“La taxe Tobin n’est qu’une lutte contre un symptôme”

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Selon Luc Aben, économiste en chef chez Van Lanschot, une taxe Tobin n’a de sens que dans un tax shift global. “Les mesures apparemment audacieuses ne combattent généralement que le symptôme. Cela semble être le cas de la taxe Tobin qui prétend combattre la spéculation.”

Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) désirerait abandonner l’instauration de la taxe Tobin. Pourquoi cette taxe est-elle une bonne ou une mauvaise idée ? Et sera-t-elle un jour d’application ?

Luc Aben: “Les marchés financiers jouent souvent un rôle de signal, tout comme les canaris dans les mines de charbon. Tout le monde ne trouve pas tous les signaux aussi drôles, bien sûr. Ceux qu’on appelle les ‘spéculateurs’ servent en quelque sorte de paratonnerres pour les problèmes réels sous-jacents. Les mesures qui semblent audacieuses, comme la suspension ou l’interdiction de certaines transactions, ont l’air bien. Elles ne sont pourtant qu’une lutte contre le symptôme. Cela semble également être le cas pour une taxe Tobin qui prétend combattre la spéculation. Une telle taxe pourrait peut-être bien être une nouvelle source de financement de l’Etat. Un élément d’une sorte de tax shift global, qui fait l’objet d’une quête effrénée de la part de beaucoup de gouvernements. Attention toutefois à ce que le coût final ne soit pas plus élevé que le bénéfice. De plus, il est déjà difficile de mener un débat fiscal serein et avisé au niveau national, et la taxe Tobin est éminemment internationale. Cela devient donc très difficile.”

Au Japon, les taux d’intérêt négatifs ne semblent pas opérer. Le yen est au contraire même en hausse. Que peut encore faire le pays ? Un scénario similaire est-il à craindre dans la zone euro ?

Luc Aben: “En substance, l’économie est simple: la croissance est le résultat de deux facteurs. Quelle est la proportion de la population active ? Et quel est le niveau de productivité de la production ? La population active japonaise décline déjà depuis deux décennies. Le vieillissement n’est pas un phénomène purement européen. Pour maintenir la croissance à niveau, il ne reste donc rien d’autre que l’incitation à plus d’efficacité, à une productivité plus élevée. Cela demande toutefois des réformes. Souvent de modèles profondément enracinés, contre des ‘intérêts particuliers’ et des ‘droits acquis’. Pour nous, Européens, le Japon est en un certain sens la démonstration empirique de ce qui se passerait si nous n’agissons pas de manière suffisamment structurelle et orientée vers le futur. Dans des tas de domaines. Une politique d’accompagnement largement monétaire n’a dans ce cas rien de mal. Elle donne de l’oxygène pendant les efforts. Mais les banques centrales ne peuvent pas y parvenir seules. C’est à tous les autres acteurs de la société de faire en sorte de transformer l’oxygène administré en une situation économique plus solide. Une telle remise en condition signifie souvent une rupture avec les anciennes habitudes. Egalement concernant l’organisation économique et sociale.”

En Ecosse, les nationalistes ont gagné les élections. Craignez-vous la fin du Royaume-Uni si les Britanniques choisissent une sortie de l’Union européenne lors du référendum ? Et comment un investisseur doit-il s’armer contre le tumulte sur les marchés qui peut en émerger ?

Luc Aben: “Le référendum sur le Brexit se rapproche. Les sondages indiquent un ‘close call’. Et comme si cela n’était pas encore suffisamment tendu, la nouvelle victoire électorale des nationalistes écossais ajoute une dose d’incertitude supplémentaire. Bien qu’un Brexit ne soit pas notre scénario principal, il est envisagé. Tant pour ce qui concerne le résultat que les conséquences économiques concrètes d’un éventuel Brexit et/ou d’une éventuelle indépendance écossaise. Les estimations sur l’impact économique possible divergent considérablement. Mais presque toutes prévoient un résultat négatif. Tant pour le Royaume-Uni que pour le reste de l’Europe. A côté de ces chiffres concrets, cela aurait naturellement un impact politique plus large à long terme. L’Europe, déjà paralysée et claudiquant d’une crise à l’autre, risquerait alors finalement de s’effondrer complètement. Les bourses ne trouveraient pas un tel scénario amusant. Temporairement, la recherche des refuges traditionnellement surs, comme les emprunts d’Etat allemands et américains ou l’or, semblerait alors plus raisonnable.”

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