Quand investir semble être un jeu d’enfant

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

De plus en plus de jeunes internautes se lancent en Bourse. Avec leurs applications simples et leurs tarifs très étudiés, certaines plateformes de “trading” les incitent à multiplier les transactions.

Les utilisateurs de Robinhood ont envahi la Bourse pendant le confinement. Avec son app mobile addictive et simple, la fintech s’adresse à la génération qui a été bercée par les jeux vidéo, à qui elle propose d’investir gratuitement en actions et en options (droit d’acquérir ou de vendre un actif, à une date et à un prix convenus d’avance). Aux Etats-Unis, nombre de plateformes ne prennent aucune commission sur les transactions : elles vendent les flux d’ordres que leur confient les petits investisseurs à des teneurs de marché – une pratique interdite en Europe.

Robinhood européen

Sur le Vieux Continent, les services d’investissement gratuits peinent à convaincre. Avec son appli mobile BUX Zero, la fintech néerlandaise BUX entend se profiler comme le Robin des bois européen. ” Nous sommes un introducing broker, ce qui signifie que nous transmettons les ordres à la banque ABN Amro, pour qu’elle les traite et les exécute. Le fait de grouper en un seul de très nombreux ordres de moindre ampleur nous permet d’appliquer des tarifs extrêmement concurrentiels “, résume Nick Bortot, le créateur de la plateforme et cofondateur, en son temps, de la branche belge de BinckBank. Mais contrairement à ce qui se passe avec Robinhood, les petits poissons ne vont pas nourrir de grands requins : ” ABN Amro expédie les transactions vers les marchés réguliers, par l’intermédiaire d’un smart order router qui identifie celui sur lequel chaque ordre peut être exécuté au meilleur prix, poursuit Nick Bortot. Nous avons même l’intention, lorsque nous serons un peu installés, d’offrir une garantie du meilleur prix d’exécution. ” Argent et actions sont confiés à ABN Amro. Les fonds sont couverts par la garantie de dépôt, qui protège le client jusqu’à concurrence de 100.000 euros. Les actions étant la propriété de l’investisseur, elles ne seraient pas affectées en cas de faillite d’un des opérateurs. Enfin, si un problème survenait, le portefeuille de titres serait protégé jusqu’à 20.000 euros.

Auparavant, plus la plateforme était sophistiquée, plus elle était convaincante. Aujourd’hui, tout tourne autour du design et du caractère intuitif.” Le porte-parole d’EasyBroker

0 ou 1 euro

L’investisseur qui achète ou vend les actions américaines proposées par BUX Zero ne paie pas de commission sur la transaction, mais la conversion de ses euros en dollars et inversement lui coûte plus cher qu’ailleurs. Le négoce d’actions européennes est gratuit pour les ordres dont l’exécution n’est demandée qu’en fin de séance. Si, à ce moment-là, le prix du marché s’écarte exagérément du cours auquel le titre se négociait lorsque l’ordre a été passé (l’écart maximum étant fixé à 4 % pour un ordre d’achat et à 5 % pour un ordre de vente), celui-ci est tout bonnement annulé.

Les ordres en actions européennes au cours du marché ou à cours limité coûtent, sur BUX Zero, 1 euro. ” Avec 1 euro par transaction comme unique source de revenu, un courtier ne peut pas tenir longtemps “, réagit Dieter Haerens, qui dirige BinckBank Belgique. Lorsqu’il est arrivé sur le marché néerlandais il y a un an, l’allemand Flatex était gratuit, mais il réclame depuis le 1er juin 3,9 euros par transaction. Zéro euro pourrait être un prix d’appel, mais Nick Bortot insiste sur le fait que BUX a l’intention de conserver longtemps des tarifs très bas. Il ajoute que sur le plan opérationnel, une organisation comme Binck ne peut se comparer à BUX : ” Trois personnes traitent des processus qui, ailleurs, exigent 10 fois plus de monde. En automatisant au maximum, nous compressons nos coûts. Notre modèle de gain repose sur notre capacité à franchir très rapidement les frontières et à attirer des volumes de transactions massifs dans chaque pays. Nous sommes désormais actifs aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, en France et en Belgique ; l’Espagne et l’Italie suivront sous peu. ”

