Pourquoi 2018 a été une triste année pour l’épargne-pension

L'ÉPARGNE-PENSION Jusqu'à présent, le rehaussement du plafond est un coup dans l'eau. © ISTOCK
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Annus horribilis pour ceux qui préparent leur retraite. Jusqu’à présent, 2018 a été plutôt décevant pour le 1,6 million de Belges ayant opté pour un fonds d’épargne-pension afin d’assurer leurs vieux jours.

L’Etat a multiplié les formules d’épargne-pension, à savoir le troisième pilier de la pension, en sus de la pension légale (premier pilier) et de la pension complémentaire constituée par le biais de l’employeur (deuxième pilier). On le sait : à l’été 2017, le gouvernement Michel a rehaussé le plafond de cette épargne. Il est ainsi possible de verser jusqu’à 1.230 euros cette année. Mais au-delà de 960 euros, une partie de l’avantage fiscal est perdu. Le bonus fiscal est réduit à 25 % de la totalité du montant. L’épargnant qui verse 960 euros, ou moins, récupère par contre 30 % de sa mise via la déclaration d’impôt.

En pratique, tous les gestionnaires de fonds et assureurs n’ont pas encore adapté leurs systèmes à cette nouvelle épargne-pension. Ceci étant, les épargnants qui envisageaient de verser plus de 960 euros mais n’ont pas pu le faire n’ont finalement pas raté grand-chose. Car tous les fonds d’épargne-pension belges sont en perte de vitesse depuis le début de l’année.

L’effet Cooreman

Parmi eux, c’est le fonds Inter-Beurs-Hermes qui offre le moins mauvais résultat. Ce fonds a été créé le 13 février 1987 par la banque anversoise Dierickx Leys, après le remplacement de l’ancienne loi Cooreman-De Clercq par la nouvelle loi sur l’épargne-pension. Autrement dit, c’est un des fonds d’épargne-pension les plus anciens. La loi Cooreman-De Clercq avait pour but de booster les augmentations de capital et les placements en actions. Son instigateur aujourd’hui nonagénaire, Etienne Cooreman (CD&V), reproche encore d’ailleurs régulièrement à l’Etat de ne plus encourager suffisamment l’épargne.

Le rehaussement du plafond de l’épargne-pension par le gouvernement Michel avait aussi pour but de stimuler le capital à risque. Un coup dans l’eau. Jusqu’à présent, rares sont les épargnants ayant profité de la possibilité de verser plus pour leur épargne-pension. Qui plus est, la réduction fiscale vaut aussi bien pour l’épargne-pension avec assurance que pour l’épargne-pension avec fonds, alors que les assureurs prêtent les deniers des épargnants à l’Etat principalement.

Quelles différences entre les deux formules ? Les fonds d’épargne-pension sont légalement obligés d’investir en actions et en obligations et tenus de respecter toute une série de dispositions légales qui ne s’appliquent pas aux assurances d’épargne-pension. Ainsi par exemple, ils ne peuvent investir que maximum 75 % du portefeuille en obligations et maximum 75 % en actions.

Pourquoi 2018 a été une triste année pour l'épargne-pension

Colruyt, Danone et e-commerce

Les pertes essuyées par les fonds d’épargne pension sont donc imputées aux mauvais résultats boursiers de 2018. Même si certains ont limité les dégâts. Ainsi le fonds Inter-Beurs-Hermes, qui était composé de 64 % d’actions, 35 % d’obligations et 1 % de cash. Les trois plus grandes positions de son portefeuille d’actions étaient les holdings Sofina, Ackermans & van Haaren et Brederode. Un choix qui s’est, somme toute, avéré judicieux cette année. Sofina, propriété de la famille Boël, a déjà bonifié de 36 % cette année, malgré les atermoiements boursiers. Sofina investit dans des sociétés cotées en Bourse comme le groupe de supermarchés Colruyt, qui atteint un niveau record, et le groupe alimentaire Danone, aussi bien que dans des entreprises non cotées en Bourse telles que le spécialiste indien de l’e-commerce Flipkart. Brederode, qui a progressé de 11 % par rapport à fin 2017, et Ackermans & van Haaren, qui a su limiter les pertes à 4 %, investissent chacun à leur manière dans des fonds privés.

De nombreuses obligations se sont par contre dévalorisées au cours des 11 derniers mois. C’est le cas notamment des obligations d’Etat italiennes reprises dans moult portefeuilles d’épargne-pension. Selon le rapport semestriel, elles ne faisaient pas partie du fonds de pension Inter-Beurs-Hermes. Les fonds d’épargne-pension ne peuvent investir que 40 % maximum dans des obligations hors Espace économique européen et 40 % maximum dans des obligations de société. Autrement dit, les gestionnaires de fonds, toujours en quête de rendement, se tournent assez rapidement vers ces obligations d’Etat italiennes.

Viser le long terme

L’obligation d’investir 80 % au moins du portefeuille en euros a également joué en défaveur de ces fonds d’épargne-pension cette année. En effet, les taux de change ont été davantage favorables aux placements en dollars américains. La monnaie américaine s’est renforcée face à l’euro en début d’année, atteignant 1,12 dollar pour un euro.

A court terme, les épargnants qui constituent un bas de laine en prévision de leur pension ne sont donc certes pas particulièrement satisfaits des rendements. Mais ils savent que seul compte le long terme. Ainsi, les fonds d’épargne-pension les plus anciens, ceux créés peu après la loi sur l’épargne-pension en 1987, affichent toujours un rendement annuel moyen avoisinant les 7 %.

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