Qui sont les “shorters” ?

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Réglementée depuis la crise, la vente à découvert peut parfois plomber un titre. Un phénomène qui suscite la critique de petits investisseurs qui se sentent démunis. Tour d’horizon des positions ces ” vautours ” : du très ciblé Celyad à l’habitué Nyrstar en passant par Ontex, le plus ” shorté “.

Les investisseurs se montrent souvent critiques vis-à-vis des shorters, obligés de dévoiler publiquement toute position “à la baisse” dépassant 0,50% du capital de leur proie. L’afflux de ventes peut en effet peser sur l’évolution du titre au grand dam des actionnaires. Beaucoup ne se sont ainsi pas privés d’un ricanement voyant plusieurs noms connus comme Castle Creek ou Och-Ziff Management piégés par l’offre de rachat de Sanofi sur Ablynx. Force est toutefois de constater que ces hedge fund ont souvent eu le nez creux, notamment lors du plongeon de ThromboGenics en 2013-2014 à la suite de ventes décevantes, de la dégringolade quasiment ininterrompue de Nyrstar, des déboires d’EVS shorté par des grands noms comme Pictet ou Blackrock, de la rechute d’Euronav en 2015-2016, de la crise traversée par Fagron en 2015 ou de la succession désastreuse d’avertissements sur résultats d’IBA en 2017. Concernant ce dernier, on épinglera que Blackrock avait racheté sa position (sous 0,50%) en 2016 ou que Worldquant a misé sur une baisse du titre après qu’il a déjà perdu près de la moitié de sa valeur. Dans le monde des shorters, toutes les positions ne se valent pas. Certaines sont liées à de véritables convictions de gérants/analystes, d’autres sont prises à la vitesse de l’éclair par des programmes informatiques. Nous avons donc fait le tour de chaque société cotée actuellement sous le feu d’un shorter déclaré.

Ageas

L’assureur n’a qu’un shorter connu pour 0,61% de son capital, un poids assez limité mais un investissement considérable tenant compte de la capitalisation de près de 9 milliards d’Ageas. Boussard & Gavaudan Investments, fondé en 2002 par deux anciens de Goldman Sachs, n’est pourtant pas un mastodonte du secteur. Il s’agit même de sa seule position à la baisse jamais déclarée auprès de la FSMA. La prise de position à la baisse sur Ageas résulte donc d’une réelle conviction pour le gérant qui se qualifiait il y a quelques années “d’agitateur d’idées”, ne reniant pas un côté activiste affirmé.

Balta Group

JP Morgan Chase a déclaré avoir acquis une position à découvert sur le fabricant de moquette fin mars 2018, alors que le titre avait déjà sombré de plus de moitié depuis son introduction en Bourse il y a un peu plus d’un an. Depuis la position à la baisse du groupe américain (ou plus précisément d’un ou plusieurs de ses nombreux fonds) oscille entre 0,6% et 0,7% du capital de Balta.

Celyad

La biotech spécialisée dans l’immuno-oncologie ne semble guère prête de signer la paix avec Armistice Capital. Ce hedge fund a récemment acquis une position à la baisse sur Celyad. Le timing de cette prise de position est assez interloquent, l’essentiel ayant été accumulé juste avant l’augmentation de capital du mois dernier. Dans le chef du hedge fund, elle suit également l’embauche de Charles Shi en avril en provenance d’OrbiMed Advisors, le plus grand hedge fund biotech du monde secoué par les accusations d’harcèlement sexuel ciblant son fondateur. Charles Shi fait ainsi partie du gratin des analystes biotech pouvant notamment se targuer d’un Master en Biotechnologies et d’un Doctorat en Immunologie.

Colruyt

Le distributeur est ciblé par deux hedge funds : Marshall Wace (1,20% du capital) et Hengistbury Investment (0,6%). Il est difficile de tirer des conclusions du premier, s’agissant d’un des principaux gérants long/short au monde. Il accumule forcément un nombre incalculable de positions avec des résultats hétéroclites chez nous. Hengistbury Investment mise par contre sur une baisse de Colruyt depuis plus de 2 ans, son seul placement baissier connu en Belgique. Le très discret hedge fund britannique a un biais largement négatif vis-à-vis de la distribution européenne, shortant notamment Ceconomy (MediaMarkt…), l’Allemand Metro et le Britannique WM Morrison.

