Faut-il délaisser les valeurs de croissance américaines?

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Depuis le mois de juillet, les stratégies “value” ont redressé le nez. Le signe d’un changement de paradigme sur le marché américain ?

Investir sur les valeurs technologiques américaines s’est avéré être la stratégie gagnante sur les cinq dernières années, avec l’émergence de nouveaux géants mondiaux disposant d’une situation de quasi-monopole. Dans leur ombre, les stratégies value sont restées nettement en retrait, même si la plupart des grands fonds value exposés en actions américaines ont affiché une performance annualisée supérieure à 10 %. Pour rappel, un gestionnaire value va s’exposer sur des valeurs affichant des décotes très importantes par rapport au reste du marché et pour lesquelles les gestionnaires sont convaincus que cette décote n’est pas justifiée sur le long terme.

Historiquement, les stratégies value ont surperformé les stratégies ” croissance ” pendant de longues périodes, tandis que l’inverse a également été vrai lors des périodes de disruption technologique. Les gestionnaires value vont typiquement être contrariants en tablant sur un retour à la normale sur le long terme, et vont chercher à acheter ce que tout le monde vend ou à vendre ce que tout ce que le monde cherche à acheter.

Peter Langerman (Franklin Templeton):
Peter Langerman (Franklin Templeton): “La volatilité est une opportunité, particulièrement lorsque le marché réagit sur des événements techniques de court terme.”© PG

Déceptions

En tête de ce groupe de fonds, nous trouvons M&G North American Value Fund avec la meilleure performance sur cinq ans et une progression annualisée moyenne supérieure à 15 %. ” L’objectif du fonds est d’investir dans des entreprises bon marché et délaissées, dont le cours actuel ne reflète pas vraiment la valeur sous-jacente de l’entreprise “, souligne Daniel White, le gestionnaire. Le portefeuille est constitué d’environ 80 positions avec une durée de rétention de trois à cinq ans. Parmi les principales positions du fonds, nous trouvons actuellement des titres tels que Johnson & Johnson, Pfizer, JP Morgan, Merck, Chevron, Comcast, Citigroup, Comcast, Fedex ou Exelon, avec un rapport cours/bénéfice du portefeuille (12,6 fois les bénéfices) significativement inférieur au ratio affiché par l’indice S&P500 (15,7 fois les bénéfices).

Il souligne que ” l’économie américaine continue d’être particulièrement dynamique, avec des résultats qui ont généralement dépassé les attentes des analystes durant le second trimestre 2018. Pour autant, les coûts de financement et les pressions inflationnistes sont en hausse, et trois des grands noms de l’industrie technologique (Netflix, Twitter, Facebook) ont annoncé des résultats trimestriels inférieurs aux attentes “. Il souligne également que le plongeon de Facebook à la fin juillet a provoqué des sorties massives de capitaux de ce secteur.

Daniel White (M&G):
Daniel White (M&G): “Netflix, Twitter et Facebook ont annoncé des résultats trimestriels inférieurs aux attentes. “© PG

Ecart de valorisation

” Cet événement a démontré à quel point il est dangereux de bâtir une stratégie d’investissement sur quelques grands noms, souligne encore Daniel White. Nous sommes désormais plus inquiets quant à une répétition du désastre des dot.com, même si le secteur est aujourd’hui financièrement plus solide qu’à l’époque. Il faut noter que les problèmes boursiers de Facebook ne proviennent pas du scandale de Cambridge Analytics mais bien des interrogations sur la croissance future et sur les marges bénéficiaires. Une croissance très élevée est insoutenable sur le long terme, et une valorisation élevée rend ces valeurs particulièrement vulnérables. ”

Il souligne que, depuis l’année 2000, l’écart de valorisation a rarement été plus important entre les 25 % des sociétés valorisées les plus chèrement et les 25 % valorisées les meilleur marché. ” La fébrilité des valeurs technologiques a donné le leadership aux stratégies value sur les dernières semaines et nous pensons que ce changement de paradygme pourrait se pousuivre au vu de la valorisation des actions de croissance qui reste particulièrement élevée aux Etats-Unis. ”

Même au niveau du secteur technologique (qui est nettement sous-pondéré dans son fonds par rapport à son poids dans l’indice S&P500), le fonds de M&G donnera la préférence aux sociétés valorisées de manière attractive. ” En outre, le retour à une politique monétaire plus traditionnelle va donner l’avantage aux sociétés solides financièrement. Au final, les fondamentaux d’une action restent plus importants que les manchettes des journaux. ”

Retour à la normale

Chez Franklin Templeton, le gestionnaire du fonds Franklin Mutual US Value Fund, Peter Langerman, estime également que les stratégies value devraient rester sur le devant de la scène durant les prochains mois. ” Nous pensons que les développements macroéconomiques aux Etats-Unis pourraient être le catalyseur de ce changement après plusieurs années de performances inférieures, dit-il. Le retour vers des conditions de marché plus normales, avec un retour de la volatilité et des taux d’intérêt plus élevée, devraient entraîner un équilibre plus naturel entre les performances des actions de croissance et celles des actions value.

Il souligne également que les stratégies value ont tendance à se reprendre très rapidement lorsque le contexte change et que cet ajustement est traditionnellement d’autant plus rapide que les écarts de valorisation sont importants. La stratégie s’expose notamment sur des titres tels que Medtronic, Eli Lilly, Merck, JP Morgan, AIG, Walt Disney, Wells Fargo ou Cisco Systems. ” La volatilité est une opportunité pour nous, particulièrement lorsque le marché réagit sur des événements techniques de court terme alors que nous restons concentrés sur des éléments fondamentaux de long terme. Nous préférons nous concentrer sur des éléments susceptibles d’avoir un impact prolongé sur les valorisations plutôt que sur des effets d’annonce qui peuvent être annulés du jour au lendemain, et sur lesquels les investisseurs vont avoir tendance à réagir de manère épidermique. ”

Peter Langerman indique qu’il faudra rester attentif à la manière dont la Réserve fédérale va resserrer ses taux. Si elle se montre trop prudente, elle risque d’être forcée d’adopter un rythme de révision plus rapide dans le futur, en particulier si les tensions inflationnistes deviennent plus prononcées. ” En général, nous considérons qu’une hausse contrôlée des taux devrait être un élément positif en tant que signe d’une activité économique plus soutenue “, et de souligner que le secteur financier devrait être un des principaux bénéficiaires d’un tel environnement.

Faut-il délaisser les valeurs de croissance américaines?

Résilience

Un des fonds value les plus performants sur le marché américain a été traditionnellement Fidelity America Fund, une stratégie gérée par Angel Agudo et qui a affiché la meilleure performance de notre échantillon depuis le début de l’année. Cette stratégie vise des sociétés sous-évaluées qui ont un potentiel de redressement important, avec une attention particulièrement accordée à la solidité financière des sociétés. ” Si nous pensons que le modèle d’entreprise est particulièrement résilient, notre conviction en sera d’autant plus importante et nous aurons tendance à accorder une pondération plus importante à ces sociétés. ”

Dans son récent rapport de recherche sur le fonds, Lena Tsymbaluk, analyste chez Morningstar, souligne que le fonds de Fidelity reste une ” alternative attirante pour s’investir sur les actions value au niveau du marché américain, avec un gestionnaire talentueux soutenu par une équipe de 18 analystes “. Fidelity America Fund comporte une cinquantaine de positions, avec une faible rotation, et est positionné sur des noms tels que Berkshire Hathaway, Oracle, Fairfax, Bank of New York Mellon, Wells Fargo, Pfizer, Abbott Labs, Exelon ou Cisco Systems.

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