Actions immobilière: une correction bienvenue…

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Plombées par la remontée des taux et le scandale Orpea touchant les maisons de repos, les actions immobilières sont à la traîne, surtout en Belgique. Cette correction offre des opportunités dans certains segments. On fait le point avec trois spécialistes.

Malgré leur réputation de valeurs défensives, les sociétés immobilières n’ont pas échappé à la récente chute des Bourses déclenchée par la remontée des taux. Les spécialistes de l’immobilier de santé, comme Aedifica et Cofinimmo, ont même fortement corrigé à la suite du scandale Orpea.

Pour Sandra Vandersmissen, senior equity specialist chez BNP Paribas Fortis Private Banking, la hausse de l’inflation et des taux ne constitue toutefois pas une source d’inquiétude majeure pour l’immobilier coté. “La valeur de l’immobilier physique dans les bilans des sociétés immobilières devrait se maintenir pour quatre raisons. D’abord parce que les loyers sont indexés et que la différence entre les taux réels négatifs ( taux de référence diminués de l’inflation, Ndlr) et le rendement locatif reste suffisamment importante (et supérieure à la moyenne historique). Ensuite, parce que la valorisation de l’immobilier dans le bilan reste assez conservatrice, surtout pour les sociétés immobilières réglementées (SIR) belges. Enfin, parce que le coût de la dette est figé ( par des prêts à long terme ou des instruments spécifiques, Ndlr) pour la majorité des acteurs, ce qui protège leur compte de résultats de la remontée des taux.”

Sébastien Lippens, cofondateur et responsable de la gestion privée de Sepiam, relativise également l’impact de la remontée des taux et de l’inflation. “A notre avis, l’immobilier devrait bien mieux résister que les autres actifs cotés (en particulier les obligations) si l’hypothèse d’une inflation modérée se confirme. Evidemment, ce ne sera pas le cas en cas d’hyperinflation, mais ce n’est pas notre scénario actuel.”

Le gestionnaire rappelle en outre qu’aux “Etats-Unis, lors des quatre dernières phases de remontée des taux recensés depuis 1990, le segment des REIT (l’équivalent des SIR en Belgique) a affiché une performance positive”.

La vie après Orpea

Les analystes sont par contre plus prudents concernant les répercussions du scandale Orpea. On le sait, les pratiques de l’exploitant français de maisons de repos ont été mises en cause dans un livre, Les Fossoyeurs, signé du journaliste Victor Castanet. Depuis, le groupe fait face à une succession de plaintes.

“Orpea représente actuellement approximativement 6% des loyers chez Aedifica et Cofinimmo, mais ne figure pas parmi les principaux locataires de Care Property Invest”, précise Herman van der Loos, equity analyst chez Degroof Petercam. Evidemment, “avoir des locataires en difficulté n’est jamais souhaitable pour un propriétaire et les dysfonctionnements constatés chez Orpea créent bien sûr une ambiance délétère pour l’ensemble du secteur des soins de santé en Bourse”.

Les cours des SIR de santé ont ainsi baissé dans le sillage d’Orpea, qui a perdu 57% (à l’heure d’écrire ces lignes) depuis le 24 janvier et les premiers articles parus sur l’affaire. Une baisse constatée aussi chez son grand concurrent Korian: -35%. Selon Herman van der Loos, “on ne peut pas exclure que l’attitude des investisseurs soit, par amalgame, moins favorable pour ces SIR (réputation du secteur, impact sur l’évaluation ESG, etc.). Un impact financier tel qu’une perturbation des flux de loyers semble toutefois peu vraisemblable, car les SIR sont uniquement propriétaires et n’exploitent pas les maisons de repos, et les baux sont solides (long terme, indexés, maisons de repos louées en bloc). Et puis la concurrence est vive entre opérateurs pour les meilleurs sites et surtout les besoins sont considérables en raison du vieillissement de la population”.

Un constat que partage globalement Sandra Vandersmissen qui épingle que “l’affaire Orpea concerne avant tout la France où les normes de qualité pour les exploitants de maisons de retraite seraient inférieures à celles de la moyenne européenne”. L’analyste de BNP Paribas Fortis estime toutefois que “le marché applique une prime de risque plus élevée aux acteurs de l’immobilier de santé. Par conséquent, nous ne nous attendons pas à une reprise rapide et solide”.

Pour Sébastien Lippens, si ” le cours continue de baisser dans les prochaines semaines par contagion, cela peut offrir des points d’entrée intéressants” pour des sociétés comme Cofinimmo, Aedifica et Care Property Invest.

Logistique - Le segment reste porteur: 138 millions de m2 d'espace de logistique devraient être développés dans le monde sur la période 2021-2025.
Logistique – Le segment reste porteur: 138 millions de m2 d’espace de logistique devraient être développés dans le monde sur la période 2021-2025.© getty Images

Segments “value” et de croissance

Mais quid des autres segments immobiliers? Sandra Vandersmissen rappelle le distingo à faire “entre valeurs de croissance et de type value. Dans le secteur immobilier, les valeurs de croissance cotent au-delà de leur valeur intrinsèque VAN ( valeur du parc immobilier moins les dettes, Ndlr) et avec ratio cours/bénéfice courant (hors plus-value) élevé”.

La remontée des taux a eu un impact sur la valorisation et les objectifs de cours de ces valeurs de croissance. “Cela a engendré quelques corrections nécessaires, notamment dans le secteur de la logistique.” Par ailleurs, le renchérissement des coûts de financement et de construction pourrait aussi freiner la croissance de ces sociétés immobilières.

