Carte blanche

Le gouvernement adopte une augmentation d’impôt linéaire pour les indépendants en 2017

“Dans des conditions de marché identiques, l’indépendant paiera le double de majoration d’impôt que maintenant”, écrit Jef Wellens, fiscaliste chez Wolters Kluwer.

Un employeur retient chaque mois un précompte professionnel sur le salaire de ses employés. Ce précompte est un acompte sur l’impôt des employés qui leur sera facturé un an et demi à deux ans plus tard via leur avertissement-extrait de rôle. L’employeur doit retenir le précompte et le transférer de suite au fisc.

Les indépendants n’ont pas d’employeur. Sur le bénéfice d’un boulanger ou sur les honoraires d’un médecin, on ne retient pas de précompte professionnel. Ils peuvent ainsi disposer, pendant une période allant jusqu’à deux ans, de l’argent de l’impôt et récolter le rendement de celui-ci. Pendant tout ce temps, le fisc reste sur sa faim. Voilà pourquoi le système des versements anticipés a été créé.

Les indépendants peuvent, au cours de l’année, verser volontairement de l’argent au fisc à titre de versement provisionnel de leur décompte d’impôt final. S’ils ne le font pas, ils sont pénalisés par une augmentation d’impôt – techniquement, cela s’appelle une majoration d’impôt. L’impôt normalement payé par les indépendants est alors majoré d’un pourcentage qui varie en fonction du taux d’intérêt du marché.

Dans des conditions de marché identiques, l’indépendant paiera l’an prochain le double de majoration d’impôt que maintenant

La majoration d’impôt est calculée de manière à ce que, en principe, elle contrebalance le rendement en intérêts qu’un indépendant pourrait réaliser s’il ne fait pas de paiements anticipés, mais garde l’argent dans sa propre poche. Il y a ainsi harmonisation pour les employés et les indépendants.

Un employé voit son salaire mensuel immédiatement diminué et il abandonne des intérêts sur une partie de son salaire. Un indépendant ne voit pas son revenu immédiatement diminué, mais les intérêts que les caisses de l’Etat rate de ce fait sont compensés par une amende sous forme de majoration d’impôt. Cette amende, l’indépendant peut uniquement l’éviter s’il fait suffisamment de versements anticipés. C’est la logique derrière le système des versements anticipés et de la majoration d’impôt. Mais le législateur fiscal a brisé cette logique dernièrement, au détriment des indépendants.

La majoration d’impôt s’élève maintenant à 1,125%. Ce pourcentage est artificiellement élevé, car en principe, étant donné l’extrême faiblesse des taux du marché et les règles légales de l’arrondi, la majoration de l’impôt ne devrait plus être appliquée. Mais une majoration nulle est hors de question et elle est évitée chaque année par un arrêté royal spécifique qui a porté la majoration à 1,69% (pour les revenus de 2014) et à 1,125% pour les revenus de 2015 et 2016). Mais une majoration d’impôt de 1,125% semble être, pour les indépendants, un stimulant insuffisant pour encore faire des versements anticipés. Jamais les revenus de ceux-ci n’ont été aussi bas. Ne payer que 1,125% d’intérêts pour pouvoir disposer de l’argent de l’impôt deux ans plus longtemps, c’est de l’argent bon marché, raisonnent beaucoup d’entre eux. Pourquoi, dans ce cas, faire encore des paiements anticipés ? Pour le budget, c’est un méchant revers.

C’est pourquoi le gouvernement fédéral a décidé le mois dernier d’augmenter significativement la majoration d’impôt, de 1,125 à 2,25%. Ces 2,25%, c’est un tarif plancher. Cette majoration minimum de 2,25% s’appliquera pour la première fois pour l’impôt sur les revenus de 2017. La majoration est découplée du taux d’intérêt du marché. Taux d’intérêt nul ou pas, à partir de 2017, tout indépendant qui ne fait pas de versements anticipés paiera au moins 2,25% d’amende. Même si, d’un point de vue purement financier, cela ne fait pas de différence si les caisses de l’Etat disposent de l’argent aujourd’hui plutôt que deux ans plus tard, un ‘paiement deux ans plus tard’ est pénalisé d’une majoration d’impôt de 2,25%. C’est une augmentation d’impôt linéaire. Car dans des circonstances de marché identiques, l’indépendant paiera l’an prochain deux fois plus de majoration d’impôt que maintenant.

Et comment cette augmentation d’impôt nous est-elle présentée ? “Les versements anticipés seront plus intéressants à partir de 2017”, ressort-il. Oui, si l’amende pour le non-respect d’un feu rouge augmente de 100 euros, ne pas passer au rouge devient aussi plus intéressant.

Jef Wellens

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content