Dix questions sur la taxation des comptes-titres

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Le gouvernement vient de dévoiler les modifications apportées à sa nouvelle taxe sur les comptes-titres, après les critiques émises par le Conseil d’État. Petit tour des modalités pratiques. Du moins jusqu’à nouvel ordre.

Selon le gouvernement, la taxation des comptes-titres vise exclusivement les citoyens nantis. La nouvelle taxe a pour but d’instaurer une ” politique fiscale plus juste “. En l’absence d’un cadastre de la fortune, il est difficile de savoir qui appartient (ou pas) à la catégorie des nantis. Le seuil est aujourd’hui fixé à 500.000 euros. Le gouvernement compte engranger 254 millions d’euros grâce à cette nouvelle taxe. Mais rien n’est moins sûr.

Après avoir été recalé par le Conseil d’Etat parce que la taxe excluait de son champ d’application les personnes morales et les titres nominatifs, le gouvernement est parvenu dimanche soir à un compromis pour modifer certaines dispositions. Cette nouvelle mouture sera envoyée au Conseil d’Etat qui aura 30 jours pour répondre. Le gouvernement espère ainsi faire disparaître les critiques formulées courant du mois d’octobre. Un épargnant averti en vaut deux.

1. Qui doit payer cette taxe ?

En l’état, le projet ne concerne pas les personnes morales mais uniquement les personnes physiques, qui seraient redevables de cette taxe sur les comptes-titres. Celle-ci serait due uniquement si elles disposent d’un compte-titres d’une valeur supérieure à 500.000 euros. La taxe est due par le titulaire du compte-titres.

S’il y a plusieurs titulaires, le législateur considère que le compte appartient aux titulaires à parts égales. Si un des titulaires possède une part moindre, il ou elle devra demander au fisc le remboursement de la taxe excédentaire acquittée. S’il n’y a qu’un seul titulaire mais que les titres sur le compte appartiennent en réalité à plusieurs personnes, la taxe sera prélevée comme si le titulaire en est l’unique propriétaire. Dans le cas d’un couple marié, par exemple, il se pourrait qu’un des deux époux possède un compte-titres à son nom mais que les titres appartiennent en fait au couple.

Si un usufruit est prélevé sur le compte-titres, l’usufruitier est considéré comme l’unique titulaire, que le compte soit au nom du nu-propriétaire, de l’usufruitier ou des deux.

Les résidents belges doivent payer la taxe sur les comptes-titres belges et étrangers. Les non-résidents disposant d’un compte-titres chez un intermédiaire financier belge sont également tenus d’acquitter la taxe sur les titres placés sur le compte belge.

2. Quels titres sont concernés ?

La taxe cible les actions cotées en Bourse, et désormais également les certificats, les trackers (produits financiers négociables en bourse) et les actions non cotées en Bourse qui seront considérés comme des instruments financiers imposables. Une disposition anti-abus, afin d’éviter que des particuliers ne puissent échapper à la taxe en créant une société uniquement dans le but de sortir de son champ d’application, sera par ailleurs mise en place.

En ce qui concerne les fonds d’investissement, peu importe qu’ils soient cotés en Bourse ou non. Les fonds sont repris dans le groupe de titres imposés, à moins qu’il ne s’agisse de fonds de pension ou de fonds repris dans une assurance-vie de la branche 23.

Idem pour les obligations, qu’elles soient cotées en Bourse ou non. Les bons de caisse sont soumis à la taxe, contrairement aux comptes à terme. Les bons de caisse et les comptes à terme sont pourtant des produits très similaires. Le législateur fait aussi la distinction entre les warrants, taxés, et les options, non taxées. Les deux donnent le droit d’acheter (call) ou de vendre (put) pendant une durée déterminée des actifs à un prix préalablement fixé.

Le cash sur un compte-titres n’est pas pris en considération dans le total.

