Le livret d’épargne à nouveau sauvé

Le compte d’épargne réglementée est un peu le chat à neuf à la vie de la fiscalité belge.

A chaque contrôle budgétaire, il est proposé de s’attaquer à la fraude collective pratiquée sur ce produit. De quoi faire rentrer quelque argent dans les caisses de l’État et préserver les citoyens de toutes sortes de mini-mesures comme une nième augmentation des accises, l’instauration d’un impôt sur les contrats de mariage et les testaments, l’augmentation des droits d’enregistrement pour les baux emphytéotiques, etc. Et comme chaque fois, il est finalement décidé de laisser prospérer cette fraude collective.

Fraude collective

Le compte d’épargne belge bénéficie d’un traitement fiscal privilégié. Il est resté hors d’atteinte des nombreuses hausses d’impôts de ces dernières années. Tous les autres produits porteurs d’intérêts y ont eu droit. Par conséquent, il paraît évident de préférer un compte d’épargne à un compte à terme, une assurance de la branche 21, une OLO, un bon de caisse, une obligation, etc. Seul le compte d’épargne réglementé procure une exonération de 1880 EUR. En plus, vous bénéficiez d’un taux d’imposition réduit de 15 % (pour les intérêts au-dessus de 1880 EUR), alors que tous les autres intérêts sont soumis depuis cette année à un tarif majoré de 25 %.

Mais il y a plus. Ce produit est massivement utilisé pour les Belges pour frauder le précompte mobilier. Le principe est simple. On ouvre plusieurs comptes d’épargnes auprès d’institutions différentes. Chacune des banques applique l’exonération de 1880 EUR. L’art consiste donc à rester partout sous la barre magique des 1880 EUR. En soi, cette pratique n’a rien de répréhensible. À condition, bien entendu, de mentionner les intérêts exonérés à tort dans la déclaration fiscale annuelle. Et nombreux sont ceux à l’oublier.

Les chiffres parlent pour eux. Pour à peine 11 millions de Belges, on recense de 19 à 20 millions de comptes d’épargne dans note pays. Sur ces comptes épargne sont parqués 239 milliards d’euros. Cela signifie que chaque Belge aurait environ 22.000 EUR sur ces comptes d’épargne. De nombreuses Belges dépassent donc la limite des 1880 EUR. Mais ils sont à peine 4600 à l’avoir reconnu dans leur déclaration.

Chat à neuf vies

J’ai déjà annoncé le chant du cygne du compte d’épargne à plusieurs reprises. J’ai encore pensé que ce serait le cas lors du dernier contrôle budgétaire. Ils circulaient en effet des projets concrets visant à faire passer l’exonération par la déclaration. Tous les intérêts seraient alors soumis à l’impôt. Si vous vouliez bénéficier de l’exonération, vous devriez le demander dans la déclaration.

Mais la proposition est restée lettre morte. La motivation invoquée est étrange. La demande d’exonération par la déclaration irait à l’encontre de la simplification administrative. La plupart des retraités se voient envoyé depuis deux ans des déclarations préremplies. Ces personnes auraient alors dû demander l’exonération, ce qui serait trop leur demander.

La proposition de permettre au fisc de contrôler la situation du contribuable n’a non plus pas été retenue. Un registre de tous les comptes d’épargne aurait ainsi créé, qui contiendrait les noms des titulaires et les montants. Celui-ci serait tenu au Point de contact central (PCC) encore à créer. Mais c’est à nouveau partie remise. De ce fait, le fisc se trouve dans la quasi-incapacité de découvrir ou d’enquêter sur les fraudes. Le PCC général modifiera la donne. À terme, des contrôles seront donc possibles. Mais pour l’instant, c’est toujours le Far West au pays des comptes d’épargne.

Suivez la discussion sur Twitter via @Anton_Rivus.

Anton van Zantbeek

Avocat Rivus

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