Euronav

Ayant un capital très ouvert et actif dans une activité très cyclique, l’armateur pétrolier attise les convoitises des hedge funds tant à la hausse qu’à la baisse. Actuellement, les positions à découvert sont toutefois assez importantes avec 6 hedge funds shortant plus de 5% du capital. Outre Marshall Wace, le fonds quantitatif WorldQuant et d’autres gérants de fonds alternatifs importants (avec plusieurs dizaines de milliards sous gestion), on retrouve Monarch Capital. Ce hedge fund de taille plus réduite est spécialisé dans les … obligations spéculatives. Les obligations d’Euronav tiennent pourtant la route même si le groupe est contraint d’offrir des taux élevés (7,5%).

EVS Broadcasting

Seul JP Morgan a actuellement une position à la baisse déclarée sur le groupe liégeois. Les 3 autres hedge funds ayant misé sur un recul d’EVS ces dernières années ont déjà clôturé leur position et pris leurs bénéfices. Les difficultés du groupe liégeois sont en effet patentes, ses marges bénéficiaires baissant depuis 10 ans. JP Morgan estime manifestement qu’il n’a pas encore mangé tout son pain noir mais il est le seul (déclaré) actuellement.

Greenyard

Le groupe subit indirectement les pressions (concurrentielles) pesant sur la grande distribution, ce qui se reflète sur l’évolution de la rentabilité de sa principale activité : les fruits et légumes frais. Och-Ziff, BNP Paribas et BlackRock ont ainsi déclaré des positions à découvert sur le titre cette année. Greenyard affichant un flottant et une liquidité limités en Bourse, il y a fort à parier pour que l’action reste sous pression tant que le groupe ne parvient pas à rassurer sur ses marges.

IBA

Trois hedge funds ont actuellement une position à découvert déclarée. JP Morgan, Omam et GSA Capital ont tous pris le groupe néo-louvaniste pour cible après ses premiers avertissements sur résultats de l’année dernière. La chute du titre s’est effectivement accentuée jusqu’à récemment, moment choisi par JP Morgan ou GSA pour réduire substantiellement leur pari à la baisse. Les prochains résultats semestriels cet été seront déterminants pour libérer IBA (ou accentuer) l’étreinte des shorters. Omam s’est en effet déclaré récemment.

Nyrstar

Le spécialiste du zinc est un habitué des shorters. Avec 5 gérants shortant un peu plus de 3% du capital, la pression est même plutôt réduite, notamment par rapport à celle exercée par Och-Ziff en 2016 qui avait accumulé une position baissière de jusqu’à près de 2% du capital de Nyrstar. Il est donc impossible d’en tirer des conclusions, d’autant plus que tous les shorters déclarés sont actuellement des gérants de grande taille.

Ontex

Le fabricant de langes est actuellement le plus concerné par les ventes à découvert qui pèsent pas moins de 7,85% de son capital, uniquement pour les positions déclarées de plus de 0,50% de son capital. Il faut dire que le groupe présente tous les attraits de la cible idéale avec des difficultés (hausse du coût des matières premières, problème d’intégration de sa filiale brésilienne, taux de change défavorables) qui se sont accumulées progressivement et des solutions longues à mettre en place. Les hedge funds n’ont ainsi pas relâché leur étreinte après le récent rebond du titre, tablant sans doute sur l’usure des investisseurs alors qu’Ontex ne recueillera les fruits de ses mesures de restructuration qu’au second semestre (et donc pas avant la publication des chiffres du 3e trimestre le 7 novembre).

Telenet

AQR Capital Management est le seul à avoir déclaré ces dernières années une position baissière sur l’opérateur télécoms. Cet important gérant américain, avec 225 milliards de dollars d’actifs sous gestion, est très actif sur les stratégies alternatives et n’apprécie manifestement pas Telenet qu’il shorte depuis près de deux ans. Il s’attend manifestement à ce que le climat concurrentiel pèse encore davantage sur le titre, ayant récemment relevé sa position à 0,9% du capital.

Umicore

Si plusieurs hedge funds ont racheté leur position à la baisse sur Umicore en 2016-2017, Capital Fund Management a persévéré … à tort puisque le titre accumule les records. Le hedge fund avait profité du coup de mou du mois de février-mars pour réduire sa mise de 0,70% à 0,58% du capital. Mais force est de constater que le programme gérant le portefeuille suivant “une approche scientifique” n’a pas perçu l’engouement pour les voitures électriques et les composants de batteries produits par Umicore. Il est vrai qu’en termes purement financier, Umicore présente des multiples de valorisation à donner le vertige.

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