Se chauffer oui, mais à quel prix ?

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Si l’impact écologique du chauffage au bois fait l’objet de débats enflammés, le volet économique, lui, est évident au premier abord. Le bois est souvent gratuit, les déchets sont bon marché. Mais est-ce la solution à privilégier pour la planète et le portefeuille ? Tour d’horizon des divers moyens de chauffage sur le marché.

Les particules fines ont fait parler beaucoup d’elles ces dernières semaines. Les citoyens ont été invités à ne pas brûler de bois juste pour le plaisir, afin de ne pas aggraver la pollution atmosphérique. La ministre flamande de l’Environnement, Joke Schauvliege (CD&V), envisage d’offrir des primes aux citoyens de Flandre qui acceptent de remplacer leur vieux poêle par un nouveau, et de faire enregistrer les poêles présents dans une habitation au moment de la revente.

La combustion du bois pose beaucoup de questions d’ordre écologique mais aussi économique. La seule comparaison valable des différents combustibles et systèmes de chauffage est celle qui consiste à calculer le prix de la chaleur créée au kWh. ” Le prix des pellets est stable depuis plus de 10 ans et tourne autour des 5 cents par kWh “, déclare Ludwig van Wonterghem, fondateur et gérant de Stroomop, une entreprise qui promeut le chauffage au bois et aux pellets dans le respect de l’environnement. ” En Belgique, les pellets proviennent du compactage des sous-produits du bois comme la sciure et les copeaux des scieries. ”

Gratuit

Le bois est souvent gratuit mais sa qualité ne fait l’objet d’aucun contrôle, contrairement aux pellets. Dans la polémique sur les particules fines, le mauvais bois de chauffage est généralement mis en cause. Ludwig Van Wonterghem forme ses installateurs et les utilisateurs. D’après lui, on opte intuitivement trop souvent pour le bois. ” Il arrive que le bois ne soit pas assez sec, mal fendu ou mal entreposé. L’allumage et le réglage de l’aération sont importants. Si vous ne voulez pas approfondir la question, mieux vaut opter pour un poêle à pellets ou une chaudière à pellets qui règle tout pour vous. ”

Que les choses soient claires : un poêle est agréable mais seule une chaudière est capable de chauffer toute une habitation et de fournir l’eau chaude des sanitaires et de la cuisine. Ludwig Van Wonterghem est catégorique : ” Les pellets sont de loin le combustible de chauffage le meilleur marché. ”

Une comparaison équitable tient compte également du rendement de l’installation de chauffage. ” Les poêles à pellets modernes affichent un rendement de 90 % voire plus , ajoute-t-il. Il existe aussi les poêles à pellets à condensation dont le rendement dépasse les 100 %. Du fait de leur très faible taux d’humidité et de leur composition sans additif, les pellets permettent d’obtenir un rendement très élevé. ”

Le tableau comparatif que nous avons réalisé (” Combien coûte la production d’une même unité de chaleur “) tient compte d’un rendement de 95 % pour les poêles à pellets et de 104 % pour les chaudières à mazout à condensation. Dans le cas des pompes à chaleur, le rendement s’élève de 400 à 500 %. Nous tenons compte également d’une déperdition de chaleur de l’ordre de 15 % au niveau des conduites. Nous nous basons sur le prix maximum du mazout et le prix fixe du gaz naturel et de l’électricité chez Engie Electrabel.

Chauffage central

Se chauffer oui, mais à quel prix ?
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Le chauffage central aux pellets est donc moins onéreux que le système au mazout mais le poêle à bois coûte beaucoup plus cher à l’achat. Une installation aux pellets coûte facilement 10.000 euros, soit environ 4.000 euros de plus qu’une chaudière au mazout. Si vous consommez 20.000 à 25.000 kWh par an pour chauffer votre habitation, le surcoût est amorti en une dizaine d’années.

Une pompe à chaleur peut s’avérer moins chère qu’une installation au mazout, en fonction du modèle choisi. Les moins onéreuses sont les pompes à chaleur géothermiques qui extraient la chaleur de la nappe phréatique. L’eau souterraine tourne toujours autour des 10 à 12 degrés et peut servir à rafraîchir l’habitation en été. Il existe plusieurs types de pompes à chaleur, conçues en fonction de l’élément naturel duquel elles extraient la chaleur. La pompe à chaleur air-air extrait la chaleur naturellement présente dans l’air. Plus il fait froid, plus la consommation en électricité est élevée.

L’installation de la pompe à chaleur eau-eau est la plus coûteuse. ” En plus de la pompe, il faut également financer les forages “, précise Patrick O, CEO de Viessmann Belgique. ” Comptez un forage de 1 mètre par mètre carré d’habitation. Au prix de 35 euros pour 1 mètre de forage, le prix d’une installation pour une habitation d’une superficie de 150 mètres carrés s’élève à 5.250 euros. ” Autrement dit, l’investissement total dépasse facilement les 10.000 euros. Notez que les autorités offrent des primes pour l’installation d’une pompe à chaleur, ce qui n’est pas le cas pour les poêles à pellets.

