Michel Maus

La fiscalité doit encore découvrir la divine proportion

Michel Maus Michel Maus est avocat et professeur en droit fiscal à la VUB.

Que les épaules les plus fortes supportent les charges les plus lourdes devrait être un des principes de base de notre fiscalité. Seulement ce principe n’est pas appliqué de manière conséquente… L’avis de Michel Maus, avocat et professeur d’université en droit fiscal.

Vous rappelez-vous du chiffre 1,618 appris au cours de biologie? Ce chiffre est la représentation mathématique du nombre d’or ou de la divine proportion : une proportion régulièrement observée dans la nature. L’ADN, l’os d’un doigt, le rythme des battements du coeur, les pétales de la fleur de tournesol et les graines d’une pomme de pin, tout cela fonctionne suivant ce nombre d’or. Il est par conséquent normal que cette divine proportion ait souvent été reprise en photographie, en architecture ou en art. Des pyramides de l’Egypte ancienne jusqu’au design de l’Aston Martin DB9, en passant par la Joconde ou les bâtiments de Le Corbusier, tous sont basés sur le nombre d’or.

Le seul domaine qui doit encore découvrir cette divine proportion, c’est la fiscalité. Notre régime fiscal est devenu, au fil des ans, une vraie monstruosité. Il n’est dès lors pas étonnant que les Belges essaient massivement d’y échapper. Mais cela serait-il encore le cas si notre système fiscal était construit selon les proportions du nombre d’or?

Tous les philosophes fiscaux – de Nicolo Macchiavelli et Adam Smith à Peter Sloterdijk et Thomas Piketty – ont insisté sur l’importance de la fiscalité en tant qu’instrument de redistribution des revenus. C’est aujourd’hui un fait établi que la stabilité politique et la sécurité sont sous pression à mesure que les inégalités matérielles augmentent. C’est également un fait que la régulation de ces inégalités se fait par le biais du prélèvement fiscal, qui permet de diminuer en grande partie cette pression, du moins lorsque celui-ci est mis en oeuvre suivant le respect de l’égalité fiscale. Et c’est là que le bât blesse.

Que les épaules les plus fortes supportent les charges les plus lourdes devrait être un des principes de base de notre fiscalité. Seulement c’est loin d’être le cas. Notre régime fiscal contient tellement d’inégalités et d’exceptions que beaucoup de particuliers et d’entreprises peuvent échapper à ce principe. Pensez par exemple à la déduction des intérêts notionnels, à la déduction pour les revenus de brevets et aux excess profit rulings pour les sociétés. D’autres exemples sont l’exemption d’impôt sur la plus-value des actions et l’exemption des droits de donation pour les entreprises familiales. Le décalage entre la fiscalité des nantis et la fiscalité des plus démunis est souvent énorme.

Ne serait-il pas judicieux d’introduire un système de tarification progressive pour tous les impôts sur base du nombre d’or?

Mais imposer des taxes tellement élevées que les personnes en viennent à être dissuadées de créer une entreprise, de travailler, d’acquérir des richesses ou de consommer serait également une mauvaise option. Or là aussi, notre pays est champion.

Il est parfaitement compréhensible que la moralité fiscale en Belgique se situe en-dessous du niveau zéro. La frustration fiscale est la cause principale de notre colossale économie au noir. Notre fiscalité n’est pas belle et cela fait peur.

Pourtant, il pourrait en être autrement. Le groupe de travail Fiscalement Correct a fait une enquête l’an dernier à propos de la pression fiscale. 84% des personnes interrogées trouvaient que 40% est la limite maximale acceptable pour l’impôt des personnes. Ce qui correspond presque exactement à la divine proportion. Celui qui gagne 100.000 euros bruts conservera alors, sur base du nombre d’or, exactement 61.804 euros nets. C’est un impôt de 38,20%.

Si une telle pression fiscale est socialement acceptable, ne serait-il pas judicieux d’implémenter un système de tarification progressive pour tous les impôts sur base du nombre d’or? Les tranches et les tarifs augmenteraient de cette manière à chaque fois d’un facteur 1,618, jusqu’à 40%. Nous aurions dans ce cas des tarifs progressifs de 10, 15, 25 et 40% pour les impôts des personnes, les impôts des sociétés et les droits de succession. Nous pourrions aussi construire les tranches de revenus et de fortunes selon cette proportion.

Cela vous paraît irréaliste? Le gouvernement flamand semble déjà avoir compris ce message partiellement en réformant les droits de donation sur les biens immobiliers. Un système progressif a été mis en place, dont les tranches se suivent dans une proportion qui se rapproche fortement du nombre d’or. Il en résulte une forte hausse du nombre de donations. Il reste maintenant à convaincre les autres décideurs politiques.

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