3. Les titres nominatifs sont-ils soumis à la taxe ?

A l’heure d’écrire ces lignes, le projet tient compte exclusivement des instruments financiers imposables sur les comptes-titres. Les actions nominatives, tant d’entreprises cotées en Bourse que d’entreprises non cotées, ne seraient donc pas concernées par la nouvelle taxe. Les actions nominatives sont consignées dans le registre de l’entreprise. Les certificats de fonds comme ceux de la luxembourgeoise SICAV-SIF, qui ne sont pas sur un compte-titres mais listés dans un registre à l’instar des actions nominatives, ne sont pas soumis à la taxe.

4. Combien de taxes devront payer les investisseurs ?

Le taux facial a été fixé à 0,15 % sur la valeur totale de l’ensemble des titres soumis à la taxe sur les comptes-titres. La taxe n’est donc pas prélevée uniquement sur la partie excédant 500.000 euros.

Le gouvernement compte engranger 254 millions d’euros grâce à la nouvelle taxe sur les compte-titres.

5. Quand la taxe entrera-t-elle en vigueur ?

La date du 1er janvier 2018 est toujours la dernière à avoir été avancée, mais cela dépendra en grande partie du Conseil d’Etat.

6.Comment la taxe est-elle calculée ?

La période de référence va du 1er octobre au 30 septembre de l’année suivante. La valeur moyenne des titres est déterminée en fonction de la valeur au dernier jour de chaque trimestre, sur base du dernier cours de clôture de l’instrument financier ou de la dernière valeur d’inventaire nette publique disponible pour les fonds.

Pour 2018, la valeur médiane sera calculée pour la première fois au 1er janvier (plutôt que fin décembre), fin mars, fin juin et fin septembre. En cas d’ouverture, de clôture ou de changement de titulaire du compte-titres, le jour de la modification sera considéré comme la date de référence. En cas de déménagement simultané du compte-titres et du titulaire à l’étranger, la taxe prélevée sera calculée au prorata du nombre de jours déjà écoulés de l’année en cours.

7. Que doivent faire les investisseurs ?

En principe, les banques belges prélèveront le 1er octobre une taxe libératoire sur les comptes-titres, feront la déclaration et reverseront l’argent au trésor public. Elles rendront compte au fisc des montants placés sur les comptes-titres et de la taxe prélevée.

Il incombe aux investisseurs belges possédant un compte-titres à l’étranger d’assumer eux-mêmes les démarches administratives en vue du paiement de la nouvelle taxe, à moins qu’ils ne puissent prouver que l’intermédiaire étranger a déjà prélevé la taxe, rentré la déclaration et transféré le montant au fisc.

8. Quid si l’investisseur dispose de plusieurs comptes-titres ?

Les banques ne sont pas toujours au courant des titres que leurs clients possèdent dans d’autres banques et ignorent donc si le seuil des 500.000 euros est dépassé ou non. Si un titulaire dispose de plusieurs comptes-titres dont la valeur excède vraisemblablement le seuil de 500.000 euros, il est contraint de faire une déclaration de prélèvement. Il autorise ainsi l’intermédiaire à prélever la taxe. Dans le cas contraire, il est tenu de faire une déclaration et de verser la taxe due sur le compte du service fiscal de sa propre initiative.

9. L’investisseur oublieux risque-t-il une amende ?

Absence de déclaration, non-respect des délais, déclaration imprécise ou incomplète peuvent être sanctionnés par une amende de 10 à 200 %, selon la gravité de l’infraction. Le législateur peut toutefois renoncer à l’amende en l’absence de mauvaise foi.

10. Quid si l’investisseur a payé trop de taxes ?

Si un compte-titres appartient à plusieurs titulaires, chaque titulaire possède probablement une part des titres placés sur le compte moins importante que supposé. L’investisseur doit alors introduire une ” demande de remboursement ” auprès du bureau auquel la déclaration a été adressée dans le cadre de la taxe sur les comptes-titres.

Le titulaire doit toutefois pouvoir fournir les certificats attestant de sa part légale de l’ensemble des titres. Le modèle de demande doit encore être défini par arrêté royal. Le remboursement doit être demandé dans les deux ans suivant le prélèvement de la taxe.

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