Pourquoi l’épargnant belge est encore loin d’être un investisseur

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les particuliers belges ont, en 2017, placé environ 5 milliards d’euros supplémentaires sur leur compte d’épargne, selon un sondage de Trends auprès de huit banques. Plusieurs enseignes soulignent l’ascension de la popularité des investissements, mais cela ne fait pas encore de nos épargnants des investisseurs.

Premièrement, les faits. Chez BNP Paribas Fortis et ING, il y a quelque 6 milliards d’euros de moins sur les comptes d’épargne réglementés qu’il y a un an. Il s’agit de l’épargne des PME et des personnes morales. Chez BNP Paribas Fortis, il y a eu une conversion de comptes d’épargne réglementés – sur lesquels se trouvent 5,2 milliards d’euros de ces petites entreprises – en comptes d’épargne non réglementés. Ces milliards ont à présent disparu des chiffres.

C’est un truc que KBC a déjà appliqué en 2016 afin de pouvoir diminuer le taux d’intérêt sur l’épargne et l’amener à zéro ou sous zéro pour ces sociétés. Pour les comptes d’épargne réglementés, c’est interdit car un minimum de 0,01% est obligatoire pour le taux de base et de 0,1% pour la prime de fidélité. Il y a une trentaine de comptes d’épargne différents auprès des différentes banques qui n’offrent que cette rémunération légale minimum.

La banque ING Belgique est intervenue de manière moins draconienne. Il y a eu plafonnement du montant maximum sur les comptes d’épargne réglementés pour les entreprises. En conséquence, début janvier 2017, les personnes morales ont, selon la banque, transféré 851 millions d’euros de leurs comptes d’épargne vers leurs comptes courants.

1. Les particuliers ont davantage d’argent sur les livrets d’épargne

Corrigé de tous ces artifices côté entreprises, tant chez BNP Paribas Fortis que chez ING, il y aurait une augmentation du montant sur les livrets d’épargne (voir tableau). Dans les autres banques, il y a une stabilisation ou une augmentation des versements d’épargne. Seules AXA Banque, Bpost Bank et Record Bank parlent d’une légère diminution. Chez AXA Banque, un élément non récurrent joue. Fin 2016, pas mal de clients ont fait usage d’une action de rachat d’AXA pour les assurances vie Crest 20. L’argent du rachat de cette assurance vie se trouvait encore sur les livrets fin 2016, mais il a été investi dans d’autres produits début 2017.

Au total, environ 5 milliards d’euros se sont ajoutés sur les livrets d’épargne belges. Cette augmentation est dans la lignée de celles de 2016 et 2015. Belfius prévoit une nouvelle croissance en volume du marché de l’épargne belge en 2018 “grâce à une croissance de l’emploi et du revenu disponible réel par personne et probablement à nouveau une légère augmentation du taux d’épargne” et ce malgré “le fait que le taux d’intérêt n’augmentera également pas fort en 2018″. BNP Paribas Fortis prévoit également que les versements d’épargne continueront à augmenter progressivement” car il y a peu d’alternatives à taux fixe et sûres “du fait des taux d’intérêt extrêmement faibles sur le marché”.

Montant total sur les livrets d’épargne (en milliards d’euros)

Fin 2016 Fin 2017 Evolution (%) Evolution (chiffres absolus)
AXA Banque 13,1 12,9 -1,5% -0,2
Belfius 35,2 36,2 2,8% 1,0
Bpost Bank 6,4 6,3 -1,6% -0,1
BNP Paribas Fortis 56,4 58,5 3,6% 2,0
Crelan 11,5 11,9 3,8% 0,4
ING Belgique 30,1 30,4 0,8% 0,2
KBC 36,4 38,5 5,8% 2,1
Nagelmackers 2,2 2,2 1,3% 0,0
Record Bank 8,9 8,5 -4,6% -0,4
Total 200,2 205,3 2,6% 5,1

Source : sondage de Trends

Étant donné la faiblesse du taux d’intérêt sur les livrets d’épargne, tout le monde n’a pas pris la peine de transférer l’argent vers un compte d’épargne. “Nous constatons que le consommateur a conservé beaucoup plus d’argent sur son compte courant en 2015 et 2016 et qu’il a fait beaucoup moins de versements vers son compte d’épargne. Le consommateur a quelque peu retrouvé la route vers le compte d’épargne en 2017, mais les soldes sur les comptes courants restent élevés”, explique un porte-parole de Nagelmackers. “Les clients business et institutionnels utilisent en outre leur argent pour faire des investissements.”

