à 750 euros par mois

La règle est identique en Flandre et en Wallonie : après trois mois, l’assureur prend en charge une partie des remboursements des prêts hypothécaires pour une période maximale de trois ans. En Flandre, le montant mensuel est limité à 500 euros. Si le prêt a été contracté pour la construction d’une maison dont le niveau de performance énergétique est inférieur ou égal à E70, il peut être porté à 600 euros par mois. ” Dans la majorité des cas, l’intervention est plafonnée à 500 euros “, indique Koen De Bock. En Wallonie, le montant annuel est plafonné à 9.000 euros, soit 750 euros par mois, ce qui porte le montant maximal des prestations à 27.000 euros.

En Flandre, la durée maximale de versement de l’allocation de chômage est limitée à 18 mois consécutifs après quoi, le chômeur doit avoir travaillé pendant au moins trois mois pour à nouveau faire valoir son droit à une allocation. La Wallonie ne fait pas de distinction entre les chômeurs et les malades de longue durée, mais l’assurance wallonne ne couvre que la perte de revenus au cours des huit premières années du prêt hypothécaire, délai au-delà duquel elle cesse ses effets. En Flandre, l’assurance est valable pendant 10 ans ou jusqu’à ce que l’assuré ne vive plus dans la maison.

Le coût pour les autorités publiques

Selon le dernier rapport annuel publié en 2017, le gouvernement flamand a versé un peu plus de 9 millions d’euros de primes dans le cadre de l’assurance de logement garanti. Un budget du même ordre est prévu pour l’exercice 2019. Le gouvernement wallon a versé pour sa part 2,4 millions d’euros en 2017 et prévoit de doubler ce budget pour l’année en cours dans la mesure où davantage d’emprunteurs peuvent et souhaitent souscrire à la ‘nouvelle’ assurance gratuite contre la perte de revenus.

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