Inclusio, première société immobilière à vocation sociale, à faire son entrée à la bourse de Bruxelles

Inclusio : " rentabilité et engagement social sont parfaitement compatibles ". "
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Inclusio vient rejoindre le groupe des sociétés immobilières règlementées cotées à la bourse de Bruxelles. Aujourd’hui, il y en a dix-huit au total, mais Inclusio est unique en son genre. La société investit dans des habitations qu’elle loue à des sociétés de logements, des agences immobilières sociales ou des CPAS.

Trends Tendances sélectionne des histoires et des thèmes qui bouleversent les codes. Inclusio mérite ce label, car elle se bat pour résoudre le problème des logements abordables pour les plus vulnérables.

Inclusio entrera potentiellement en bourse le 10 décembre, et propose 2,8 millions d’actions pour 21,4 euros pièce à partir d’aujourd’hui. La société immobilière souhaite ainsi récolter environ 60 millions d’euros auprès de petits et grands investisseurs. Certains grands investisseurs ont déjà fait connaître leur intérêt, en injectant un total de 10,5 millions d’euros. La période de souscription se terminera le 7 décembre à 16 heures pour les petits investisseurs et le 8 décembre à la même heure pour les grands. Degroof Petercam et Belfius sont impliquées dans cette introduction en bourse en tant que banques. Les investisseurs peuvent trouver plus d’informations sur les risques et les avantages éventuels associés à la décision d’investissement dans le prospectus.

Inclusio espère pouvoir utiliser le rendement de cette entrée en bourse pour élargir son portefeuille. Celui-ci est principalement composé de logements abordables en location et d’infrastructures sociales, comme des écoles et un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Le 31 août, son portefeuille a été évalué à 141 millions d’euros.

Ce qui rend Inclusio unique, c’est sa mission sociale. En raison de la grande attention portée actuellement au réchauffement climatique, beaucoup de personnes associent investissement socialement responsable et investissement dans l’énergie verte. Mais la durabilité ne se résume pas à l’écologie. L’économie circulaire entre également dans cette catégorie, tout comme de nombreux thèmes sociaux comme l’égalité des genres et la lutte contre la pauvreté. Grâce à l’entrée d’Inclusio à la bourse de Bruxelles, les investisseurs engagés pourront bientôt se lancer dans cette dernière catégorie.

Impact positif

“Après trois levées de fonds, cela pourrait être une étape importante pour notre trajectoire de croissance et pour développer notre mission sociale à grande échelle”, explique Xavier Mertens, le CEO d’Inclusio, qui passera le flambeau à Marc Brisack en janvier. “En plus d’attirer davantage de capitaux, une cotation en bourse en tant que société? immobilière règlementée nous apportera d’autres avantages en termes de fiscalité et de comptabilité, ce qui nous permettra dorénavant de reverser une partie des bénéfices à nos actionnaires.” Les sociétés immobilières règlementées (SIR) doivent légalement distribuer au moins 80 % de leurs bénéfices.

Selon Xavier Mertens, il est erroné de croire qu’une entrée en bourse met l’accent sur le côté commercial d’Inclusio. “Je comprends que beaucoup de personnes considèrent encore rendement et engagement social comme des concepts diamétralement opposés, mais des entreprises comme la nôtre prouvent qu’ils sont parfaitement compatibles. Notre mission ne changera pas après l’entrée en bourse : mettre des logements abordables à la disposition de ceux pour qui le marché privé est trop couteux.”

XAVIER MERTENS
XAVIER MERTENS “Chacun de nos appartements apporte une solution à une situation individuelle”© Kristof Vadino

Il suffit de jeter un oeil aux listes d’attente des logements sociaux pour voir que chaque appartement disponible est le bienvenu. “Nous voulons élargir notre portefeuille d’immeubles et offrir plus de solutions aux personnes qui en ont vraiment besoin. Attirer plus de capitaux grâce à la bourse n’est pas en contradiction avec la raison d’être d’Inclusio, loin de là. Tous nos immeubles sont destinés à être des logements sociaux. Plus nous grandissons, plus notre impact positif sur la société grandit également” explique le CEO.

La mission principale d’Inclusio est de proposer des logements abordables, mais la société s’implique également pour d’autres groupes de population vulnérables. 80 pour cent de ses immeubles sont loués comme logements abordables. “Nous voulons qu’au moins un quart de ces 80 pour cent reviennent à des personnes ayant d’autres difficultés en plus de problèmes financiers. À des personnes porteuses d’un handicap physique ou psychique, par exemple, ou des personnes sans domicile fixe. Nous veillons à ce que les sociétés de logement avec lesquelles nous travaillons collaborent activement avec des ASBL qui soutiennent ces personnes.”

Les 20 pour cent restants sont loués comme infrastructure sociale, ou au secteur handicap. La Croix Rouge utilise notamment un des immeubles comme centre d’accueil pour les femmes et les mineurs demandeurs d’asile.”

Les plus vulnérables

Travailler avec des sociétés de logements sociaux permet à des propriétaires comme Inclusio de prendre moins de risques, car ce sont les sociétés qui paient le loyer et qui garantissent que l’habitation soit rendue dans son état initial. Le revers de la médaille est que le propriétaire n’en tire pas le meilleur parti. “Nous proposons des loyers bien inférieurs à ceux du marché et nous louons nos immeubles pour de plus longues périodes” précise Xavier Mertens. “Cela permet à nos partenaires publics, qui louent les habitations à leur tour à des personnes financièrement vulnérables, d’offrir une sécurité à leurs locataires. Alors que la durée par défaut d’un bail est d’environ 9 ans, nous en proposons au minimum 15, et parfois 25 voire 27.”