2. Les investissements sont aussi en hausse

Différentes banques font savoir que les clients investissent davantage. AXA Banque, Record Bank et bpost bank observent une hausse d’intérêt pour les produits d’investissement et un transfert d’une petite partie de l’épargne vers des investissements. “Du fait de la faiblesse constante des taux d’intérêt, les clients sont de plus en plus en quête de formes d’investissement alternatives”, relève un porte-parole de Record Bank. “Il y a un glissement remarquable de l’épargne classique vers des investissements comme les fonds ou les assurances vie de la branche 23”, ressort-il chez Bpost Bank.

Plans d’investissement

En 2016, il y a déjà eu un doublement du nombre de plans d’investissement chez KBC et “cette tendance s’est poursuivie sans préjudice en 2017”. Les plans d’investissement sont des plans qui permettent à des épargnants d’investir leur épargne, à petite dose et sur base régulière, dans des fonds d’investissement. Chez AXA Banque, il y a aujourd’hui trois fois plus de plans d’investissements qu’il y a un an. Chez Nagelmackers, il s’agit de montants relativement limités qui atterrissent dans les plans d’épargne périodiques. “Nous observons ensuite une croissance significative du private banking. Les clients existants versent davantage et de nouveaux clients découvrent Nagelmackers.”

Fonds mixtes

“L’intérêt pour les fonds mixtes et les fonds d’action a fortement augmenté en un an. Nous parlons d’une croissance de plus de 20% de la fortune gérée”, ressort-il ensuite chez KBC. Chez BNP Paribas Fortis, il y a même eu une croissance de 22% des fonds d’investissement. “On investit toujours plus dans des fonds d’investissement mixtes, qui combinent plusieurs classes d’actifs et ensuite surtout dans des fonds stratégiques défensifs”, observe la plus grande banque du pays. Dans d’autres banques, ce sont également surtout les fonds flexibles, mixtes et mondiaux qui ont trouvé grâce auprès des clients.

Fonds durables

BNP Paribas Fortis et KBC observent encore une autre tendance : l’émergence de l’investissement durable. Chez KBC, la fortune investie dans des fonds durables a doublé l’an dernier. Chez BNP Paribas Fortis, “la majeure partie des nouvelles souscriptions se fait dans des fonds labellisés ISR. ISR est l’acronyme pour Investissement Socialement Responsable. Les thèmes comme l’eau, les préoccupations climatiques et les énergies renouvelables poursuivent leur essor.”

Assurances vie de la branche 23

Chez BNP Paribas Fortis, la tendance la plus évidente dans la banque de détail a été la popularité croissante des assurances de la branche 23. Chez Belfius, les assurances placements ont également progressé. Quand des fonds d’investissement sont regroupés dans un contrat d’assurance vie, ils deviennent des fonds de la branche 23.

“Dans la branche 23, on a investi pas moins de 77% de plus qu’au cours des onze premiers mois de 2016 chez BNP Paribas Fortis. La branche 23 est devenue plus importante que la branche 21. La croissance était particulièrement prononcée pour les contrats sans protection de capital. Le climat positif sur les marchés boursiers y a certainement contribué, mais probablement aussi le régime fiscal favorable grâce auquel l’investisseur échappe au précompte mobilier de 30% en échange d’une taxe forfaitaire de 2% sur les primes nettes versées.”

Conclusion

“L’épargne et les investissements ne sont pas nécessairement des vases communicants, où l’un augmente si l’autre diminue”, observe un porte-parole d’ING Belgique. Il semble que les produits qui tombent entre l’épargne et le ‘vrai’ investissement sont surtout en disgrâce. Les banques vendent de moins en moins de bons de caisse, de comptes à terme et d’assurances vie de la branche 21. L’argent de ces produits va soit vers le livret d’épargne soit vers des investissements plus risqués.

De plus en plus d’obligations de la masse des entreprises belges qui faisaient la quête auprès des particuliers belges en 2011, 2012 et 2013, arrivent à échéance. D’autres investissements à taux fixe intéressants ont également expiré, comme le bon Leterme à cinq ans (un bon d’Etat avec un coupon brut élevé de 4% et un précompte mobilier diminué).

Comme on trouve peu d’alternatives intéressantes et relativement sans danger, cet argent atterrit souvent sur les comptes d’épargne. Le livret d’épargne, avec une garantie de dépôt de l’État, un taux d’intérêt minimum, une exonération des intérêts jusqu’à 940 euros et un précompte mobilier diminué de 15% pour les intérêts supérieurs au plafond, s’avère toujours bien plus intéressant que la plupart des alternatives d’épargne à taux fixe.

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