Les “Green Bonds”, plus qu’un effet de mode

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A l’instar de Cofinimmo en novembre dernier, les entreprises immobilières devraient émettre de plus en plus de ” green bonds ” pour se financer. Suivant l’exemple de plusieurs autres secteurs.

Le groupe américain BlackRock a, le 23 mars dernier, lancé le Green Bond Index Fund. Ce fonds sera donc clairement investi en ” obligations vertes ” et de manière passive : il suivra un indice reflétant l’ensemble du marché, à savoir le Bloomberg Barclays MSCI Global Green Bond Index. Le lancement de ce fonds spécialisé (qui est très loin d’être le premier du genre) par le plus important gestionnaire d’actifs du monde, tout comme l’existence d’un indice dédié, démontrent que le marché des green bonds a atteint une certaine maturité et dépasse donc l’éventuel effet de mode que l’on aurait pu soupçonner voici quelques années encore.

Les élans de 2013 et 2016

Autre preuve de maturité : il existe depuis janvier 2014 des normes précises, édictées par l’ICMA, l’association internationale des marchés financiers : les Green Bonds Principles (GBP), actualisés l’an dernier. Que stipulent ces normes ? Qu’une obligation peut être qualifiée de verte si elle finance (ou refinance) des projets axés sur des thèmes tels que le changement climatique, la raréfaction des ressources naturelles, le contrôle de la pollution ou la perte de biodiversité, résume Jean- Baptiste Van Ex, responsable real estate corporate finance chez Degroof Petercam.

Le premier green bond a été émis en 2007 par la Banque européenne d’investissement (BEI) et coté en Bourse de Luxembourg. Neuf ans plus tard, en février 2016, la même Bourse célébrait la cotation de sa 100e obligation verte, émise par la même BEI. C’est une double confirmation : la place luxembourgeoise est la première sur ce segment de marché et les organismes publics sont de loin les principaux émetteurs d’obligations vertes. Outre la BEI, on relève la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd), ou encore la Banque mondiale, sans oublier KfW, la banque publique allemande, fondée en 1948 pour reconstruire le pays.

C’est en 2013 que le marché a vraiment décollé. Résultat : le volume émis est passé de 3 milliards de dollars en 2012 à 81 milliards en 2016, année ayant connu une nouvelle accélération. Parallèlement, la palette des émetteurs s’est considérablement élargie, avec des émissions lancées par l’Ile-de-France ou la Pologne. Plusieurs entreprises privées ont également suivi, telles Engie et Toyota, ainsi que les banques ING et Société Générale, après que la semi-publique EDF ait donné le ton.

Les chemins de fer en tête

Le premier “green bond” a été émis en 2007 par la BEI et coté à Luxembourg. Neuf ans plus tard, en février 2016, la même Bourse célébrait la cotation de sa 100e obligation verte.

On ne s’étonne pas de trouver également le secteur des transports parmi les grands émetteurs. En novembre 2016 apparaissent ainsi les émissions de 900 millions d’euros pour SNCF Réseau et de 600 millions de dollars pour MTR, l’opérateur des chemins de fer à Hong Kong. En réalité, si le transport ferroviaire est le secteur le plus important dans l’émission d’obligations vertes, c’est très largement grâce à China Railways, de loin le plus gros émetteur du monde avec l’équivalent de quelque 200 milliards de dollars à fin 2016 ! Non certifiées suivant les normes internationales (GBP), ces émissions ne sont toutefois pas comptabilisées dans les statistiques. Sans quoi le total émis jusqu’ici doublerait ; il flirte en effet avec les 200 milliards.

Autre émission remarquable de novembre 2016,parce qu’elle est belge : celle de Cofinimmo, pour 55 millions d’euros ; la SIR suit l’exemple d’Aquafin, l’entreprise d’épuration des eaux en Flandre, qui fut pionnière en 2015. Pourquoi avoir choisi d’émettre une obligation verte ? ” Le but était essentiellement de diversifier nos sources de financement, explique Ellen Grauls, responsable des relations avec les investisseurs. Comme les obligations convertibles, les green bonds sont largement achetés par des investisseurs institutionnels spécialisés dans ce type d’émission. ” Très nombreux sont en effet les fonds créés ces dernières années pour investir dans du papier vert ou ” socialement responsable “. Or, le papier émis par Cofinimmo est un green and social bond, de quoi attirer doublement l’attention.

Pas de rabais sur le taux !

La demande d’obligations vertes est considérable. De ce fait, on pourrait imaginer que l’émetteur d’une obligation green et/ou social peut offrir un taux d’intérêt un peu inférieur à celui d’une obligation classique. Il n’en est rien ! Cofinimmo aurait même pu se financer un chouïa moins cher par un autre biais, signale Ellen Grauls. Peut-être via le crédit bancaire, mais ce dernier représente déjà 40 % du total et la SIR souhaite visiblement diversifier ses créanciers. Le rendement d’un green bond est en tout cas semblable à celui d’une obligation classique, observe Axel Goldwasser, de la société de Bourse éponyme, qui suit de très près le marché obligataire. Voilà une bonne nouvelle pour l’investisseur soucieux de réaliser un placement ” vert ” : il ne subit pas de pénalité !

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Outre le fait de toucher de nouveaux investisseurs, y a-t-il un autre intérêt à émettre une obligation verte ? D’autant que la démarche suppose quelques contraintes : à moins qu’ils ne soient exclusivement impliqués dans l’économie dite verte (fabricants d’éoliennes par exemple), les entreprises ou organismes doivent, avant l’opération, détailler les projets qui seront financés par l’émission et, après, faire état de l’avancement de ces projets. Une certification est par ailleurs indispensable, par un bureau spécialisé tel que Vigeo ou Oekom. Cela étant, les entreprises définissent largement elles-mêmes les contraintes qu’elles s’imposent.

Le label est un outil de communication

Alors, pourquoi un green bond ? ” C’est aussi un outil de communication sur la scène financière “, souligne pour sa part Jean-Baptiste Van Ex. La certification par une agence spécialisée est en effet un label très positif pour l’entreprise. Il en va de même de la qualité des bâtiments mise en lumière dans le chef d’un émetteur du secteur immobilier. Cofinimmo financera ainsi des immeubles affichant au minimum la cote very good sur l’échelle BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method), concoctée par la société Ibam, qui certifie la qualité des bâtiments en Belgique.

” Le secteur immobilier sera certainement un gros émetteur dans les années à venir, lui qui est confronté à de grosses contraintes énergétiques “, juge Jean-Baptiste Van Ex. Et pourquoi le marché des green bonds ne s’élargirait-il pas aux pouvoirs publics voulant de la sorte promouvoir des investissements durables ? Le spécialiste de la Banque Degroof Petercam serait, à titre personnel, heureux de voir la Région bruxelloise financer de la sorte un beau réseau de pistes cyclables !

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