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Faut-il augmenter le précompte mobilier sur les dividendes ?

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Dans le cadre du débat relatif à la diminution du taux de l’impôt des sociétés, l’idée a été émise de coupler la réduction de ce taux à une augmentation du précompte mobilier payé par les actionnaires sur les dividendes qu’ils perçoivent.

Ainsi, le Conseil supérieur des finances (CSF), dans un avis émis par sa section Fiscalité et parafiscalité, recommande, pour ” rétablir l’équilibre par rapport à la charge fiscale actuelle qui résulte de la combinaison de l’impôt des sociétés au taux normal et du précompte mobilier “, une augmentation de ce précompte à 34 % si l’impôt des sociétés est réduit à 25 %, et à 38 % si l’impôt des sociétés est réduit à 20 %.

On peut déjà douter de la pertinence d’un raisonnement fondé tout entier sur l’idée que toute réduction d’un impôt doit s’accompagner d’une augmentation d’un autre impôt, comme s’il était définitivement impossible de réduire les recettes de l’Etat, et donc les charges des individus et des entreprises.

Le chiffre fétiche de l’Etat : 50,50 %

On peut douter de la pertinence d’un raisonnement fondé tout entier sur l’idée que toute réduction d’un impôt doit s’accompagner d’une augmentation d’un autre impôt.

En réalité, le raisonnement suivi par le CSF est le suivant : il part de l’idée que, dans le régime actuel, avec un impôt des sociétés au taux normal de 33,99 % et un précompte mobilier au taux de 27 %, l’Etat perçoit, sur les revenus distribués des sociétés, un total d’environ 50,50 %. Cela correspond à peu près à l’impôt des personnes physiques qui est dû par un indépendant percevant, sans l’intervention d’une société, des bénéfices ou des honoraires (50 % au taux marginal, plus les centimes additionnels).

Cet équilibre relatif, qui ne tient pas compte des cotisations de sécurité sociale, dues sur les revenus professionnels mais non sur les dividendes, est présenté par le CSF comme une nécessité absolue. Il est effectivement vrai que, si le taux de l’impôt des sociétés est réduit tandis que le précompte mobilier est maintenu à son taux actuel, il deviendra plus avantageux pour un indépendant, à partir d’un certain niveau de revenus, de constituer une société qui lui distribuerait des dividendes, plutôt que de percevoir à titre personnel ses revenus professionnels. Ainsi, dans le cas où l’impôt des sociétés serait réduit à 20 %, une personne créant une société, même unipersonnelle, imposée donc à 20 %, supportera sur les revenus distribués un coût fiscal total de 20 + (27 % x 80) = 41,6 %, alors que sur la dernière tranche de revenus professionnels, il aurait dû payer 50 %, plus les centimes additionnels.

Majorer pour s’y retrouver

Thierry Afschrift, professeur ordinaire à l'ULB.
Thierry Afschrift, professeur ordinaire à l’ULB.© DR

C’est cette incitation à créer des sociétés qui semble effrayer le CSF et c’est pour cette raison qu’il propose de majorer le précompte mobilier sur les dividendes (et non sur les intérêts) pour le porter à 34 ou à 38 %.

D’après ces calculs, dans ce cas, on se retrouverait alors dans une situation où il ne serait pas particulièrement intéressant de constituer une société uniquement pour bénéficier de meilleurs taux d’imposition.

Ce raisonnement est incontestablement exact dans les chiffres. On peut toutefois se demander si, pour un gouvernement qui souhaite réduire la taxation des revenus du travail et dynamiser l’économie, et qui n’a jusqu’à présent pratiquement rien fait pour réduire la charge sur le travail des indépendants, il ne serait au contraire pas préférable d’enfin réduire réellement l’impôt sur les entreprises.

Pour cela, il faut renoncer à rechercher l’équilibre budgétaire dans un maintien simultané des recettes et des dépenses, et accepter de remettre en cause le rôle de l’Etat, à la fois dans les dépenses et les recettes, en réduisant réellement l’impôt. Et c’est précisément dans le chef des petites entreprises, celles qui pourraient réellement bénéficier le plus d’une réduction de l’impôt des sociétés sans majoration du précompte, qu’il faut rechercher une meilleure attractivité.

A un moment où l’on prétend vouloir favoriser le capital à risque, on pourrait difficilement trouver un pire message qu’une majoration aussi sensible du précompte mobilier sur les dividendes, que ce gouvernement auto-proclamé ” ami des entreprises ” a déjà augmenté récemment. Il paraît difficile d’expliquer à un épargnant qu’il peut choisir entre un investissement en actions et des placements passifs, qu’il a intérêt à choisir les actions si le précompte mobilier perçu sur les dividendes qu’il payera est de 34 ou 38 %, alors qu’il n’est que de 27 % sur le placement, réputé plus sûr mais économiquement moins utile, qui produit des intérêts.

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