Planifier sa succession via une assurance-vie, est-ce intéressant ?

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Une assurance-vie est un investissement, mais aussi un instrument de transfert de patrimoine. Mais est-ce une option intéressante dans le cadre d’une planification successorale ?

Les assurances-vie ont fait l’objet d’une attention particulière ces derniers mois. En effet, elles ne sont pas visées par la taxe sur les titres. ” C’est une mauvaise idée de souscrire une assurance-vie pour éviter 0,15 % d’impôts, estime cependant Philippe Bollen, qui dirige la planification patrimoniale chez BNP Paribas Fortis. N’oubliez pas que vous payez 2 % de taxe sur chaque prime versée dans le cadre d’une assurance-vie. ” En raison de cette taxe, le preneur d’assurance part avec un handicap : chaque fois qu’il verse 100 euros, il n’investit en réalité que 98 euros. De plus, une assurance-vie implique des frais de gestion supplémentaires. Chaque couche ajoutée à un instrument de placement génère des frais.

Certains font la promotion des assurances-vie en raison des avantages fiscaux qui y sont liés. Aucun précompte mobilier n’est dû sur les revenus d’une assurance-vie de la branche 23 et sur les revenus d’une assurance-vie de la branche 21 qui court plus de huit ans. Dans le cas des assurances-vie de la branche 21, l’assureur garantit un rendement et si les conditions sont favorables, le preneur d’assurance perçoit une participation bénéficiaire. Dans le cas des assurances-vie de la branche 23, il n’y a aucune garantie. L’argent est généralement investi dans des fonds. De plus, les investisseurs peuvent naviguer à leur guise entre les différents fonds d’une assurance-vie de la branche 23 sans payer de taxes sur les opérations de Bourse (TOB).

Mais une assurance-vie est bien plus qu’un investissement. Et cet aspect risque de passer au second plan si l’on ne s’intéresse qu’au cadre fiscal. Vous payez une prime unique ou des primes périodiques afin qu’un capital soit versé aux bénéficiaires au décès de l’assuré. Un tel contrat implique donc trois parties : un preneur d’assurance, un assuré et un bénéficiaire. Souvent, le preneur de l’assurance est également l’assuré.

1. Vous voulez faire une donation dans l’immédiat

” Dans la plupart des cas, les parents utilisent la technique de la donation par virement bancaire, le don bancaire, suivie de la souscription d’une assurance-vie par les enfants, explique Philippe Bollen. Dans le cas du don bancaire, aucun impôt n’est dû si le donateur survit au moins trois ans à la donation. Et en cas de décès dans les trois ans qui suivent la donation, il faut payer des droits de succession. Vous pouvez couvrir cette période de risque via une assurance donation, ou en faisant enregistrer la donation et en payant des droits de donation. ”

La donation préalable.

Si vous envisagez de faire une donation et un investissement dans une assurance-vie, vous pouvez également faire don d’une somme d’argent par don manuel ou bancaire et demander à vos enfants de souscrire une assurance-vie avec cette somme. Un pacte adjoint permet d’associer diverses conditions à un don bancaire. Ainsi, vous pouvez par exemple stipuler que cette somme doit vous revenir si celui à qui vous en avez fait don décède avant vous. Cela s’appelle une clause de retour conventionnel et ce retour est alors exonéré de droits de succession.

Une assurance-vie n’est appropriée que pour ceux qui peuvent se passer de leur argent pendant au moins cinq à huit ans.

Vous pouvez également faire figurer une charge dans le pacte adjoint, comme l’obligation pour le bénéficiaire de payer 2 ou 2,5 % d’intérêt aux donateurs chaque année. ” Le taux d’intérêt ne peut pas être trop élevé, avertit Philippe Bollen. Dans les bonnes années, nous inscrivions un taux de 4 % dans les contrats, mais l’objectif est naturellement qu’il reste quelque chose de la donation. ” Avec une assurance, le donateur ne peut conserver l’usufruit. Les dividendes et intérêts sont intégralement capitalisés dans le contrat d’assurance-vie.

