Donation en toute discrétion

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Il n’est pas rare que les parents ou les grands-parents qui procèdent à une donation souhaitent que, jusqu’à ce qu’il ait atteint un certain âge (18 ans, voire plus), le donataire ignore jusqu’à l’existence de la libéralité. Saviez-vous que si le bénéficiaire est mineur à la date de l’opération, la discrétion va à peu près de soi ? Mais qu’en est-il dans le cas d’un bénéficiaire majeur ?

Qu’il s’agisse de permettre à l’enfant ou petit-enfant d’économiser des droits de succession le moment venu ou de disposer d’une épargne lorsqu’il commencera à voler de ses propres ailes, la donation a le vent en poupe. Une constatation : nombreux sont les donateurs qui refusent absolument que le bénéficiaire soit informé de l’opération avant, par exemple, d’avoir atteint un certain âge ou achevé ses études. Comment satisfaire à ce souhait ?

Donation et acceptation

Sur le plan juridique, la donation est une convention entre deux parties, en vertu de laquelle le donateur (par exemple, la grand-mère) effectue un don, que le donataire (la petite-fille) accepte. Il existe un monde de différence entre la donation et le testament, lequel désigne comme bénéficiaire une personne qui peut être tenue dans l’ignorance totale de la décision prise à son profit. Mais si les parents ou grands-parents veulent que le donataire ne sache rien de leurs intentions, comment, logiquement, peut-il y avoir acceptation ? En d’autres termes, donner “secrètement” est-il possible ?

Le bénéficiaire est mineur

Donner à un bénéficiaire mineur sans que celui-ci n’en sache rien est facile : le mineur étant dit “incapable”, il ne peut accepter ou refuser lui-même le don. Ce qui ne pose en principe aucun problème puisque, contrairement à ce que l’on croit souvent, les parents et grands-parents peuvent se passer de l’autorisation du juge de paix pour accepter une donation (de préférence, exonérée de charge) au nom de l’enfant ou petit-enfant mineur (art. 935, alinéa 3 du Code civil). Attention : la loi ne fait dans ce cadre référence qu’aux “ascendants”, ce qui signifie que les autres membres de la famille (oncles, tantes, frères et soeurs) ne sont pas habilités à accepter la donation au nom de leur neveu/nièce ou frère/soeur mineur. Quant au parent ou au grand-parent à l’origine de la donation, il ne peut pas davantage procéder à l’acceptation : celle-ci doit nécessairement être le fait de l’autre parent ou grand-parent.

Discrétion assurée, y compris après le 18e anniversaire

Souvent, le donateur souhaite que la discrétion soit préservée un certain temps encore après la majorité du donataire. Une clause de discrétion insérée dans l’acte peut obliger les représentants légaux (les parents) à se taire jusqu’à ce que le bénéficiaire ait par exemple atteint l’âge de 23 ans. S’il s’agit d’un don manuel ou bancaire, la clause de discrétion peut être prévue dans le pacte adjoint, les lettres recommandées, voire dans un document distinct. Sachez toutefois qu’il n’est pas impossible que le donataire apprenne accidentellement qu’il détient un compte d’épargne, un compte-titres ou autre : la banque pourrait très bien avoir expédié à son nom un courrier relatif à ses placements, son extrait de compte annuel, une lettre relative au réinvestissement de titres arrivés à échéance, etc. En tout état de cause, la création d’une société civile ou l’insertion d’une clause d’interdiction d’aliénation temporaire dans l’acte notarié l’empêchera d’accéder aux fonds avant l’échéance fixée. Mais, donc, pour que les choses s’opèrent en toute discrétion, il ne suffit pas que la donation en elle-même ne s’ébruite pas, il faut aussi pouvoir en intercepter les indices indirects. Evitez par conséquent de donner des titres d’une durée limitée (de type obligataire), qu’il faudra réinvestir passé un certain délai.

Donner discrètement à un bénéficiaire déjà majeur

Si le bénéficiaire est majeur au moment de la donation, il sera plus difficile de rester discret, puisque c’est en principe à lui qu’il incombe de procéder à l’acceptation. Cela dit, préserver une certaine confidentialité n’est pas impossible. Le donataire majeur peut en effet charger un mandataire d’accepter pour son compte une donation, voire même toute donation future ; il sait alors certes qu’une donation sera peut-être, un jour, effectuée à son profit, mais il en ignore la nature et le montant, de même que la date de l’opération. Cette façon de procéder exige naturellement une certaine collaboration de sa part : le mandat ne peut être accordé que devant notaire. Par contre, si la donation (mobilière) est effectuée devant un notaire néerlandais, un mandat sous seing privé suffit, ce qui facilite naturellement les choses. Ici aussi, il convient de veiller à ce que le bénéficiaire n’apprenne pas de manière indirecte qu’une donation a été effectuée à son profit, pas plus que son montant.

JOHAN ADRIAENS

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