La pension complémentaire est toujours aussi populaire

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Financée par des cotisations prélevées sur salaire, elle a suscité bien des inquiétudes au cours de ces 18 derniers mois. Elle reste malgré tout un des piliers fondamentaux d’une retraite heureuse.

Lors de sa formation, le gouvernement De Croo avait clairement annoncé son objectif: un régime de retraite complémentaire pour tous les travailleurs, comportant une cotisation d’au moins 3% du salaire brut pour les vieux jours. C’est ce qu’on appelle le deuxième pilier de notre système de pension, qui s’ajoute au premier, la pension légale. L’argent de la pension complémentaire est investi à long terme via une assurance-groupe, un fonds de pension sectoriel ou d’entreprise. Le gouvernement a donc encouragé la constitution d’une telle pension auprès de l’employeur en accordant des avantages fiscaux et parafiscaux. Les impôts et les cotisations sociales dus sur les cotisations à une assurance groupe ou un fonds de pension sont par exemple moindres que sur le salaire.

En résumant, on pourrait dire que sur un budget de 100 euros, l’employeur peut en effet verser environ 86 euros dans la pension complémentaire, tandis qu’une augmentation de salaire de 100 euros net équivaut à moins de 36 euros pour le travailleur. Lorsqu’il fera valoir ses droits à la retraite, le travailleur sera encore redevable d’un impôt de 10% et d’une cotisation de solidarité de 2% sur le capital perçu.

La pension complémentaire doit être encouragée pour deux raisons. Primo, le fossé entre le dernier salaire et la pension légale est important pour de nombreuses personnes, ce qui les oblige à réduire considérablement leur mode de vie au moment de la retraite si elles n’ont pas assez épargné. Secundo, la pension légale est un système de répartition mis à mal par le vieillissement démographique. La charge des pensions est en effet supportée par la population active qui ne cesse de diminuer. A l’inverse, la pension complémentaire est un système de capitalisation dans le cadre duquel la population active supporte la charge de sa propre pension complémentaire.

Depuis 2021, le revenu professionnel est pris en compte à 100% pour la pension légale des indépendants. Cela peut représenter plusieurs centaines d’euros supplémentaires par mois au moment de la retraite.

Objectif presqu’atteint

Sous le gouvernement précédent déjà, les travailleurs pouvaient se constituer une pension libre complémentaire pour travailleurs salariés (PLCS), même en l’absence d’un plan pension de l’employeur pour son personnel. Les travailleurs peuvent également souscrire une PLCS s’ils estiment l’épargne insuffisante. Dans le cadre de l’assurance groupe et du fonds de pension, le salarié peut verser au total jusqu’à 3% de son salaire brut dans la PLCS. Pour savoir s’il est possible d’épargner plus pour une pension complémentaire, rendez-vous sur Mypension.be.

Au 1er janvier 2020, quelque 3,6 millions de travailleurs cotisaient pour leur pension complémentaire, selon le rapport semestriel de la FSMA. Environ 2,1 millions de travailleurs étaient affiliés à un régime de pension via leur secteur, environ 2 millions via leur entreprise et 319 employeurs avaient souscrit une PLCS. L’objectif du gouvernement De Croo était donc pour ainsi dire atteint car un peu plus de 4 millions de personnes exerçaient une activité salariée au 1er janvier 2020.

La crise sanitaire a provoqué pas mal de bouleversements, y compris dans le secteur des pensions complémentaires. Toutes sortes de mesures d’urgence ont été prises en 2020 pour permettre aux personnes temporairement mises au chômage ou inactives pour cause de maladie ou de quarantaine de continuer malgré tout à cotiser normalement pour leur pension complémentaire. Les employeurs ont bénéficié, sous certaines conditions, d’un report de payement pour les cotisations à l’assurance groupe ou au fonds de pension, jusqu’en septembre 2021.

Selon Assuralia, l’union professionnelle des entreprises d’assurance, les versements dans les assurances groupe ont augmenté d’environ 4% de 2019 à 2020. Il semblerait donc que la pandémie et ses conséquences économiques n’aient pas été un frein majeur à la constitution de la pension complémentaire. Fin 2020, l’épargne investie dans les assurances groupe frôlait les 74,4 milliards d’euros, d’après Assuralia. L’organisation faîtière des institutions de retraite belges PensioPlus estimait à près de 43 milliards d’euros les fonds de pension en juin dernier.

Inquiétude

L’accord de gouvernement conviait aussi les partenaires sociaux à examiner de près les coûts tant du deuxième que du troisième pilier, l’épargne-pension. Les incitants fiscaux accordés dans le cadre de la pension complémentaire représentent un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros par an pour le Trésor. Le gouvernement De Croo se demande si une part trop importante de ces incitants ne stagne pas dans les institutions financières gestionnaires de l’épargne-pension. Si les coûts facturés s’avèrent trop élevés ou leur fonctionnement inefficace, des mesures devront être prises.

Le deuxième pilier de pension a fait l’objet de plusieurs études entre fin 2020 et début 2021, avec en point de mire les pertes fiscales et la répartition des pensions complémentaires. La ministre des Pensions, Karine Lalieux (PS), a affirmé en février dernier qu’il était inacceptable que le gouvernement “perde des milliards d’euros de recettes pour un système qui n’est pas distributif”, une déclaration qui a suscité pas mal d’inquiétude dans le secteur.

Les socialistes ont toujours eu du mal à admettre que les gros salaires servent à constituer de gros capitaux. Diverses mesures ont déjà été prises au fil des années pour gommer les excès du système, telles que la contribution de sécurité sociale spéciale et la taxe dite “cotisation Wijninckx” pour les pensions complémentaires les plus élevées. Karine Lalieux a fini par promettre, à la demande des partenaires sociaux, de ne pas toucher à la fiscalité de la pension complémentaire.

Et les indépendants?

L’accord de gouvernement ne prévoit rien quant à un renforcement du deuxième pilier pour les indépendants. Pour cette catégorie de travailleurs, il serait plutôt question de renforcer la pension légale par la suppression du fameux coefficient de correction utilisé pour le calcul de la pension des indépendants. Depuis les années 1980, la pension des indépendants est calculée sur 69% des revenus professionnels pour tenir compte des plus faibles cotisations sociales versées par les indépendants. Depuis 2021, le revenu professionnel est pris en compte à 100%. Pour les indépendants en début de carrière, cette disposition peut représenter plusieurs centaines d’euros supplémentaires par mois au moment de la retraite.

Les indépendants ont le choix entre différentes formules pour se constituer une pension complémentaire. Les formules fiscalement les plus avantageuses sont l’épargne-pension (troisième pilier) et l’épargne à long terme qui permettent de cotiser à hauteur de 990 euros et 2.350 euros respectivement, avec une réduction fiscale de 30%. Les versements à la pension libre complémentaire pour indépendants (PLCI) sont limités à 8,17% des revenus annuels. L’indépendant qui complète avec une assurance incapacité de travail et invalidité (PLCI sociale) peut verser jusqu’à 9,4% de ses revenus. Ces montants sont déductibles des impôts. Il existe depuis juin 2018 la Convention de pension pour travailleurs indépendants (CPTI) sans société et avant cela, une formule plus ou moins similaire pour les indépendants en société et les dirigeants d’entreprise, à savoir l’Engagement individuel de pension (EIP).

3,6 millions

de travailleurs se constituent une pension complémentaire.

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