Le don manuel. Episode II.

Le feuilleton fiscal sur le don manuel et le durcissement de la disposition anti-abus se poursuit. Il y a quelques semaines, nous dénoncions ici même la déclaration d’un haut fonctionnaire des Finances selon laquelle l’administration fiscale comptait s’attaquer aux dons manuels. Le secrétaire d’Etat John Crombez a immédiatement nuancé ses propos.

D’après John Crombez, le don manuel serait toujours possible, mais uniquement en vue d’aider les enfants. En revanche, un gros problème se pose à ses yeux en cas d’achat ultérieur de la nue-propriété par les enfants.

Mais un nouvel épisode de ce mauvais feuilleton s’est récemment joué en Commission des Finances de la Chambre. Interrogé par le député Luc van Biesen sur les propos qu’il avait tenus au sujet de l’achat scindé, le secrétaire d’Etat a répété que ce “montage ” frustrait l’article 9 du Code des droits de succession.

Technique admise

L’achat scindé d’un bien immobilier est une technique très populaire de planification patrimoniale. L’idée est la suivante : les parents achètent l’usufruit d’un bien immobilier, tandis que les enfants en achètent la nue-propriété. Leurs motivations sont en partie fiscales puisque, au décès des parents, l’usufruit vient accroître la nue-propriété des enfants sans que le moindre impôt soit dû. Les familles ont souvent recours à ce montage lorsqu’il s’agit d’une résidence secondaire. A ce stade, les parents se sont généralement déjà mis à l’abri de tout besoin financier alors que leurs enfants entament seulement leur carrière et remboursent déjà un emprunt (lié à l’achat de leur propre maison, par exemple). Dès lors, les parents leur font don de l’argent destiné à acheter la nue-propriété. Un procédé qui ne pose aucun problème et bien connu de l’administration fiscale depuis quelques années.

Bas les masques

A présent, on est en droit de se demander si le durcissement de la disposition anti-abus change la donne. La réponse est clairement “non”. Rien ne change pour qui reste dans les limites de la loi.

Les doutes que laisse planer à ce propos le secrétaire d’Etat John Crombez sont totalement injustifiés et portent atteinte à la sécurité juridique. Une donation faite ouvertement avant l’achat n’est absolument pas contraire à l’objectif de l’article 9. Ce sont les libéralités “déguisées ” qui sont dans le collimateur du fisc. L’esprit de la loi et les objectifs du législateur sont clairs. C’est à dessein que le terme ” déguisé ” a été ajouté à la disposition légale. Dans le dictionnaire, la définition de ” déguiser ” est en effet : ” cacher de manière à donner une apparence trompeuse “. Si les parents font ouvertement un don manuel ou une donation notariée d’une somme d’argent préalablement à un achat scindé, il ne peut jamais être question d’une libéralité ” déguisée “. Dans ce cas, l’objectif de la loi est respecté et il ne peut être question d’un abus fiscal.

Beaucoup de bruit pour rien

Par conséquent, rien n’a changé depuis le 1er juin 2012 en ce qui concerne cette technique de planification patrimoniale. Si vous êtes inquiet, sachez qu’il existe d’innombrables raisons non fiscales d’opter pour un achat scindé. Par exemple, pour éviter au parent survivant de ne recevoir qu’un usufruit ” successoral ” en cas de décès. Cet usufruit est totalement différent du contractuel qui, lui, est non convertible. Même si la disposition anti-abus s’appliquait, vous pourriez prouver qu’il n’en est rien. Reste à espérer que ce débat inutile s’arrête enfin. Suivez la discussion sur Twitter @Anton_Rivus.

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