Infrastructures: des actions pas toujours défensives

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Le secteur des infrastructures est réputé moins sensible aux aléas conjoncturels que la moyenne. Le confinement engendré par la crise du coronavirus est toutefois d’une nature exceptionnelle et certaines digues ont sauté…

L’univers des entreprises actives dans les infrastructures est franchement sécurisant, analyse Denise Kissner, senior investment specialist chez DWS, le gestionnaire de fonds allemand : en 2009, année de déroute s’il en est, les bénéfices ont poursuivi leur croissance dans le secteur alors qu’ils reculaient sérieusement au niveau global. Et leur évolution est beaucoup moins heurtée : sur les 20 dernières années, elle affiche une volatilité de 11 % à peine pour l’infrastructure contre 24 % pour l’ensemble des entreprises cotées.

La résilience des télécoms

Même caractère défensif au niveau des cours de Bourse, révèle l’étude des cycles économiques depuis 1973. Le secteur performe légèrement mieux que la moyenne en début de cycle (+2 %), un peu moins bien en milieu de cycle (-1 %), mais il surperforme de plus de 5 % tant en cycle baissier (+14,6 % contre +9,4 %) qu’en période de récession (-5,1 % contre -10,2 %).

Le fonds DWS Invest Global Infrastructure en fait une belle démonstration, avec un repli limité à -6,8 % depuis le début de l’année, soit moitié moins que son indice de référence. Il était toutefois resté un peu à la traîne les années précédentes.

Son portefeuille s’appuie sur quelques grosses positions en ” valeurs sûres “. Ainsi Crown Castle en représente-t-il pas moins de 10 % et American Tower 9,35 %. Ces deux entreprises américaines, qui ont le statut de fonds immobilier, possèdent et exploitent des pylônes et autres immeubles servant de relais pour les opérateurs de téléphonie mobile. Aux Etats-Unis exclusivement pour la première, qui vaut 64 milliards à Wall Street. American Tower, lui, est aussi présent en Amérique latine et en Inde, ainsi qu’en Afrique et en Allemagne. Il emploie moins de 6.000 personnes mais pèse plus de 100 milliards de dollars !

Renforcement dans l’énergie

Performance fort satisfaisante aussi pour le Global Listed Infrastructure de M&G Investments, qui limite les dégâts à -10,7 % à fin avril, après une performance 2019 époustouflante : +36,7 %. Le portefeuille est assez axé sur l’énergie, avec pour principaux postes l’italien Enel, les canadiens Gibson Energy et Enbridge (services pétroliers), ou encore ContourGlobal, producteur d’électricité dans 18 pays, dont le Kosovo et le Rwanda. Cette dernière position a été acquise en avril, comme China Gas Holdings, après deux autres en mars. Le fonds a en effet réalisé plusieurs achats et renforcements (Oneok, transport de pétrole aux Etats-Unis), en profitant de la chute générale des cours. ” Si l’énergie et les transports ont été les secteurs les plus touchés par la crise à court terme, ils sont bien positionnés pour compenser dans le monde post-Covid-19 “, explique le gestionnaire Alex Araujo. Par ailleurs, ces utilities (services publics) offrent des dividendes plus stables que le transport, d’où le renforcement du fonds sur ces valeurs.

Si l’énergie et les transports ont été les secteurs les plus touchés par la crise à court terme, ils sont bien positionnés pour compenser dans le monde post-Covid-19. ” Alex Araujo (M&G Investments)

” Les infrastructures sont soutenues par de véritables tendances à long terme qui devraient durer de nombreuses années. Il est peu probable que la tendance à long terme vers les énergies renouvelables ou la connectivité numérique soit interrompue par des cycles économiques à court terme “, conclut le gestionnaire.

L’Europe du Sud, plus que jamais

Vraiment défensives donc, les infrastructures ? Voire. Le confinement a brutalement mis les économies en léthargie. Si les valeurs télécoms en ont profité, les opérateurs d’infrastructures aéroportuaires ont bu la tasse. L’action ADP (Aéroports de Paris, opérateur ou assistant technique sur plusieurs dizaines de sites), qui valait encore 177 euros au début février, avait plongé à 71,65 euros le 17 mars (-59,6 %) et le rebond qui a suivi fut éphémère.

Cette déroute fut particulièrement marquée en Europe du Sud, ce qui a fort pesé sur le fonds Beyond Infrastructure & Transition du gestionnaire DNCA Invest. ” Le fonds a clairement pâti de sa sous-pondération sur le secteur des télécoms (environ 20% contre plus de 35% pour l’indice MSCI Europe Infrastructure), de son positionnement géographique sur la France et l’Europe du Sud (environ 77%) et de son exposition aux infrastructures de transport (10%) “, reconnaît la gestionnaire Julie Arav. Résultat : une performance de -22,6% à l’issue du premier trimestre, contre -16,7 % pour l’indice.

Le portefeuille a subi d’importants changements ces dernières semaines : élimination des infrastructures de transport hors Europe (chemins de fer au Canada et Japon, autoroutes au Brésil, etc.) et renforcement dans des groupes français comme Bouygues, Eiffage et Vinci, ainsi que dans les italiennes SNAM (transport de gaz) et Iren (électricité). Ces achats furent réalisés ” en retenant des entreprises offrant des qualités défensives : régulées, ou encore au bilan solide “, explique la gestionnaire. Beyond Infrastructure and Transition se veut donc plus Européen du Sud que jamais. A noter que, paré depuis 2018 du label durable français ISR, le fonds ” investit dans les infrastructures qui contribuent à la transition durable “.

Infrastructures: des actions pas toujours défensives

On freine sur les Etats-Unis

Gestionnaire du fonds Global Listed Infrastructure de Lazard, John Mulquiney ne cache pas sa déception à l’issue du premier trimestre, notamment sur des valeurs comme Atlantia (5,5 % du portefeuille à fin avril), gestionnaire italien d’autoroutes et d’aéroports, ou la compagnie ferroviaire américaine Norfolk Southern (8,9 %). Par contre, il renouvelle pleinement sa confiance à l’exploitant luxembourgeois de satellites SES. Les résultats furent conformes aux prévisions, la division du dividende par deux est plutôt judicieuse, vu les gros investissements à réaliser l’an prochain, et le groupe ne souffre guère du confinement. Se disant ” fort perplexe ” face à la sanction du marché, il juge le titre attrayant. C’est plus vrai encore pour le britannique Pennon (4,8 %), propriétaire de South West Water, qui a accepté de vendre son autre filiale (Viridor, traitement des déchets) pour un montant très supérieur aux attentes des analystes. Signe d’un management de qualité !

” La majorité des actions cotées relevant du domaine des infrastructures sont des utilities américaines, observe le gestionnaire, qui sont globalement peu attrayantes. C’est pourquoi nous sommes significativement sous-pondérés dans ces valeurs. ” Bien qu’entrevoyant quelques actions de valeur attrayantes en Europe, le fonds a augmenté la part des liquidités dans son portefeuille. Le fonds est dès lors investi dans l’eurozone pour 44 % et pour un peu plus de 20 % en Grande-Bretagne. Les Etats-Unis se situent seulement au même niveau.

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