NICK BORTOT
NICK BORTOT ” Le fait de grouper en un seul de très nombreux ordres de moindre ampleur nous permet d’appliquer des tarifs extrêmement concurrentiels. “© PG/SETH CARNILL

Sélection restreinte

Comme BUX Zero ne prélève pas la taxe belge sur les opérations de Bourse, l’internaute pourrait avoir une mauvaise surprise : c’est en effet à lui qu’il incombe de verser, chaque trimestre, cette somme à l’administration fiscale. BUX Zero ne retient pas non plus le précompte mobilier sur les dividendes, qui doivent donc être déclarés à l’impôt des personnes physiques. Le novice risque de se trouver très vite noyé sous la paperasse, voire d’être visé par des majorations d’impôts, s’il a oublié de s’acquitter de ses obligations fiscales. ” Nous examinons actuellement la manière dont nous pourrions régler la question de la taxe sur les opérations de Bourse pour nos clients “, affirme Nick Bortot.

Sam Hollanders, à qui l’on doit le site de comparaison BrokerTarieven.be, juge la sélection d’actions de BUX Zero trop restreinte pour les investisseurs expérimentés. En outre, l’appli ne permet pas le transfert de portefeuilles d’investissement existants. Lorsqu’une entreprise réalise une augmentation de capital, ses clients ne peuvent y souscrire ; si elle offre à ses actionnaires de choisir entre un dividende en actions et un dividende en liquide, la start-up ne répercute pas ce choix sur sa clientèle.

Langage branché

La capacité qu’a eue Robinhood à se tailler très rapidement un succès de masse a fait des émules. BUX Zero a promis des actions gratuites aux 100.000 premières personnes qui s’inscriraient sur sa liste d’attente. Elle offre également jusqu’à 10 actions à qui parraine une inscription sur cette liste. Nul ne connaît toutefois la valeur de ce cadeau. ” Il peut s’agir d’actions à 5 comme à 200 euros “, plaisante Nick Bortot. Il existe, rappelons-le, des titres qui ne valent que quelques centimes.

BUX décrit les entreprises dans lesquelles elle propose d’investir dans un langage primaire, accessible à tous. Ainsi, lisons-nous par exemple, au sujet de WDP : ” Besoin d’un bâtiment gigantesque pour stocker toutes tes affaires ? WDP à la rescousse. Ils louent d’énormes entrepôts et centres de distribution, stockant tout sur leur passage : produits pharmaceutiques, centres de données. WDP opère principalement aux Pays-Bas et en Belgique “.

Avec ses expressions ” branchées ” et son application mobile aussi simple que sommaire, BUX, à l’instar de Robinhood, s’adresse à un public jeune. ” Tout le monde est le bienvenu, mais nous voulons en tout premier lieu convaincre les jeunes qu’ils ont intérêt à investir s’ils veulent s’assurer un meilleur avenir financier “, résume Nick Bortot.

Jouer en Bourse

” Auparavant, plus la plateforme était sophistiquée, plus elle était convaincante. Aujourd’hui, tout tourne autour du design et du caractère intuitif, analyse le porte-parole d’EasyBroker. Avec une appli comme celle-là, un enfant de 12 ans peut investir dans des actions Apple. Pas besoin de disposer d’un mode d’emploi ! ”

En introduisant dans son appli un élément ludique, Robinhood va un peu plus loin encore. Reste qu’on lui reproche le suicide, en juin, d’un étudiant de 20 ans, qui croyait avoir perdu, sur une transaction en options, plus de 730.000 dollars. En fait, le solde affiché à l’écran n’exprimait qu’une situation toute temporaire, qui ne reflétait pas la valeur réelle du compte-titres. Pour maints connaisseurs belges, les amateurs ne devraient pas prendre le risque de jouer en Bourse.

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actions

gratuites offertes par BUX Zero à qui parraine une inscription sur sa liste d’attente.

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