“Pour la plupart des contribuables, le taux moyen d’imposition depuis 2017 est supérieur à celui des années précédentes”

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Jeff Wellens Juriste fiscaliste

Le régime fiscal actuel – rappelons que les réductions d’impôt régionales sont exclues du calcul du taux moyen d’imposition contrairement aux réductions fédérales – n’est ni logique ni équitable, d’après le juriste fiscaliste Jef Wellens.

Au moment de parcourir le décompte fiscal, on me pose parfois la question : “Et le tax shift dans tout ça ?” Et ce n’est pas tant en raison du montant qui figure sur l’avertissement-extrait de rôle à côté de la rubrique “résultat du calcul”, mais plutôt en raison du “taux moyen d’imposition” mentionné juste en dessous, qui représente pour beaucoup une indication de la charge fiscale moyenne à laquelle ils sont soumis. Pour la plupart des contribuables, ce taux moyen d’imposition depuis 2017 s’avère étonnamment plus élevé qu’au cours des années précédentes. Alors quid du tax shift ?

Le taux moyen d’imposition figure bien en évidence sur l’avertissement-extrait de rôle. Une kyrielle de revenus ne sont pas imposés au tarif ordinaire (maximum 50%), mais bien au taux moyen (généralement situé entre 25 et 35%) afin de casser le principe de la progressivité de l’impôt des personnes physiques. Il s’agit de revenus moins courants. Ainsi les indemnités de rupture ainsi que les arriérés de rémunération et de pension sont imposés au taux moyen afférent aux revenus imposables d’un exercice d’imposition antérieur. Mais le pécule de vacances anticipé, les arriérés de pension alimentaire et certains traitements de décembre de fonctionnaires sont quant à eux frappés du taux moyen de l’exercice d’imposition en cours.

Dans le cadre de la dernière réforme de l’État, il a été décidé, pour le calcul de ce taux moyen, de subitement ne plus tenir compte des réductions d’impôt régionales en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, mais uniquement des réductions fédérales. Si vous faites des dons, avez des frais de garde d’enfants ou cotisez dans le cadre d’une épargne-pension, cela réduit le taux moyen d’imposition, partant l’impôt sur les arriérés et les indemnités de rupture. Par contre, si vous achetez des titres-services ou remboursez un crédit hypothécaire en bénéficiant du bonus logement flamand ou du chèque habitat wallon, cela n’a plus aucune incidence sur le taux moyen contrairement à autrefois.

Cela explique l’augmentation du taux moyen d’imposition sur la plupart des avertissements-extraits de rôle depuis l’exercice 2017. Alors que le tax shift vise principalement les revenus soumis au taux d’imposition progressif ordinaire, la réforme de l’État augmente quant à elle très clairement l’imposition des indemnités de rupture, des arriérés ainsi que des autres revenus imposés au taux moyen.

Le législateur fédéral en a décidé ainsi afin d’éviter que les régimes fiscaux régionaux ne puissent exercer un impact sur le calcul de l’impôt fédéral, qui comprend notamment l’impôt sur les indemnités de rupture. Même si la loi ne l’interdit pas, cela constituerait selon lui une discrimination contraire à la constitution. Le raisonnement est le suivant : le bonus logement flamand et le chèque habitat wallon doivent être exclus du calcul du taux moyen d’imposition, puisque le Bruxellois ne bénéficie plus d’aucun avantage fiscal pour son crédit logement.

Mais s’agit-il réellement d’une discrimination ? Chacun est libre de choisir sa résidence fiscale et c’est le propre d’une réduction d’impôt, que vous y soyez ou non éligible, de faire baisser le taux moyen d’imposition. De plus, le législateur fédéral revoit son axiome de base à tort et à travers. Il permet que les régimes d’imposition régionaux puissent influencer le calcul de l’impôt fédéral pour déterminer les avantages fiscaux fédéraux relatifs aux hypothèques et calculer les allocations familiales en fonction des revenus des couples mariés. Cet axiome est donc tout sauf salvateur. C’est pourquoi il mériterait d’être remis en question.

Le régime fiscal actuel – rappelons que les réductions d’impôt régionales sont exclues du calcul du taux moyen d’imposition au contraire des réductions fédérales – n’est ni logique ni équitable. Comment justifier en effet, pour un même revenu et une même situation familiale, qu’un contribuable qui a contracté un “prêt de luxe” pour sa résidence de vacances à l’étranger paie 5.000 euros d’impôts de moins sur ses indemnités de rupture qu’un autre qui doit rembourser l’hypothèque nécessaire pour se loger ? C’est très simple : le premier prêt relève du fédéral, le deuxième de la région. Ne s’agit-il pas de discrimination ? Comme l’a déclaré récemment le législateur flamand : “La réforme de l’État complique l’établissement d’une réglementation cohérente.” C’est le moins que l’on puisse dire.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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