“Avec une garantie trop élevée, la plupart des banques à risque attireront la majorité des clients”

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Après la faillite de la banque Optima, la question se pose s’il est nécessaire d’avoir une garantie de dépôts plus élevée. “Si la garantie est trop élevée, les clients tiendront beaucoup trop peu compte du profil de risque de la banque”, répond Peter De Keyzer, économiste en chef chez BNP Paribas Fortis.

Les avoirs sur les comptes courants chez Optima ont été gelés jeudi dernier pour empêcher une ruée bancaire. La Banque Nationale a signalé ce même jour au Fonds de garantie qu’Optima Banque ne serait pas en état de rembourser les dépôts des clients. De ce fait, la garantie de dépôts entre en action. Cela signifie que toute personne qui a 100.000 euros ou moins sur un compte courant chez Optima devra être remboursée par le Fonds de garantie, dans un délai de 20 jours ouvrables à compter du 9 juin.

Le ministre de l’Economie et des Consommateurs, Kris Peeters (CD&V), est allé un pas plus loin. “Nous devons également veiller à ce que toute personne qui a de l’argent au-delà de ce montant récupère cet argent”, a déclaré Peeters lors de l’émission télévisée Villa Politica (sur la VRT, ndlr). Nous avons demandé à Peter De Keyzer, économiste en chef démissionnaire chez BNP Paribas Fortis Belgique, si nous ne favorisons pas trop le “moral hazard” par toutes ces garanties. Le moral hazard (qu’on traduit en général par risque moral ou aléa moral, ndlr) est ce qui se passe si des personnes adaptent leur comportement du fait qu’elles ne supportent pas les conséquences de leur comportement.

Cette garantie de dépôts jusqu’à 100.000 euros par client et par banque est-elle tenable à long terme et est-elle appropriée ?

Avec une garantie de dépôt trop faible, ou s’il n’y en a pas du tout, la moindre rumeur au sujet de problèmes d’une banque risque ainsi de devenir une prophétie auto-réalisatrice.

Peter De Keyzer: “Eliminez la garantie de dépôts et, à la moindre rumeur ou incertitude concernant la santé financière d’une banque, les épargnants fuiront massivement à la concurrence. Une ruée bancaire est alors possible et cela signifie d’emblée aussi la fin de la banque en question. Avec une garantie de dépôts trop faible, ou s’il n’y en a pas du tout, la moindre rumeur au sujet de problèmes concernant une banque risque ainsi de devenir une prophétie auto-réalisatrice. Augmentez au contraire la garantie, à 200.000 euros par exemple, et le problème de moral hazard jouera encore beaucoup plus que ce n’est le cas aujourd’hui. Car si la garantie est trop élevée, les clients tiendront beaucoup moins compte du profil de risque de la banque. La plupart des banques à risques, offrant les meilleures conditions, attireront dans ce cas la majorité des clients. Car les clients seront alors de toute façon certains de récupérer leur argent – quoi qu’il advienne de la banque en question.

Le niveau juste de la garantie de dépôts devra donc toujours se situer à mi-chemin entre ces deux risques : le moral hazard d’une part et une panique bancaire auto-réalisatrice d’autre part. Ce serait par conséquent envoyer un mauvais message si l’Etat belge garantissait tout l’argent des clients d’Optima, également la partie au-delà de 100.000 euros par client.”

“Ce montant de 100.000 euros par banque et par client est une directive européenne, que les Etats-membres doivent transposer dans la législation nationale. Pour un pays comme l’Espagne, cette limite est peut-être trop élevée, et il n’y aura pas beaucoup d’épargnants avec 100.000 euros sur leur compte d’épargne. Pour un pays comme la Belgique avec beaucoup d’épargne, cette limite est sans doute plus appropriée. Mais vous ne pouvez pas laisser aux Etats-membres la détermination du niveau, car vous obtiendriez alors des distorsions. Si la Belgique garantissait plus de 100.000 euros, tous les étrangers viendraient placer leur argent auprès des banques belges, et inversement, tous les belges fortunés partiraient à l’étranger si une garantie de dépôt plus élevée était appliquée à l’étranger.”

Les entreprises belges ont raté le train de l’e-commerce. Peuvent-elles encore le prendre en marche ? Les syndicats se tirent-ils une balle dans le pied en se rebellant au sujet du travail de nuit et de la flexibilité ?

De Keyzer: “Il y a deux versants à l’histoire. En premier lieu, il y a la question de la volonté de la population à acheter plus de produits via l’e-commerce. Pour le moment, le Belge ne semble pas toujours avoir une grande confiance dans les achats ou les paiements via internet. Cela peut être modifié par le biais de campagnes des commerçants eux-mêmes et par la dissipation de la crainte – souvent infondée – concernant la sécurité des paiements en ligne. Tant les secteurs financiers que les commerçants eux-mêmes ont un rôle à jouer ici. Deuxièmement, l’offre a également son importance. Les magasins belges sont beaucoup moins présents sur internet que leurs collègues hollandais, par exemple. De ce fait, le consommateur belge est moins enclin à rechercher son magasin préféré sur internet. Il semble donc que les entreprises belges ont encore du chemin à faire – de l’offre d’e-commerce d’une part à la conscientisation concernant la facilité d’utilisation d’autre part.”

“Les sociétés ne font donc pas suffisamment d’efforts et les syndicats devraient se montrer plus indulgents. Hello Fresh, par exemple, livre même des boîtes de repas le dimanche, à partir des Pays-Bas. Un emploi dans l’e-commerce est peut-être plus mal payé et rencontre de plus mauvaises conditions. Mais c’est cependant ce type d’emplois – des emplois pour des personnes peu qualifiées – dont nous avons fondamentalement besoin en Belgique. Et si les syndicats dans notre pays mettent la barre trop haut avec leurs exigences salariales, le paiement des heures supplémentaires, etc, alors les Pays-Bas, par exemple, prendront ces emplois. C’est aussi simple que cela.”

Le Bund – l’obligation allemande à 10 ans – atteint des niveaux de taux historiques à la baisse. Est-ce la conséquence de la politique de la Banque Centrale Européenne ? Quelle évolution voyez-vous ?

De Keyzer: “En mettant son taux directeur officiel à zéro et en achetant des obligations, la Banque Centrale Européenne a bien sûr poussé les taux d’intérêt vers des niveaux historiquement bas. Mais les taux d’intérêt à long terme sont déterminés par les marchés financiers. Certes, les investisseurs prennent en compte le taux nul de la BCE dans leurs considérations – mais l’inflation aussi par exemple – et les prévisions de croissance pour le plus long terme. Les taux actuels historiquement bas semblent dès lors surtout refléter que les prévisions pour l’économie européenne à long terme sont plutôt sombres. A cela, la Banque Centrale Européenne elle-même ne peut pas y changer grand chose.”

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