Le taux réel sur votre épargne est de -2%

Philippe Berkenbaum Journaliste

“Grâce à une inflation incessante, les gouvernements peuvent à l’insu de tous confisquer une part importante de la richesse de leurs citoyens”, disait déjà John Maynard Keynes en 1919. Cela a rarement été aussi vrai qu’aujourd’hui.

L’inflation a certes diminué par rapport aux dernières décennies mais elle demeure largement supérieure aux taux d’intérêt actuels. ” L’épargnant belge a subi une perte de pouvoir d’achat de 2 % l’année dernière, son livret ne lui ayant rapporté que 0,1 % alors que la hausse des prix a atteint 2,1 % ” détaille Etienne de Callataÿ. L’épargnant est ainsi la victime des politiques de relance pratiquées ces dernières années par les banques centrales. ” Tout porte à croire que les taux d’intérêt réels (NDLR : inflation déduite) demeureront négatifs pendant encore plusieurs années “, poursuit l’économiste en chef d’Orcadia AM.

Cette politique de taux bas est une nécessité pour des Etats très endettés, souligne Bruno Colmant. La Belgique affiche, par exemple, une dette publique de 107 % du produit intérieur brut (PIB), un rapport qui grimpe à 655 % en ajoutant la dette implicite, qui comprend notamment les engagements de pension, selon la Banque des règlements internationaux (BRI). Des taux bas et l’inflation permettent de rendre ces dettes moins insupportables, une double condition remplie grâce à l’épargne des ménages. ” Au travers de la régulation, l’épargne bancaire et les réserves d’assurance-vie sont canalisées vers le financement des dettes publiques avec, à la clé, une perte de pouvoir d’achat pour les épargnants. ”

L’épargne en chute libre

Les premières conséquences se font toutefois ressentir. Confronté à des rendements réels négatifs, le Belge est moins enclin à épargner, à un point tel que le taux d’épargne net (1) a chuté de 7,82 % en 2009 à 1,14 % des revenus disponibles en 2016, selon les données d’Eurostat. L’enquête réalisée par Wikifin, le programme d’éducation financière de l’autorité des services et marchés financiers (FSMA), révèle qu’un Belge sur trois n’épargne pas du tout. A court terme, cela soutient la consommation des ménages et la croissance. A moyen et long termes, cela jette une ombre sur les perspectives de revenus des ménages à la pension. L’OCDE recommande par exemple d’épargner 10 % à 15 % de ses revenus pour maintenir son niveau de vie à la retraite.

Koen De Leus évoque la piste d’une pension complémentaire du second pilier (dans le cadre de l’activité professionnelle). Evidemment, cette solution entamerait les revenus disponibles des ménages ou la position concurrentielle de la Belgique. Bruno Colmant redoute, pour sa part, une forme d’étatisation des assurances groupe où la pension légale serait minorée du capital reçu (converti sous forme de rente).

Par Cédric Boitte.

(1) Taux d’épargne brut diminué du taux d’investissement, représentant essentiellement l’achat de logements (remboursement de prêt hypothécaire…)

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