Le transfert de patrimoine contrôlé

Pour éviter que vos enfants ne s’achètent une Ferrari avec votre donation, la technique du transfert de patrimoine contrôlé, comme l’appelle KBC, est une option. ” Il s’agit d’un don bancaire par les parents, suivi par la souscription d’une assurance-vie par les enfants, avec les enfants comme bénéficiaire en cas de décès pour le montant de la donation. Le surplus peut être librement attribué à un autre bénéficiaire. La police fera référence à la donation avec une clause de retour conventionnel en cas de décès du bénéficiaire avant la fin du contrat. Les parents acceptent exclusivement ce bénéfice. L’acceptation impose l’autorisation des parents en cas de rachat par les enfants. ”

2. Vous voulez faire une donation, mais pas tout de suite

Les parents peuvent désigner leurs enfants comme bénéficiaires à leur décès ou en cas de vie si l’assurance-vie est assortie d’une échéance. ” Pour des parents, c’est la manière la plus fréquente et la plus simple de transmettre une partie de leur patrimoine via une assurance-vie, explique un porte-parole de KBC. Il faudra payer des droits de succession en cas de décès, mais pas en cas de vie, sauf si les parents décèdent dans les trois ans du versement de l’assurance-vie aux enfants. Une technique moins fréquente, mais qui a à nouveau le vent en poupe, est celle de la donation d’assurance. ”

Le POUR

– Vous pouvez racheter le contrat ou changer de bénéficiaire tant qu’il n’y a pas acceptation du bénéfice.

– Votre argent est parfaitement réparti.

– Le capital est immédiatement disponible en cas de décès.

– Vous conserver le contrôle.

– Pas de précompte mobilier, ni taxe de Bourse.

Le CONTRE

– Pas d’usufruit possible.

– Dans certains cas, les bénéficiaires paient des droits de succession.

– La donation n’est possible que devant notaire et ne permet pas toujours d’éviter les droits de succession.

– Investissement à long terme.

– Taxe de 2 % sur les primes.

La donation d’assurance

L’assurance-vie ne comporte pas que des avantages fiscaux. ” Si vous voulez faire don d’une assurance, vous devez toujours passer par le notaire. Si vous voulez faire don d’une somme d’argent ou d’un portefeuille de titres, vous pouvez également procéder par voie bancaire. Un don bancaire peut être enregistré – auquel cas vous paierez des droits de donation -, mais ce n’est pas indispensable. Si le donateur survit au moins trois ans, cette donation est exonérée d’impôt “, explique Philippe Bollen. Si vous voulez faire don d’une assurance-vie pour permettre aux héritiers de faire des économies en droits de succession, il y aura cependant plusieurs écueils à surmonter. Normalement, le versement d’une assurance-vie est soumis aux droits de succession normaux, comme le reste de votre succession. Il est également nécessaire de respecter les réserves légales pour les héritiers en ligne directe lors de la souscription d’une assurance-vie.

En Flandre, il est préférable que le bénéficiaire d’une assurance-vie et le donataire ne soient pas une seule et même personne. ” Si vous faites don du contrat à vos enfants et ils figurent comme bénéficiaires dans la police d’assurance avant la donation, la plus-value qui sera réalisée sur le contrat après la donation sera soumise à des droits de succession, prévient un porte-parole de KBC. En Wallonie et à Bruxelles, aucun droit de succession n’est dû au décès du donateur si la police d’assurance a fait l’objet d’une donation, quel que soit le bénéficiaire de celle-ci. ” Philippe Bollen cite l’exemple d’un don d’assurance d’une valeur de 100.000 euros aux enfants. ” Si cette assurance-vie vaut 150.000 euros au moment de votre décès, vos enfants devront payer des droits de succession sur ces 50.000 euros supplémentaires en Flandre. Les droits de donation déjà payés sont cependant pris en compte, explique Philippe Bollen. Dans le cas d’une donation d’un portefeuille de titres en revanche, le bénéficiaire ne devra pas payer de droits de succession sur la plus-value enregistrée sur le portefeuille depuis la donation. ”

3. Long terme

” La planification à long terme est un élément central dans les assurances-vie, embraie Nicolas Demarest, branch manager de Lombard International Assurance. Le transfert de patrimoine est simplement intégré dans le produit. Généralement, celui qui souscrit cette assurance, le preneur d’assurance, est également celui dont la vie est assurée par le contrat. ” Le nom Lombard International Assurance ne vous est sans doute pas étranger. L’entreprise est leader sur le marché luxembourgeois des fonds dédiés, des assurances de la branche 23 créées sur mesure pour le client à partir d’obligations et d’actions individuelles, et a longtemps été le fournisseur exclusif des assurances-vie Optima. Lombard est également le premier assureur étranger à avoir demandé un ruling en Belgique pour ses fonds dédiés.

