L’Italie va-t-elle relancer la crise des dettes souveraines?

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Les remontrances de la Commission européenne envers le budget italien ont de nouveau fait s’envoler les taux italiens. Le surcoût pour les finances du pays est au plus haut depuis la crise des dettes souveraines alors que Standard & Poor’s et Moody’s menacent également de sanctionner l’Italie.

Dans une lettre remise jeudi au ministre italien de l’Économie Giovanni Tria, la Commission européenne a estimé que le projet de budget italien pour 2019 enfreint gravement les règles budgétaires européennes. Elle épingle des dépenses trop élevées ainsi que la hausse du déficit structurel et de la dette publique. Bruxelles attend désormais une réponse rapide de Rome mais ce courrier pourrait être le prélude d’un rejet sans précédent de la loi de finances de l’exécutif italien. Sur les marchés, cela attisé la hausse des taux italiens.

Parfum de crise des dettes souveraines

La dette italienne à 10 ans affiche désormais un rendement de 3,7%. Le taux du Bund à 10 ans ayant reculé dans le même à 0,4%, le spread ou surcoût pour l’endettement italien a atteint 3,3%, au plus haut depuis 2013. Cet écart se rapproche du pic de 5% atteint en 2011. Il est également comparable au spread de la Grèce début 2010, quelques semaines avant que la zone euro n’octroie une première aide financière de 30 milliards d’euros à Athènes. L’Irlande et le Portugal s’étaient aussi résolus à appeler l’Europe et le FMI à l’aide peu après que l’écart de taux a dépassé les 3%. Ce parfum de crise des dettes souveraines est renforcé par la hausse des taux des autres pays sud-européens et par la menace des agences de notation. Standard & Poor’s et Moody’s doivent revoir leurs notes sur l’Italie d’ici la fin du mois. Actuellement, les deux agences ont une note à respectivement BBB et Baa2, soit deux crans au-dessus du cap séparant la catégorie dite investissement des obligations pourries. Pour la zone euro, la chute du domino italien serait évidemment catastrophique, l’économie italienne pesant plus du double de la Grèce, l’Irlande et le Portugal réunis. À 2300 milliards d’euros, la dette publique de l’Italie est également la 4e plus importante du monde.

La BCE en soutien

Fort heureusement, les temps ont changé depuis la précédente crise des dettes souveraines. Tout d’abord, le taux de référence du Bund allemand n’est plus que 0,4% contre 3% à l’époque. Les pays en difficultés peuvent donc supporter un spread plus élevé avant d’être étranglés. Le second élément est la possibilité d’intervention de la Banque centrale européenne (BCE). Andrew Jackson d’Hermes Fund Managers s’attend à ce qu’elle intervienne sur le marché de la dette italienne si le taux à 10 ans dépasse 5%. Dans un discours fondateur de son mandat, Mario Draghi, Président de la BCE, avait en effet déclaré en 2012 que “la BCE fera tout ce qu’il faudra pour préserver l’euro”. Cela passe inévitablement par un sauvetage de l’Italie dont la chute risquerait d’entraîner tout le continent.

Les doutes populistes

D’autres soulignent toutefois que la BCE pourrait se montrer prudente avant d’aider Rome. La première raison est qu’elle a adopté une politique de réduction des soutiens ces dernières années, accompagnant le redressement de l’économie (et se redonnant un peu d’air en cas de retour de manivelle). La seconde est que Mario Draghi insiste depuis plusieurs années sur la nécessité de réforme des politiques nationales. Or, le gouvernement populiste italien a pris le chemin inverse, détricotant plusieurs réformes. Le ministre de l’Économie a évoqué des actions si le spread atteint 4%-5%. En aidant Rome, la BCE donnerait donc un signal contraire, au risque de renforcer encore la vague populiste en Europe.

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