Perte de chaleur

Le prix n’est pas le seul inconvénient des pompes à chaleur. ” Un des gros atouts du poêle à pellets est que la température produite n’a pas d’influence sur le rendement, ajoute Ludwig Van Wonterghem. Une pompe à eau ne donne de bons résultats que pour un chauffage nécessitant une température peu élevée, comme le chauffage au sol. ”

” Dans le cas du chauffage au sol, l’eau pulsée dans les conduites doit être chauffée à 35 degrés pour arriver à une température ambiante de 20 à 22 degrés, explique Patrick O. La déperdition de chaleur est plus importante avec des radiateurs. L’eau doit être à chauffée à 55 degrés pour obtenir la même température ambiante. ”

Au-delà de 35 degrés, le rendement des pompes à chaleur diminue assez vite. ” Les pompes à chaleur sont une bonne solution pour les constructions neuves mais elles sont déconseillées pour les habitations rénovées, confie Patrick O. Dans le cas d’une nouvelle habitation, on opte généralement pour le chauffage au sol. Les habitations existantes sont déjà équipées de radiateurs. Il existe aussi des systèmes hybrides où la chaudière au gaz naturel classique prend le relais de la pompe à chaleur quand celle-ci n’est plus efficace. Mais cette solution n’a pas vraiment la cote. Nous en vendons moins d’une centaine par an. ”

” Les pellets présentent eux aussi quelques inconvénients, reconnaît Ludwig Van Wonterghem. Il faut réalimenter le poêle manuellement – plusieurs fois par semaine en hiver – et vider le bac à cendres. Dans le cas d’une chaudière à pellets, tout est automatique. Il faut également disposer d’un local de 4 à 5 m2 minimum pour entreposer les sacs de pellets. La cheminée doit être ramonée chaque année. ”

Se chauffer oui, mais à quel prix ?

Gare aux cow-boys

Emile Vandenbosch, secrétaire de l’Association pour les techniques thermiques de Belgique (ATTB), met en garde contre les ” cow-boys ” du marché des poêles à bois et à pellets. ” Tous les fabricants et les distributeurs de poêles sont légalement tenus de s’enregistrer dans la base de données du SPF Santé publique. Quand j’ai comparé les noms que je connais et ceux de la base de données, je me suis rendu compte que plusieurs noms n’y figuraient pas. ”

Comme le rappelle Ludwig Van Wonterghem, les normes ont été durcies en 2016 et le SPF Economie effectue des contrôles. ” Plus de 50 modèles de poêle ont déjà été contrôlés. Une dizaine a été retirée du commerce pour non-conformité. ” L’ATTB ne dispose pas de chiffres fiables sur l’importance du marché. Selon Ludwig Van Wonterghem, le nombre de chaudières à pellets vendues annuellement ne dépasse pas les 500 unités. Les poêles à pellets, par contre, ont nettement plus de succès. Selon les chiffres de l’ATTB, l’engouement pour les pompes à chaleur est assez faible. L’an dernier, quelque 8.500 exemplaires se sont vendus en Belgique, soit moins de 4 % du nombre total d’installations de chauffage vendues. Les installations au gaz naturel viennent en tête du classement : il s’en est vendu 190.000 en 2017, soit quasi 10 fois plus que les installations au mazout.

Remplacer les poêles

Les spécialistes voient d’un bon oeil ce projet de primes en Flandre. ” Les fabricants accordent d’ores et déjà des réductions aux clients désireux de remplacer leur ancienne chaudière. La ministre flamande veut en faire autant et c’est une bonne chose car les poêles deviennent de plus en plus performants “, estime Karel Derveaux, responsable de projet de la société coopérative Ecopower qui produit et fournit des pellets durables à ses coopérants. Si prime il y a, elle devrait varier en fonction du degré de performance du nouveau poêle ou de la nouvelle chaudière. Signalons que la Région wallonne propose déjà des primes spécifiques pour l’installation de chaudières à biomasse, ce qui n’est pas le cas en Région bruxelloise.

Comme le fait remarquer Emile Vandenbosch, la polémique sur le chauffage au bois ne date pas d’hier. ” La fumée, les odeurs et les particules fines ont toujours posé problème. Nous nous soucions évidemment de l’environnement mais selon de nombreux écologistes qui s’y connaissent, le poêle et la chaudière à pellets sont LA solution. Je n’en suis pas tout à fait convaincu. Ce qu’on brûle est-il renouvelable ? ”

Se chauffer oui, mais à quel prix ?

Se chauffer au bois oui mais …

” Certaines personnes brûlent n’importe quoi et cela pose problème, admet LudwigVan Wonterghem. Nous en sommes conscients. Le voisin qui, en réalité, incinère des déchets ménagers peut occasionner certains désagréments. Et cela fait polémique, forcément. Les utilisateurs de poêle à bois sont diabolisés alors que la combustion du bois permet d’atteindre les objectifs climatiques. ” L’origine du bois est une autre question importante. Les arbres absorbent le CO2 présent dans l’atmosphère et le libèrent lors de la combustion. Si pour chaque arbre abattu, un jeune arbre est replanté dans le cadre d’une sylviculture durable, la boucle est bouclée. ” Les chaudières à pellets à condensation de la dernière génération émettent 200 fois moins de particules fines qu’un vieux poêle et autant que les chaudières à mazout. Près de 20.000 chaudières à mazout sont vendues chaque année et personne ne s’en offusque. Les émissions de CO2 lors de la combustion de pellets sont neutres. Elles sont quasi identiques à celles de la putréfaction naturelle. Par ailleurs, les pellets sont produits localement. Le pétrole, le gaz et l’uranium, par contre, ne sont pas extraits en Belgique. ”

” Chaque habitation est différente et nécessite une solution adaptée, déclare Karel Derveaux. Le gaz naturel est généralement la solution la plus économique et est plus écologique que le mazout mais toutes les habitations ne sont pas équipées de conduites de gaz. Le remplacement d’une chaudière à mazout par une chaudière à pellets permet de réduire les émissions de CO2 de 95 %. Les émissions de particules fines ne seront pas beaucoup plus élevées. Encore faut-il prendre les mesures ad hoc pour rendre l’habitation moins énergivore. ”

95 % d’émissions de CO2 en moins grâce au remplacement d’une chaudière à mazout par une chaudière à pellets.

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