‘L’ADN du secteur bancaire n’a pas fondamentalement changé’

Au centre, le président de Febelfin Johan Thijs, à gauche, le CEO en partance Michel Vermaerke et à droite, le nouveau CEO Karel Van Eetvelt. © Belga
Bart Vereecke Rédacteur MoneyTalk et Trends

Régulièrement, la rédaction de MoneyTalk pose trois questions sur l’actualité à un économiste. Cette semaine, Hans Degryse, le responsable du groupe de recherches Finance à la KU Leuven, commente les évolutions intervenues dans le secteur bancaire.

Lors de sa nomination en tant que nouveau CEO de Febelfin, Karel Van Eetvelt a déclaré que le secteur financier allait devoir mettre plus l’accent sur la valeur ajoutée qu’il crée pour la société et que le comportement pour lequel il est critiqué par la société appartient au passé. Une nouvelle culture, plus prudente, règne-t-elle vraiment dans le secteur financier ?

HANS DEGRYSE: En comparaison avec la situation d’il y a environ dix ans, juste avant la crise financière, les banques belges peuvent en effet présenter un meilleur visage. Elles ont des fonds propres plus importants, sur lesquels elles peuvent se reposer en cas de crédits non remboursés, et elles prennent moins de risques lors de l’investissement de l’argent qu’elles obtiennent de leurs clients via les dépôts.

Le fait qu’il soit tenu compte des erreurs du passé ne signifie toutefois toujours pas que l’ADN du secteur bancaire ait fondamentalement changé. Les mesures qui veillent à ce que les banques adoptent davantage de prudence sont en grande partie imposées par les accords de Bâle. Elles ne sont pas en soi la conséquence d’un changement de mentalité dans le secteur. Le lobby bancaire affaiblit en effet considérablement la régulation.

Aussi, la manière dont les banques utilisent la régulation imposée comme truc marketing est également révélatrice. Les normes en matière de capitaux propres telles que définies dans les accords de Bâle sont implémentées progressivement. Le processus d’adaptation ne se déroule pas aussi rapidement partout et il est à noter combien les banques désirent souligner être plus avancées que la concurrence.

Le fait que les banques désirent, le plus rapidement possible, atteindre les ratios de capitaux est bien sûr positif, mais elles ne manquent bien sûr pas d’exploiter sur le marché la proportion dans laquelle elles satisfont aux règles et de se profiler comme l’option la plus sûre auprès des clients potentiels.

Lors de la nomination de Van eetvelt, Johan Thijs, le président de Febelfin, a parlé des défis économiques et technologiques auxquels le secteur financier doit faire face. Selon vous, de quoi les banques doivent-elles se soucier le plus ?

Le problème essentiel pour les banques est leur modèle de profit qui se trouve sous pression. La Banque Centrale européenne maintient un taux d’intérêt faible dans le but de stimuler l’économie, les banques peuvent dès lors demander peu d’intérêts sur les crédits qu’elles octroient. En même temps, elles sont légalement obligées de payer un taux d’intérêt minimum sur les dépôts d’épargne. Les banques n’ont que peu de marges de manoeuvre à cet égard. La marge d’intérêts, l’écart entre le produit de leurs crédits et les coûts des dépôts, se réduit donc toujours davantage.

Ajoutez à ce problème les taxes auxquelles les banques sont soumises dans notre pays, comme la taxe sur les dépôts, et il devient clair que la fonction d’intermédiation classique est actuellement peu rentable. C’est la raison pour laquelle elles se concentrent de plus en plus sur des activités non intermédiaires, comme les conseils de placement. Pour les banques qui le font moins et continuent à surtout se focaliser sur les épargnants traditionnels, comme Argenta, ce ne sont pas des temps particulièrement dorés.

La combinaison du contexte économique et de la législation belge a bien sûr des conséquences sur le comportement des banques. Afin de générer tout de même suffisamment de revenus, elles sont à nouveau moins pointilleuses dans l’octroi des crédits. Des particuliers et sociétés moins solvables sont à nouveau éligibles pour l’obtention d’un prêt. Les banques sont donc quasi obligées de prendre à nouveau davantage de risques.

La valeur ajoutée des banques pour notre économie est-elle trop peu soulignée ? Quelle est l’importance du fait que les banques osent prendre des risques ?

Lorsqu’il est question du secteur financier, on perd peut-être trop facilement de vue le côté positif de l’histoire. L’intermédiation entre les épargnants et les personnes qui ont besoin de crédits offre notamment des possibilités à notre société. Cela implique effectivement une certaine dose d’incertitude et de risque. Si les banques jouaient entièrement la sécurité, les entrepreneurs débutants ne recevraient en principe aucune chance, pour ne donner qu’un exemple.

La question est bien sûr de savoir si les risques sont pris dans un souci de l’intérêt économique général ou seulement au nom du profit. Parallèlement, les choses sont telles que les banques qui ne sont pas rémunérées pour le rôle qu’elles jouent ont peu d’incitations pour continuer à exister.

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