” Une assurance-vie n’est appropriée que pour ceux qui peuvent se passer de leur argent pendant au moins cinq à huit ans. Lorsque vous rachetez une police d’assurance dans les cinq premières années après la souscription du contrat, vous devrez généralement payer des frais importants “, explique Rudi Langens, directeur de Matrix Assurances. Pour ce dernier, le grand atout des assurances-vie est la flexibilité au niveau des bénéficiaires.

C’est une mauvaise idée de souscrire une assurance-vie pour éviter 0,15 % d’impôts.” Philippe Bollen (BNP Paribas Fortis)

Nicolas Demarest explique qu’il est possible de créer plusieurs niveaux de bénéficiaires. Si le premier vient à décéder, le capital revient au suivant dans la liste, etc. Vous pouvez également assurer plusieurs vies : par exemple la vôtre et celle de votre conjoint. Dans ce cas, le capital n’est versé qu’au décès du survivant. ” Il existe énormément de possibilités . Un des avantages de l’assurance-vie est que l’actif sous-jacent est liquidé et le produit immédiatement versé sur le compte du bénéficiaire “, poursuit Nicolas Demarest. Il rappelle que les comptes du défunt sont gelés dans un premier temps. Il faut payer des frais de dossier aux banques pour qu’elles établissent un inventaire et le transmettent au fisc pour que les comptes soient débloqués. Et il est difficile de vendre rapidement les biens immobiliers. Dans le même temps, il faut payer les funérailles, éventuellement des frais d’hôpital ou autres factures, etc. Le revers de la médaille est qu’un portefeuille sera parfois liquidé au pire moment, si le décès intervient par exemple en pleine correction sur les marchés financiers.

4. Petits-enfants

” Une piste intéressante peut consister à désigner directement les petits-enfants comme bénéficiaires d’une assurance-vie, explique-t-on chez KBC. Vous sautez ainsi une génération et répartissez la succession entre plusieurs héritiers, qui tombent chacun dans une tranche plus basse. ” Les grands-parents doivent cependant respecter les réserves légales et ne peuvent léguer à leurs petits-enfants que la part disponible. Le nouveau droit successoral réserve la moitié du patrimoine aux enfants. Si vous ne faites rien, votre succession est entièrement partagée entre vos enfants. Ceux-ci paient alors des droits de succession à votre décès et leurs enfants en paieront à leur tour au décès de leurs parents La tranche de droits de succession dont relèveront vos enfants ou petits-enfants dépendra des montants dont ils hériteront.

Tant que le bénéfice de l’assurance-vie n’est pas accepté, le preneur de l’assurance peut modifier les bénéficiaires ou racheter le contrat. Vous pouvez donc changer d’avis concernant la destination de votre argent. Peut-être en aurez-vous subitement besoin, peut-être trouverez-vous finalement que le destinataire ne le mérite pas.

” Si des parents veulent investir de l’argent à long terme pour leurs petits-enfants, ils peuvent le faire avec une assurance-vie. Ils auront alors la certitude que l’argent reviendra à leurs petits-enfants. Et si des petits-enfants font fausse route, ils peuvent toujours les radier des bénéficiaires, voire racheter le contrat afin que leur argent ne revienne pas à ces petits-enfants qui ont dérapé, poursuit Philippe Bollen. Attention : ceci n’est cependant possible que tant que le bénéfice de l’assurance-vie n’est pas accepté. ”

Dans le cas d’une assurance-vie, une acceptation est une déclaration unilatérale du bénéficiaire. Le preneur de l’assurance est généralement informé d’une telle acceptation et pourra donc la racheter avant qu’elle prenne effet. Une telle acceptation prend la forme d’un avenant au contrat d’assurance-vie qui est signé par le preneur de l’assurance, le bénéficiaire et l’assureur.

Dès que le bénéfice est accepté, vous ne pouvez plus toucher aux droits du bénéficiaire. Vous pouvez encore ajouter des bénéficiaires supplémentaires, mais il n’est plus possible d’en supprimer ou de racheter le contrat.

De manière générale, il est préférable de désigner les bénéficiaires dans des termes généraux. Philipe Bollen : ” Désignez de préférence ‘vos héritiers légaux’, sans indiquer les noms effectifs de vos enfants. Il est toujours possible que des enfants d’un deuxième mariage viennent s’ajouter ou d’autres événements inattendus croisent votre vie. ”

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