En Région bruxelloise, les loyers d’Inclusio sont environ 25 à 35 % inférieurs au prix du marché. “Cela signifie que pour appartement coutant 825 euros par mois sur le marché privé, nous demandons environ 600 euros”, explique le CEO. Comme les sociétés de logements sociaux reçoivent également des subsides, les locataires paient encore moins. En reprenant mon exemple, le loyer final sera d’environ 475 euros. En Flandre et en Wallonie, les sociétés de logement sont libres d’établir le loyer qu’elles demandent, mais en général, la diminution du prix est la même.”

Pas de rentabilité excessive

La direction vise un rendement sur dividende brut d’environ 2 pour cent. “Nous ne cherchons pas à faire des bénéfices extraordinaires, mais notre objectif est tout de même que nos investissements soient rentables”, précise Xavier Mertens. “C’est la seule façon d’obtenir un business model évolutif. Inclusio est une des sociétés qui contrecarrent une problématique sociale profonde. Et même si, à nous seuls, nous ne mettrons pas un terme à la problématique des logements inabordables, chacun de nos appartements apporte une solution à une situation individuelle”. La société immobilière belge moyenne verse des dividendes au montant plus élevé par rapport à sa valeur boursière qu’Inclusio n’a l’intention d’en verser au cours du premier exercice. Si nous n’incluons dans la comparaison que les autres sociétés immobilières qui se concentrent sur l’immobilier résidentiel, le rendement net des dividendes d’Inclusio, s’élevant à 1,4 %, est déjà inférieur à la moyenne. Les investisseurs paient un précompte mobilier de 30 % sur les dividendes. Inclusio ne bénéficie pas du taux réduit de 15 % qui s’applique aux sociétés immobilières versées dans la santé (pour au moins 70 % de leur portefeuille).

Inclusio en résumé.

Fondée en 2015 par Revive, Degroof Petercam et Kois Invest.

Combinaison d’actionnaires publics et privés, dont le fonds fédéral FIF-SFI, la SRIW (société régionale d’investissement de Wallonie), les assureurs Belfius et Integrale.

Portefeuille immobilier de 141 millions d’euros : 123 millions de biens existants et 18 millions de biens en développement, ce qui équivaut à 898 bâtiments existants.

Titulaire de la certification B Corp octroyée aux entreprises avec un impact positif sur la société.

Modèle rêvé

Selon Xavier Mertens, Inclusio ne joue pas le rôle qui incombe aux autorités. Il trouve irréaliste de demander au gouvernement de résoudre à lui seule le problème des logements abordables : “La construction d’un immeuble de logements sociaux peut rapidement couter 200 000 euros. Avec plus de 150 000 personnes sur la liste d’attente en Flandre et une dette flamande de 24 milliards, c’est purement irréalisable.”

Pour le CEO d’Inclusion, le modèle rêvé serait une collaboration saine entre les autorités et les acteurs privés. “Nous fournissons une infrastructure à un prix abordable, mais le côté politique reste dans les mains du gouvernement, via les sociétés de logement, les agences immobilières sociales et les CPAS. Ce sont les autorités qui établissent les critères auxquels une personne doit satisfaire pour pouvoir faire appel à une société de logement.”

Selon lui, les autorités peuvent assumer un rôle de guide encore plus important. “Lorsque le gouvernement vend un de ses propres sites ou bâtiments, il peut par exemple imposer comme condition dans le contrat que le bien vendu doit avoir (en partie) une fonction sociale”, explique-t-il. De plus, dans le cadre de projets plus importants, les autorités peuvent également obliger les promoteurs immobiliers à en dédier une partie à des logements abordables.”

Euronext Bruxelles : plus un, moins deux

L’arrivée d’Inclusio apporte un peu de fraicheur à la bourse de Bruxelles. Euronext Brussel voit également deux autres entreprises la quitter. Au début de la semaine dernière, la société d’investissement des familles d’entrepreneurs Donck et Desimpel (3D Investors) a lancé une offre pour la société de communication Zenitel. Il s’agit de la deuxième offre publique d’achat concernant une société belge en moins d’un mois. En octobre, la famille Sioen a annoncé son intention de retirer son entreprise textile de la bourse. Pour Zenitel, la prime sur le dernier cours — in tempore non suspecto — s’élève à 38 %. Les investisseurs qui proposent leurs actions dans le cadre de l’offre reçoivent 22,75 euros par action. Pour Sioen, la prime monte à seulement 26 pour cent. Il est marquant de constater que ces dernières années, les nouveaux arrivants sont principalement issus des secteurs médical et immobilier, alors que les entreprises familiales, essentiellement industrielles, s’effacent sur la scène boursière. Ce n’est pas étonnant. La bourse est avant tout un moyen d’obtenir de l’argent rapidement afin de se développer. Pour les entreprises technologiques, biotechnologiques et immobilières, qui ont constamment besoin d’argent pour avancer, la bourse offre de nombreux atouts. Pour une entreprise qui se développe lentement et qui peut également recevoir des financements en dehors de la bourse, une cotation entraine principalement des couts et des obligations d’information.

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