Les rénovations énergétiques sont hors de portée de la moitié des propriétaires

RÉNOVATION Le succès de la stratégie de rénovation dépendra des décisions que les millions de propriétaires prendront au cours des prochaines années. © Getty Images/Westend61 © getty

Maintenant que le télétravail est devenu la norme, de plus en plus de travailleurs transforment leur logement en bureau à domicile. Cela signifie que nous chauffons et nous éclairons davantage nos maisons. Comment pouvons-nous alors veiller à ce que nos émissions de gaz à effet de serre n’augmentent pas ?

Notre pays fait face à l’immense défi de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments d’ici 2050. La Flandre vise une réduction de près de 30 pour cent. Tous bâtiments confondus, les habitations sont responsables de 80 pour cent des émissions de gaz à effet de serre. “95 pour cent de nos logements doivent être rénovés pour satisfaire aux objectifs de neutralité climatique de l’Europe d’ici 2050”, explique Johan Albrecht, professeur d’économie à l’UGent. Toutefois, selon une étude qu’il a menée à la demande de l’organisation patronale Agoria, il semblerait que rénover ne coule pas de source. Notamment à cause de frais que cela engendre. “40 à 51 pour cent des propriétaires ne disposent pas des fonds suffisants pour rénover leur habitation et la faire correspondre aux exigences climatiques”, a constaté Johan Albrecht.

“40 à 51 pour cent des propriétaires ne disposent pas des fonds suffisants pour rénover leur habitation et la faire correspondre aux exigences climatiques” Johan Albrecht, UGent

“Les propriétaires qui investissent dans des rénovations le font principalement pour améliorer leur confort de vie. Leur priorité n’est pas d’économiser de l’énergie ou de réduire leurs émissions de CO2.” Dans certains cas, investir dans le confort peut parfois permettre de rendre une habitation moins énergivore, mais généralement, les anciennes constructions, relativement petites, sont surtout agrandies. Si on ajoute ces rénovations “de confort” aux rénovations énergétiques, près de 59 pour cent des propriétaires n’ont pas les moyens de financer une rénovation complète de leur logement. “De nombreux propriétaires auraient besoin de 50 000 euros supplémentaires”, ajoute Johan Albrecht. “Proposer des petites primes à la rénovation ou des prêts sans intérêts ne changera probablement rien.” L’analyse montre que seuls les ménages disposant d’un revenu mensuel d’au moins 3 000 euros peuvent se permettre de se lancer dans des rénovations.

Motivations financières

Selon Agoria, différents leviers pourraient être utilisés pour atteindre l’objectif de neutralité carbone. “Le gouvernement pourrait couvrir le risque pour les propriétaires lors de prêts pour des rénovations énergétiques”, explique Charlotte van de Water, experte en énergie et climat pour les bâtiments chez Agoria. “Il peut le faire en offrant certaines garanties. Les prêts pourraient être remboursables sur une plus longue période, de dix à vingt ans, par exemple. Les remboursements mensuels seront donc moins conséquents, et les rénovations seront donc envisageables pour davantage de propriétaires.” Le nombre de logements belges répondant aux normes de neutralité pourrait passer de 3 à 30 pour cent d’ici 2030, selon Agoria.

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La sensibilisation des propriétaires est également cruciale. Selon nos interlocuteurs, cette tâche devrait être répartie entre les autorités et le secteur de la construction. Cela peut notamment se faire en attirant l’attention sur les diverses possibilités et les avantages de la rénovation énergétique. De nombreux propriétaires ont déjà investi dans des mesures d’économie d’énergie par le passé, comme l’isolation du toit ou des combles et le double vitrage. “Beaucoup de propriétaires pensent que cela rend leur habitation efficace, voire prête pour l’avenir”, explique Johan Albrecht. “Ils ne se rendent pas compte que leur logement ne correspondra pas aux exigences pour 2050.” En outre, la majeure partie des propriétaires est également réticente à l’idée d’entreprendre des travaux de rénovation qui ne rapporteront que sur le long terme, en raison de la nature intrusive des travaux, de leur âge ou d’autres facteurs.

Pourtant, le succès de la stratégie de rénovation dépendra des décisions que les millions de propriétaires prendront au cours des prochaines années. Selon Agoria, le plan de relance flamand est très intéressant. “Les propriétaires disposant du budget nécessaire et désireux d’effectuer des travaux de rénovation pourraient, par exemple, recevoir un certificat de performance climatique gratuit ainsi que des informations de qualité au sujet des solutions possibles.”, explique Charlotte van de Water.

Coût social

Rendre nos logements neutres en émissions s’accompagne donc de nombreux défis. Charlotte van de Water : “Nous avons encore beaucoup à apprendre pour savoir quelle combinaison de mesures est optimale pour déclencher une transformation radicale. Quel est le coût social total de cette transformation ? Cette facture sera-t-elle répartie de manière équitable ? De toute façon, d’ici 2050 la plupart des habitations auront changé de propriétaire. Ce qui entraînera de nouvelles opportunités.”

Selon le professeur Albrecht, il est important de souligner que la neutralité climatique d’une maison permet non seulement de réduire les factures d’énergie, mais aussi d’augmenter considérablement le confort. Les avancées technologiques dans les domaines du chauffage, de la climatisation, de la ventilation, de la domotique, de l’éclairage et des protections solaires rendent cela possible. “Vous pourrez par exemple chauffer votre bureau à domicile à la bonne température tout au long de l’année, ou assurer la ventilation optimale de votre maison”, explique Charlotte van de Water. “En optant pour des énergies renouvelables, l’utilisation de ces technologies se fait également dans le respect de l’environnement.”

L’Europe en chiffres

Les bâtiments sont responsables d’environ 40 % de la consommation d’énergie et de 36 % des émissions de CO2 dans l’Union européenne. Selon la Commission européenne, 75 % des bâtiments sont inefficaces sur le plan énergétique. “Le potentiel de réduction est donc énorme”, explique Johan Albrecht, professeur d’économie à l’UGent. “Le Building Energy Performance Institute Europe affirme que 97 % du parc immobilier a besoin d’être rénové.” On estime que 75 % du parc immobilier actuel sera encore utilisé en 2050. “Une stratégie de rénovation ambitieuse et pragmatique est essentielle pour accélérer la transition vers un parc immobilier à faible émissions”, déclare J. Albrecht.

Dimitri Dewever

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