“Du côté des sociétés immobilières value, nous ne voyons pas de raison pour une correction, poursuit l’analyste de BNP Paribas Fortis. Trois segments cotent en dessous de la valeur de leur parc, à savoir l’immobilier du secteur de la distribution, les bureaux et le segment résidentiel allemand.” Récemment, le “flux de nouvelles a par ailleurs été plutôt positif pour l’immobilier de bureaux, notamment en Scandinavie, à Londres et pour NSI aux Pays-Bas”.

Logistique en avant

Tout particulièrement en vue ces dernières années, le segment logistique profite avant tout du développement de l’e-commerce. Selon le conseil en immobilier d’entreprise CBRE, chaque milliard de dollars de ventes en ligne supplémentaire nécessite 1 million de pieds carrés (ou 92.903 m2) d’espaces logistiques en plus. Au total, 138 millions de m2 devraient ainsi être développés dans le monde sur la période 2021-2025.

Sébastien Lippens demeure donc favorable à ce segment. “Chez Sepiam, nous continuons à privilégier les valeurs de la logistique, moins sensible à la hausse des taux que l’immobilier résidentiel. En plus, il s’agit du segment le plus dynamique en termes de croissance des bénéfices et du chiffre d’affaires. Dans un contexte où l’inflation redémarre, le pricing power ( capacité de fixation des prix, Ndlr) de ces acteurs est un atout indéniable.”

Autre avantage pour l’investisseur belge, il a le choix parmi plusieurs immobilières en Belgique. Vous évitez ainsi le double précompte qui plombe la plupart des investissements dans leurs homologues étrangères. WDP est même un acteur de référence européen du segment avec des entrepôts bien situés et efficaces sur le plan énergétique en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, en France, en Allemagne et en Roumanie. La récente correction du titre a ramené son rendement de dividende estimé pour 2021 à 1,7% net.

Montea est aussi uniquement actif dans le segment logistique et a connu une nette accélération de son développement ces dernières années. La société privilégie les entrepôts de qualité en Belgique, aux Pays-Bas et en France. Pour 2021, le rendement de dividende est de 1,8% net.

Historiquement plus actif dans les bureaux, Intervest Offices & Warehouses s’est repositionné dans les entrepôts qui représentent désormais 65% du portefeuille. Le dividende prévu pour 2021 (1,53 euro brut) correspond à un rendement net de 3,9%. L’accélération de son développement pourrait permettre à Intervest de bénéficier d’une revalorisation en Bourse.

Originaire de Tchéquie, VGP n’est, elle, pas une SIR puisqu’elle est aussi très impliquée dans la promotion. La société dispose néanmoins d’une centaine d’entrepôts dans 12 pays européens et a fortement accéléré son développement avec notamment une nouvelle levée de fonds de 300 millions d’euros en novembre. Les perspectives de croissance sont donc importantes, mais l’investisseur doit se contenter d’un rendement de dividende estimé de 1,2% net pour 2021.

Approche diversifiée

Sandra Vandersmissen recommande de diversifier les positions en actions immobilières. “Un portefeuille équilibré entre les actions value et de croissance est la meilleure idée. Nous apprécions donc des acteurs actifs dans l’immobilier commercial (de préférence la distribution alimentaire), dans les bureaux avec une faible valorisation (ce qui peut être le cas à Londres) ou encore l’immobilier logistique (tous pays confondus) sur correction. Pour compléter et arriver à une meilleure diversification, des valeurs qui disposent des baux à court terme sont aussi indiquées car une duration plus courte est mieux adaptée à un environnement de remontée des taux. Citons ainsi le stockage, les kots étudiants ou certains pans de l’immobilier de bureaux comme Workspace Group.”

Herman van de Loos, de Degroof Petercam, privilégie aussi une approche diversifiée et sélectionne “des opportunités intéressantes dans chaque segment. En logistique, mes valeurs favorites sont des sociétés moins connues telles que VGP, Argan et Intervest Offices & Warehouses. Et les baisses de cours des SIR de santé peuvent être vues à mon sens comme des opportunités en privilégiant Care Property Invest et Cofinimmo. Mes valeurs favorites dans les bureaux et l’immobilier commercial, deux secteurs plus difficiles en cette période de post-pandémie, sont respectivement NSI et Retail Estates”.

Afin d’atteindre la diversification nécessaire et de ne pas être limité géographiquement par l’impact du double précompte, Sébastien Lippens conseille en outre l’option du fonds. En Belgique, “nous avons lancé en 2018 des mandats de gestion dédiés aux sociétés immobilières européennes cotées. Nous avons ensuite créé un FIC immobilier chez notre partenaire OneLife en 2019. Ce fonds nous permet d’implémenter notre stratégie sur les différents sous- secteurs de l’immobilier. Fin 2021, il affichait une progression de 48% depuis la date de lancement (10 juillet 2019).”

Parmi les fonds plus classiques, DPAM Invest Real Estate Europe Dividend Sustainable B obtient une des meilleures notes de Morningstar (quatre étoiles, code ISIN BE6213829094, rendement annualisé de 9,93% sur 10 ans) au niveau européen. Pour les fonds mondiaux, le fonds Axa World Funds Framlington Global Real Estate Securities A EUR (quatre étoiles, ISIN LU0266012235, rendement annualisé de 8,49% sur 10 ans) est bien noté par l’agence.

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