“Les droits acquis n’existent pas”

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Luc Aben, économiste en chef chez Van Lanschot, plaide pour une réforme de l’exonération fiscale sur le livret d’épargne, “car un avantage fiscal sur rien, cela fait toujours rien”. Le droit de grève est aussi à revoir: “Les droits ont été négociés dans un certain contexte. Si l’environnement change, de nouveaux accords sont nécessaires.”

En décembre et janvier, quelques milliards d’euros se sont à nouveau ajoutés sur les livrets d’épargne belges, malgré les taux ultra bas. Pensez-vous que l’exonération fiscale des intérêts sur le livret d’épargne doit être revue?

Luc Aben: “L’exonération fiscale sur le livret d’épargne est un droit acquis du passé. Bien intentionné à l’époque, mais avec un effet boomerang en fin de compte. Tout comme l’est par exemple le stimulant fiscal pour la possession d’une habitation, qui mène uniquement à des biens immobiliers plus chers. Pour finir, l’effet est donc nul, dans le meilleur des cas. Car l’impact des masses d’argent sur les livrets d’épargne risque même de devenir négatif. Ce sont en effet des moyens qui sont difficilement mobilisables pour le financement d’investissements favorisant la croissance. Réformons, donc. Vu les taux bas, c’est plus que jamais le moment de le faire. Car un avantage fiscal sur rien, cela fait toujours rien.”

La semaine dernière, les lamaneurs du port d’Anvers l’ont fermé toute la semaine aux navires de grande taille. Ils réclamaient et ont obtenu une prime supplémentaire pour les opérations sur ces navires. Quelle est l’ampleur des dommages (en réputation) que de telles actions entraînent ? De telles actions doivent-elles pouvoir se faire, ou bien une réforme ou une restriction du droit de grève s’impose-t-elle?

Aben: “Tout le monde a le droit d’exprimer son mécontentement. Chérissons ce droit démocratique. Mais en même temps, nous devrions tout de même réfléchir dans ce pays à la manière dont on le fait. Si notre position concurrentielle internationale revêtait la même position de tête que celle du nombre de jours de grève, le chômage serait réduit de moitié. Laisser tomber l’argument du ‘droit acquis’ serait déjà un début. Les droits acquis n’existent pas. Les droits sont négociés dans un certain contexte. Si l’environnement change, de nouveaux accords sont nécessaires. Sur base de la prise de conscience que nous avons tous le même intérêt. Travailleurs, entrepreneurs, politiciens et citoyens. Un intérêt qui n’est pas servi par un modèle de conflit structurel.

Les modèles de concertation constructifs en vigueur à l’étranger démontrent que cela peut aussi en être autrement. Là aussi, le droit fondamental de grève existe. Mais la conscience de se trouver dans le même bateau limite cette grève à une arme de négociation ultime. Une mentalité de ce type est la seule voie salutaire. Si nous refusons de l’emprunter, nous risquons peut-être bien, en tant que pays et en tant qu’économie, de devoir en arriver à tout instant à une ‘cessation de paiement’.”

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