Va-t-on assister au krach le plus prévisible de l’histoire?

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De plus en plus d’indicateurs virent à l’orange, voire au rouge, pour les marchés boursiers. Ils pointent tous vers une chute d’au moins 20% au cours des 2 prochaines années mais l’alignement de signaux est tel qu’il semble trop évident pour être vrai!

Plus longue hausse de l’histoire

En Bourse, un marché haussier perdure tant qu’il n’est pas interrompu par une baisse d’au moins 20% par rapport au plus haut. Bien que la formule soit assez arbitraire, elle est largement répandue et a permis à Wall Street de récemment établir le record du plus long marché haussier de l’histoire. Cela fait 3468 jours ou près de 10 ans -depuis le 9 mars 2009- que la bourse américaine monte sans discontinuer. Tous les indices ont pulvérisé leurs anciens records. Inévitablement, cette progression ne sera pas indéfinie et on est logiquement en droit de se demander si la bourse n’est pas mûre pour un krach. Selon l’adage, “les marchés haussiers ne meurent pas de vieillesse” mais ils finissent quand même tous par succomber.

Des valorisations trop élevées

En conséquence de cette envolée des cours, les multiples de valorisation ont pris de la hauteur. L’indice élargi américain S&P500 cote 17 fois les bénéfices attendus au cours 12 prochains mois, un niveau largement supérieur à la moyenne historique de 14 selon Factset. Les profits sont pourtant dopés par la baisse de 35% à 21% du taux d’impôt des sociétés aux États-Unis et par l’ingénierie comptable. L’année dernière, les bénéfices ajustés -suivant des normes propres à chaque société- des 500 plus grandes entreprises américaines ont ainsi dépassé de 13% les profits calculés suivant les normes comptables officielles. Plus récemment, le gendarme boursier américain a pressé Ford d’expliquer comment son excédent de trésorerie opérationnel pouvait avoir augmenté d’un milliard $ en chiffres ajustés et baissé de 800 millions $ en données officielles. Dans une perspective historique, la valorisation est ainsi encore bien plus tendue avec un ratio cours/bénéfice moyen sur 10 ans -permettant de lisser l’impact des cycles économiques- de plus de 33. Ce niveau a seulement été atteint avant les krachs de 1929 et de 2000 selon les données de Robert Shiller, lauréat 2013 du Nobel d’économie.

L’euphorie guette

Amazon, qui vient de passer le cap des 1000 milliards de dollars de valeur boursière, illustre bien l’euphorie ambiante. Le géant du web cote pas moins de 160 fois ses bénéfices des 12 derniers mois. Il devrait donc quintupler ses profits afin de pouvoir verser à ses actionnaires un dividende offrant un rendement comparable au taux à 10 ans “sans risque” aux États-Unis (2,85%). L’autre exemple frappant sur les marchés boursiers nord-américains est l’envolée des actions liées à la vente légale de marijuana. Canopy Growth vaut plus de 11 milliards $ et Tilray plus de 5 milliards $ alors que les ventes ne se comptent toujours qu’en dizaine de millions $ et que l’activité demeure largement déficitaire. Le gendarme boursier des États-Unis s’est même fendu d’un avertissement sur les risques de fraudes concernant les actions “cannabis”…

Vers une récession

Aux États-Unis, l’économie est en croissance depuis juillet 2009, soit plus de 9 ans. Cela en fait la seconde période d’expansion (sans récession) la plus longue de l’histoire, uniquement dépassée par les 10 ans entre avril 1991 et mars 2001. La croissance du PIB américain a certes accéléré cette année mais cela est largement dû à la réforme fiscale de Donald Trump. Ce coup de fouet devrait permettre aux États-Unis d’atteindre une croissance de 2,8% en 2018 selon les membres de la Réserve fédérale américaine. Une bonne nouvelle qui témoigne en fait d’une surchauffe par rapport au potentiel de croissance de long terme qu’ils estiment à 1,8%. En cas de ralentissement, le gouvernement américain disposerait de très peu de marge de manoeuvre pour stimuler la conjoncture alors que le déficit public devrait augmenter à 833 milliards $ en 2018 et 984 milliards $ en 2019. Nombre d’économistes ont déjà averti que tout ralentissement de la conjoncture risquerait aussi de s’emballer à cause du protectionnisme ambiant qui fragilise la croissance mondiale.

Inversion de la courbe des taux

La Réserve fédérale américaine a entrepris de relever (progressivement) ses taux directeurs depuis fin 2016. Les taux sur les marchés ont globalement suivi mais dans des proportions différentes. L’écart entre les rendements du Bon du Trésor américain à 10 ans et à 2 ans a fondu de 2,6% début 2014 à 0,2%. De nombreux observateurs s’attendent ainsi à voir le taux à 2 ans dépasser celui à 10 ans au cours des prochains mois. Ce phénomène d’inversion de la courbe des taux a été constaté pour la première fois en 1929 et a précédé toutes les chutes boursières des 30 dernières années. Globalement, la courbe des taux s’est inversée 10 fois depuis 1955 aux États-Unis, précédant (de 6 à 24 mois) les 9 récessions recensées depuis lors avec un “faux positif” en 1966, l’économie américaine avait alors ralenti sans entrer en récession.

Dr Copper est malade

Le cuivre est considéré comme un baromètre économique en raison de sa large utilisation dans des secteurs très dépendants de la conjoncture comme la construction, les transports et la consommation (électro-ménager). Depuis le mois de juin, le métal rouge fait toutefois grise mine, ayant chuté de 20 à 5880 $ la tonne. Ce recul témoigne avant tout du ralentissement de l’économie chinoise … premier moteur de la croissance mondiale.

La chute la plus prévisible de l’histoire

La succession d’indicateurs pointant vers un pic et une chute des Bourses au cours des 24 prochains mois est telle que nombre d’observateurs s’interrogent : n’est-ce pas trop évident pour être vrai ? En bourse plus qu’ailleurs, c’est souvent l’effet de surprise qui prédomine, tout ce qui est évident étant anticipé. Selon une étude de la Réserve fédérale de San Francisco, la courbe des taux demeure pourtant un indicateur pleinement opérationnel. On notera également que certains analystes avaient déjà qualifié la hausse qui perdure depuis 2009 de plus prévisible de l’histoire. Elle a en effet été stimulée par l’injection de liquidités des banques centrales. La Réserve fédérale américaine a depuis commencé à retirer ces liquidités alors que la banque centrale européenne devrait arrêter ses injections en fin d’année.

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